Avec ses 153 tanneurs, c’est un centre artisanal où la modernité et le savoir ancestral se côtoient au quotidien
Le visiteur qui arrive pour la première fois dans ce quartier des tanneurs est très vite accueilli par une odeur pestilentielle qui provient non seulement de la décomposition des peaux de bête, mais aussi des eaux noires en provenance de l’usine de la SODECOTON que draine le Mayo Dada Mama. Peaux de vache, de chèvre, de mouton. tout y passe. Tout commence par un séchage à froid et non au soleil, des peaux de bête qui arrivent dans un hangar pour éviter de faire fondre la graisse. Puis vient l’étape du trempage de ces peaux dans des bacs aménagés à cet effet. Le trempage qui a pour but d’assouplir la peau et de conserver sa couleur se fait à l’aide de l’eau chaude mélangée soit avec du »natron » ou de la cendre, soit dans de la chaux vive pendant 48 heures au moins et 72 heures au plus. Les plus modernes peuvent tremper la peau dans de la soude caustique, et cela pendant 6 heures seulement. Cela permet de faire quitter facilement tous les poils lors du raclage. Après quoi, la peau est une fois de plus trempée dans un autre bac à eau mélangée cette fois là, avec des excréments d’oiseaux que les artisans ramassent en quantité suffisante au parc national de Waza. Ces poils qui s’entassent au jour le jour permettent aux villageois de fabriquer des briques de terre très résistantes aux intempéries. Dans le même sens, les détritus des graines d’acacia comme les poils de bêtes sont sollicités par les agriculteurs comme des fertilisants.
Le troisième rinçage se fait toujours dans des bacs, dans un mélange de fruits d’acacia pillés, pendant 4 heures avant le raclage de la graisse. Puis vient le séchage sur des cordes tendues un peu partout dans cet espace. Après le séchage, vient la dernière étape qui est le tirage de la peau à l’aide d’un bâton pour la rendre tendre et utilisable par les artisans.
Mais certains artisans vont encore exiger la teinture de leur peau avant livraison. Cela se fait généralement à l’aide des produits chimiques ou selon des méthodes traditionnelles, notamment des écorces d’arbre, véritable teintures dont les tanneurs seuls ont la maîtrise. Pour ce qui est de la couleur noire qui est d’ailleurs la plus sollicitée, elle s’obtient par un mélange de l’oxyde de fer, de la peau de banane, de la noix de mangue, des os, le tout mélangé pendant 3 jours et séché par la suite. Un véritable travail de fourmi dont le produit fini permet aux artisans de confectionner des sacs, des samaras, des tapis et bien d’autres objets artisanaux très prisés par les touristes.