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Bodi Guillaume: «Ça n’a pas été facile de libérer le corps de l’évêque Jean Marie Benoît Balla»

Les recherches des sapeurs-pompiers sous le pont d’Ebebda, mercredi et jeudi, n’ayant produit aucun résultat, les autorités ont fait appel…

Les recherches des sapeurs-pompiers sous le pont d’Ebebda, mercredi et jeudi, n’ayant produit aucun résultat, les autorités ont fait appel aux autorités traditionnelles pour que la dépouille du prélat puisse être repêchée. Le récit des opérations.

La dépouille de l’évêque de Bafia, Jean Marie Benoît Balla, est gardée à l’Hôpital général de Yaoundé. Elle a été retrouvée vendredi, 02 juin 2017 à Tsang, près de Monatélé par un pécheur sorti aux aurores. Ce dernier, comme beaucoup d’autres piroguiers, avait prêté main forte, mercredi et jeudi, aux équipes des sapeurs-pompiers et marins dépêchés à Ebebda suite à la disparition, alors présumée, de l’évêque. Après des recherches restées infructueuses, les autorités décident de recourir à la tradition dans l’espoir d’avoir des résultats. Les chefs Bodi Guillaume (du village d’Ebom-zoud), Abega Ekassi (ancien chef d’Ebeda II) et Obono Bikie  (D’Ebebda centre) vont être sollicités pour les rites. Journal du Cameroun est allé à leur rencontre. Le récit de leurs intervention racontée par sa majesté Bodi Guilaume.

«Vers 14h (mercredi) lorsque j’ai appris que quelqu’un est tombé du pont,  je me suis immédiatement rendu sur le pont. Sur place,  j’ai trouvé le gouverneur (Naseri Paul Béa, Ndlr) des militaires, le préfet, là j’ai compris que l‘affaire est sérieuse. Je me rends vite compte que tous sont désemparés, ils ne savent même pas par où commencer. Nous apprenons que les sapeurs sont en route, néanmoins je trouve toujours qu’ils sont désemparés. Je me rapproche alors du préfet qui me connait et je lui suggère de mettre à contribution les forces locales parce qu’en pareille circonstance nous avons des gens qui peuvent aider. Je parlais des piroguiers et de nos gardiens de la tradition. Il a directement appelé le commandant de compagnie et m’a présenté en parlant de mes propositions. C’est à ce moment que je propose aux commandants de faire venir les piroguiers qui pourront orienter les sapeurs-pompiers. Cela est vite fait tous se mobilisent.

Quelques minutes, après les sapeurs-pompiers sont arrivés, ils se sont habillés directement pour entrer dans l’eau. Ce sont les piroguiers qui les ont aidé à entrer dans l’eau parce qu’ils sont venus sans matériels. Après plusieurs heures de plongée malgré que certains sapeurs-pompiers se plaignent des rochers qui les blessaient, les recherches ont dû être arrêtées pour cette soirée-là. Il faisait déjà presque nuit.

Le lendemain (jeudi, Ndlr), les sapeurs-pompiers sont revenus avec un matériel assez imposant, ils ont plongé toute la matinée, ils n’ont rien vu. Ils ont vraiment cherché partout, ils sont allés assez loin de sorte qu’installés sur le pont comme nous étions nous ne les voyions plus. A midi, ils sont allés manger et ils se sont reposés. Ils ont ensuite repris les recherches dans l’eau, tout le reste de l’après-midi. Ils n’ont rien vu. C’est à ce moment que je suis reparti auprès du maire, je lui ai dit de permettre qu’on fasse recours à la tradition pour retrouver le corps, parce que si on ne se déployait pas rapidement on allait retrouver le corps totalement abimé et on n’aurait jamais su ce qui a bien pu se passer. Or dans l’état où il a été retrouvé, les enquêteurs peuvent nous dire ce qui s’est passé.

Le temps fait pression

«Trop de temps s’était écoulé. Il fallait faire vite pour retrouver le corps. sous la pression du temps, le maire écoutait tout le monde, c’est comme ça que des gens le trompaient avec toutes sortes de raisonnements. Des marabouts se sont même présentés au maire, ils prétendaient pouvoir retrouver le corps. Ils ont donné la liste du matériel dont ils avaient besoin, les autorités ont acheté. Ils ont fait leurs  rituels. Au bout ils ont dit que le cadavre allait apparaitre après quelques heures. On a attendu mais rien. Finalement j’ai causé à nouveau avec le maire et le préfet lorsque j’ai su que nous avions le feu vert, je suis allé chercher le patriarche (Obono Bikie) ainsi que notre spécialiste de l’eau (Abega Ekassi).

Ils ont demandé qu’on leur apporte quelques vêtements qui appartenaient à l’évêque, le repas qu’il aimait beaucoup manger et quelques outils supplémentaires. Personne n’a compliqué, l’évêché nous a envoyé ce que nous avions demandé (des vêtements, de gros poissons frits, des pommes de terre, du vin rouge et des maltas). C’est ainsi que nous sommes descendus sous le pont, autour de 21h 30. Le patriarche a ensuite demandé qu’on change d’endroit et aussi qu’il n’y ait pas de gens avec nous. Nous nous sommes déplacés, nous sommes allés sous le pont au bord de l’eau. Nous n’étions plus que six avec le maire et le chauffeur de l’évêque et un autre chef qui est venu nous prêter main forte. Le maire n’a pas suivi toute l’opération, il s’est excusé il se sentais fatigué. Celui qui a assisté jusqu’à la fin c’est le chauffeur de l’évêque. Nous avons donc pris la parole à tour de rôle comme le veut la tradition. Nous n’allons pas rentrer dans le secret du rite mais ce qu’il y a à savoir c’est que nous avons demandé à nos ancêtres de libérer le prêtre parce qu’en tant qu’homme de Dieu sa place ne se trouve pas dans les bas-fonds.

Tout un monde dans l’eau

«Le travail était très dur. Ça n’a pas été facile de libérer l’évêque. Parce qu’en fait ce que nous avons fait c‘était de demander aux habitants de l’autre monde de le libérer pour que le corps puisse être retrouvé. Parce que le monde de l’eau est organisé, on y trouve tout ce que nous avons ici sur terre, les prisons, le tribunal, des maisons… Et  lorsque le prêtre est arrivé personne ne l’attendait il a troublé la tranquillité des autres et donc il était retenu captif.»

Lorsque vers minuit nous poursuivions nos opérations, le patriarche, en accord avec notre spécialiste de l’eau, nous a rassuré que notre travail était sur la bonne voie. Il a demandé qu’on fasse venir le maire avant six heures pour qu’il vienne suivre en direct la réponse qui nous sera donnée. Ce qui est fait, à 5h30 le maire arrive.

A son arrivée, nous lui apprenons que le travail pour lequel nous avons été retenus est fini et que le premier piroguier qui va aller dans l’eau va rapporter la dépouille. On le savait parce que le spécialiste de l’eau nous avait déjà dit où on allait la retrouver. Le corps a été retrouvé à Tsang par un piroguier qui l’a bloqué dans les herbes et est venu prévenir. La marine a alors envoyé un bateau pour le récupérer. Monseigneur présentait juste quelques égratignures au niveau du visage, les poissons avaient un peu commencé à le manger. Mais sinon il était tel que nous on le voyait sur les photos.

Tout n’est pas fini

Nous disons aujourd’hui que tout n’est pas fini. Nous sommes heureux parce que le corps est retrouvé, toutes les questions qu’on se pose auront des réponses et la famille peut faire son deuil. Toutefois, il faudrait que nous allions maintenant remercier ceux qui nous aidons à travailler. Je parle des gens des bas-fonds parce qu’ils nous ont permis de retrouver le corps de l’évêque dans un bon état et reconnaissable.»

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