Cet instrument est actuellement exposé à Deïdo dans le cadre de la foire internationale de Douala. Rencontre
Mme Adjiang Afoungang Isabelle, dite Emiza, vous avez réussi le pari de lever le mystère qui entoure depuis une centaine d’années le « ilung », comment s’est passée la démystification de cet instrument musical?
Vous savez, nous sommes une association culturelle appelée Emiza Pod, et nous faisons de la recherche. Ce qui m’amène à la foire par exemple, c’est l’exposition d’un instrument sur lequel je travaille depuis plusieurs années. C’est un cordophone, mais c’est un instrument spécial, on ne le voit pas beaucoup, c’est un instrument qu’on n’a pas joué depuis une centaine d’années. Le « ilung » date de la période coloniale, les chercheurs ont travaillé dessus, dans Emiza Pod, nous avons estimé que ces recherches n’ont pas abouti aux résultats escomptés. Avec la mondialisation aujourd’hui, nous nous sommes lancés dans la recherche approfondie de l’historique de cet instrument. Le ministère de la recherche scientifique et de l’innovation ayant vu notre hargne au travail, notre engouement, notre persévérance et notre envie de réussir, et surtout de faire quelque chose pour la recherche au Cameroun, et même au-delà, le ministre Madeleine Tchuenté, nous a soutenu pour qu’on puisse exposer cet instrument, qui est un véritable don des esprits ancestraux et qui a été découvert par la gent féminine. Nous avons réalisé des documentaires sur cet instrument qui passe malheureusement ou heureusement, hors du Cameroun, mais notre rêve, c’est de donner la possibilité aux diffuseurs locaux de se pencher sur cet instrument.
Quelles sont les origines du « ilung » ?
Déjà, c’est un instrument qui faisait mal à l’époque, comme on dit généralement. Aujourd’hui, nous sommes entrain de relever le défi, car hier, on appelait le « ilung », un instrument mystico – religieux, je suis avec des prêtres religieux qui en savent plus sur l’instrument aussi. Mais dans les recherches, on ne parle plus de mystère, on parle de l’innovation, on parle de ce qui est concret désormais. Et donc, nous avons démystifier cet instrument dans Emiza Pod. Par exemple, 7 musiciens qui jouent de cet instrument ont été produits par nous, tout comme, nous avons réalisé des documentaires qui expliquent mieux l’importance de cet instrument comme je le disais. Nous continuons de lancer le défi aux autres pays de nous donner les origines des autres instruments. Concernant les origines du « ilung », je voudrais également préciser que je suis très fière par ce que cette foire se déroule au bord de la mer. En effet, c’est au cours de la pêche au barrage que les femmes qui étaient en train de pêcher, ont vidé un esprit qui chantait du « ilung », surpris, l’esprit abandonne le « ilung » et il retombe dans l’eau, et l’eau que nous avons justement près de nous, est un élément crucial, pour que les camerounais viennent voir cet instrument qui est sorti de l’eau et qui se retrouve aujourd’hui sur la terre ferme.
Quand les femmes découvrent l’instrument, toutes retiennent ces sons, après elles l’ont pris avec beaucoup de peur. L’esprit ayant disparu, l’esprit étant rentré dans son village natal qui est l’eau par ce que ne pouvant pas supporter la chaleur de la terre, il abandonna cet instrument et demeura dans son fleuve où les femmes étaient entrain de pêcher. C’est ainsi que la gent féminine à pris beaucoup d’importance à cet exercice en reprenant cet instrument avec beaucoup de grâce, de peur aussi, pour venir le montrer à nos hommes, nos époux dans le village et dire ce qu’elles ont vu. Compte tenu de ce qui s’est passé à la rivière, les femmes avaient du mal à s’expliquer, et préféraient alors répéter les sons sortis de l’instrument, et petit à petit, les hommes ont commencé à s’intéresser et à jouer du « ilung ». Mais lorsque la première femme a pris sur elle pour la première fois la décision de transmettre son savoir-faire sur le « ilung », à un homme, elle décède quelques jours après. Et on est allé de décès en décès, chaque fois qu’une personne maîtrisait l’art de jouer du « Ilung », lorsqu’il fallait passer à une autre personne son savoir-faire, il y avait mort d’homme au finish.
Fini de mystère alors?
Aujourd’hui en effet, il n’y a plus de mystère, quand je parle de la démystification du « ilung », c’est le terme que les grands frères chercheurs et initiés ont demandé d’utiliser.
Cet instrument a été présenté lors du dernier Fespaco à Ouagadougou au Burkina-Faso, comment ça s’est passé?
Oh très bien, c’était un grand moment que de présenter cet instrument dans le cadre de ce grand festival qu’est le Fespaco, preuve qu’en dehors du cinéma, il y a aussi d’autres aspects de la culture que les organisateurs valorisent.