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Au Cameroun, l’échec du pouvoir est si accablant que l’attente du changement est profonde

Par Fred Christian Djomo Paraphraser Rudyard Kipling, c'est dire que « le combat pour le bien être des Camerounais n'a…

Par Fred Christian Djomo

Paraphraser Rudyard Kipling, c’est dire que « le combat pour le bien être des Camerounais n’a pas appartenu à nos martyrs qui l’ont déclenché, mais à ceux qui l’on terminée et qui l’ont tirée à eux comme un butin ». C’est le propre de toute révolution d’être inachevée ou détournée. Ce ne sont pas ceux qui se sont battus qui ont recueilli les lauriers, sauf à titre posthume.

Le système politique imposé depuis 1960 par les différents pouvoirs néocoloniaux n’a pas attendu que le pouvoir lui soit donné par des élections, il l’a pris par une voie difficilement qualifiée de démocratique.

Il a engendré des dirigeants qui veulent rester longtemps au pouvoir, ont confondu Nation, Etat et peuple, capitalisme d’Etat. Il a confisqué à son profit l’indépendance du pays.

Qui commande l’armée courtisée par tous, centre de décision, haut lieu où s’élabore la politique du pays par ses services de renseignements qui sont l’assise de son pouvoir, son instrument d’oppression et de répression, commande le pays ? La philosophie du système politique est que le président de la République, choisi par les décideurs de l’armée, est placé durant son mandat sous leur contrôle, il ne lui reste plus qu’à se soumettre ou se démettre. La vraie filière pour accéder au pouvoir passe par l’armée.

Biya a bien organisé sa marche vers le pouvoir absolu
Il hérite d’un pouvoir de son prédécesseur. Il organise lui-même les élections dont il s’arrange à gagner. Les trois priorités de Biya sont : prendre le pouvoir, l’exercer et étendre ses attributions, le garder, pour régner et gouverner à la fois, sans partage, sans contre-pouvoirs et sans contrôle.

La politique du président Biya repose sur la technique de la conquête, de la pratique et de la conservation du pouvoir. Sachant que le pouvoir se garde par la force, et la loyauté par les privilèges et la corruption, il n’a ménagé ni l’une ni les autres.

Par le coup d’Etat constitutionnel de 2008, il s’est donné tous les pouvoirs par la révision de la Constitution en y ôtant la limitation des mandats du Président.

Un Président qui dispose d’un pouvoir absolu confinant à la monarchie, où tout dépend de lui et de lui seul, n’est pas au service du Cameroun, c’est le Cameroun qui est à son service. Il a écarté les uns après les autres les décideurs de l’armée qui l’ont fait roi, pour être roi par lui-même. Se perpétuer au pouvoir, le monopoliser, conduit à la dictature, l’une des dernières du XXIe siècle, qui corrompt l’âme de la nation.

Toutes les élections du président Biya à la magistrature suprême n’ont pas dépendu du choix du peuple consacré souverain par la Constitution, mais du choix des décideurs de l’armée, de ses sbires, qui lui ont assuré à chaque élection une victoire à la Pyrrhus, sans risque et sans gloire.

Les libertés ne sont pas protégées, mais quotidiennement bafouées, altérées, aliénées. Il faut obtenir pour la personne humaine ses droits, sa dignité, sa liberté.

Pour s’élever dans les affaires humaines, il faut de l’esprit et du c ur. Le respect des droits de l’Homme est un devoir de l’Etat. La politique interne du Cameroun ignore la question des droits de l’Homme qui est fondamentale.

La diplomatie camerounaise quant à elle vieillissante, qui brille par la parole sans résultats, a besoin de se moderniser. Le pouvoir est négateur des libertés. Les libertés garanties par la Constitution ont été détournées par les lois, les décisions réglementaires et surtout par le fait du prince de Mvomeka’a.

La machine Biya au Cameroun fait de la désinformation et de la manipulation. Le pouvoir dispose, grâce à elle, d’un moyen d’information et de propagande puissant, qui ne respecte ni la mesure, ni l’équilibre, ni l’objectivité que les Camerounais sont en droit d’attendre d’un service public.

Les patrons de presse et les journalistes qui se font les relais de la propagande du pouvoir visent confortablement leur profession. Tenus en laisse par des réseaux politiques, claniques, financiers, ils sont de connivence avec les cercles du pouvoir. Ils contribuent à affaiblir la presse et même à la discréditer.

La presse libre ne dit pas toujours ce qu’elle pense, ne pense pas toujours ce qu’elle dit, mais pense toujours ce qu’elle ne dit pas.

Au Cameroun, le pouvoir judiciaire s’aligne sur le pouvoir exécutif et s’éloigne de l’Etat de droit
Les Camerounais connaissent la soumission organique et fonctionnelle de la justice au pouvoir exécutif. La justice n’est pas sortie grandie des procès politiques mais affaiblie, déconsidérée, marquée par le désaveu des Camerounais. Elle a failli et les Camerounais ne lui font plus confiance. Quand ceux qui bafouent les lois sont les juges qui sont chargés de les appliquer, il y a dérive de la justice.

Le Cameroun est l’un des Etats les plus corrompus du monde
« Le pouvoir absolu corrompt absolument », disait le philosophe anglais du XIXe siècle, Lord Acton. La corruption est chronique. La manne pétrolière qui est le sang et la liberté du peuple camerounais, a multiplié les corrupteurs et les corrompus.

La corruption est une pratique courante dans la gestion des affaires de l’Etat, réalisée par des prédateurs politiques et économiques, issus d’une collusion entre milieux d’affaires et clans du pouvoir, auteurs de graves malversations de biens du patrimoine national. Le peuple camerounais est scandalisé, indigné par la corruption, où des centaines de milliards de francs CFA ont été détournés.

Etre le frère, le fils, la fille, la belle-fille, le cousin des puissants et des riches ouvre l’accès à la haute administration, aux Affaires étrangères, aux postes stratégiques de l’économie publique et privée.

Faites un tour par exemple dans les représentations diplomatiques du Cameroun à l’étranger, ce sont les mêmes qui dirigent. C’est à peine si l’on ne s’exprime pas dans ces ambassades en langue locale bien connue du Sud Cameroun.

Si le pouvoir corrompt, que dire alors de l’argent ? Ils se consolident l’un par l’autre.

Le devoir et l’honneur des militaires est de servir la nation, seulement la nation.

Le Cameroun n’a pas fait l’économie du pouvoir militaire, mais est-ce seulement une étape ? Serait-elle « une armée qui possède un Etat, ou un Etat qui possède une armée » ?

La mainmise sur l’armée par le président Biya se fait avec beaucoup de casse, le militaire casse le militaire. « Divise et règne », a dit Machiavel. Le Président a réduit peu à peu au silence et à l’abandon de plusieurs officiers qui ont combattu pour le Cameroun avec victoire et qui, esprits critiques, contestent sa politique. Les soldats retraités de Bakassi en savent quelque chose. Et que dire de ceux qui sont sur le front dans le grand nord dans la lutte contre Boko Haram ?

Biya a utilisé la répression contre les jeunes qui sont descendu en 2008 dans la rue pour dénoncer sa politique. Et l’histoire le jugera car, même décédé, sa tombe sera jugée et condamnée par le tribunal du peuple pour une peine à perpétuité à l’enfer.

Les énergies longtemps contenues au sein des militaires doivent se libérer pour apporter leurs concours, leurs compétences, leurs expériences, au service de la nation. Le vrai problème est l’illégitimité du président Biya issu d’élections truquées.

L’échec du pouvoir est si accablant que l’attente du changement est profonde. Le poids des idées et l’exigence de démocratie, de liberté et de justice finiront par peser sur la société qui établira un Etat de droit.


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