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Cameroun: en 2017, le chemin sera sans doute encore plus long si rien n’est fait

Par Hugues Bertin Seumo Nous sommes entrés en 2017. Encore une année de plus d'espoir et de v ux. Et…

Par Hugues Bertin Seumo

Nous sommes entrés en 2017. Encore une année de plus d’espoir et de v ux. Et dire que cela fait plus de 34 ans que cela dure.

Plus de cinquante-quatre ans après l’indépendance du Cameroun, ce pays continue à être empêtré dans de multiples dysfonctionnements.
L’on avait espéré un peu naïvement que la pluie des revendications populaires des années quatre-vingt-dix viendrait nettoyer le pays de la kyrielle des maux qui la minent. Erreur. Elle est venue inonder le Cameroun dans le doute et l’exaspération. Pendant que sous d’autre cieux les démocraties se profilent à l’horizon donnant naissance à la prospérité et à de l’espoir, chez nous, c’est la désolation totale.
Le Cameroun disait un contemporain, est devenu un pays où les espoirs n’ont plus de place. Le peuple désabusé est obligé de mendier chez le voisin même s’il faut emprunter la pirogue au risque et péril de sa vie pour s’y rendre. Personne n’échappe à la règle. Adultes, jeunes, hommes, femme-enfant.

Tous les maux ont repris du galon, la zizanie du terrain, la dictature du service. C’est dans ce pays qu’un préfet par exemple ou un commissaire de police qui à bout portant, tire sur des manifestants qui réclament leurs droits élémentaires sans que cela n’émeut personne. C’est dans ce pays que l’on peut voir des étudiants traînés dans la boue, d’autres frappés comme des vulgaires bandits par des forces de l’ordre. Que dire des avocats sauvagement violentés dans les locaux de la police de Muea, à Buea.

Dans cette jungle du 21ème siècle, la vie d’un être humain ne vaut rien devant la méchanceté des hommes en tenues.
C’est dans ce pays que l’impunité a le vent en poupe. Et voilà que le climat social en prend un coup et l’économie s’en va à vau-l’eau. Les années se succèdent mais aucun embelli ne pointe à l’horizon pour un peuple qui n’aspire qu’à vivre dans la dignité. L’an dernier, un communiqué du CEBAPH (Cercle Belgo-Africain Pour la Promotion Humaine) épinglait le gouvernement et révélait que 70% de la population camerounaise croupit dans la misère et la précarité. Une misère qui a précipité la mort de bon nombre des retraités plus tôt faute de moyens pour survivre. Au-delà des cris de colères qui fussent dans tout le pays, c’est beaucoup plus l’incompréhension et le sentiment de révolte qui animent les Camerounais.

Peu d’études sur ce pays voisin du Tchad ne laissent réellement place à l’espoir : on ne cesse d’y répéter que le Cameroun s’enfonce et devient de plus en plus «un musée des maux de l’humanité». L’image d’un pays abandonné à un groupe de gangsters paraît résumer l’ensemble des perceptions d’un pays qui tendrait à se confondre avec la misère, la corruption et la fraude et qui serait la patrie des crises diverses. Lentement, le Cameroun s’en va à la dérive
Pourtant et fort heureusement, derrière ce décor tourmenté, de nombreuses contestations voient le jour en passant par les syndicats, les associations les mouvements sociaux de jeunes et de femmes, les organisations professionnelles, environnementales, des droits de la personne., c’est toute la géographie sociale qui est en plein désespoir.

Dans une république qui se respecte, digne de ce nom donc, un Etat de droit, où les forces publiques de sécurité sont au service des citoyens, celles-ci sont 24H/24 sur la brèche pour traquer les malfaiteurs et protéger les paisibles populations.

Chez-nous au Cameroun, à partir de 19h, les populations sans défense sont à la merci pour ne pas dire livrées aux malfaiteurs et autres agresseurs de tout bord.

Notre police, qui envahit les rues, les marchés, les gares routières etc.. pendant le jour, devient muette la nuit dans les commissariats ou brigades, dans leur maison ou en faction aux domiciles des tenants du pouvoir. Mais une telle disposition ou stratégie pour veiller sur la sécurité publique des populations est vraiment spécieuse et, on pourrait bien se demander, de quelle académie de police sécuritaire est sorti son inventeur, pour concevoir une telle stratégie si négative et dénuée de bon sens ?

En fait, c’est comme si la nuit, les malfaiteurs étaient incapables de commettre la moindre forfaiture. Pourtant, c’est évident et connus de tous, que les crimes, les agressions et les vols sont perpétrés généralement la nuit. Surtout quand les bandits savent, qu’ils ne risquent pas de rencontrer sur leur chemin, une patrouille de police, une brigade antigang ou de GMI, ils prennent tranquillement tout leur temps pour commettre leurs forfaitures

Autre manquement
Les infrastructures sanitaires publiques se distinguent par leur vétusté, leur manque de matériel technique adéquat en rapport avec l’avancée de la technologie, leur insuffisance en dotation de médicaments à prix abordables, ainsi qu’un personnel réduit et peu motivé. Tout ceci constitue des facteurs endogènes et exogènes néfastes qui mettent en danger la santé publique des populations démunies.

Le nombre des accidents mortels de la route sur le plan national donne des froideurs au dos.
Le lot de victimes exprime éloquemment, le haut niveau d’insécurité auquel nous sommes tous usagers de la route, confrontés. Evoquer ici les raisons, qui sont multiples et de plusieurs ordres semblent être une gageure, malgré tout, on peut en citer quelques facteurs.
Il y a tout d’abord l’état d’un réseau routier national défectueux qui a atteint par endroits un niveau de dégradation avancée, pour lequel, il n’est prévu nulle part au niveau de l’Etat, un service technique de surveillance et d’entretien permanent des routes.
Un autre facteur et non des moindres, l’irresponsabilité des conducteurs dont certains ne respectent même pas le Code de la route. Il y a aussi le laxisme des services habilités de l’Etat, qui laissent faire et n’appliquent des semblants de sanctions qu’en cas d’hécatombes.

Dans le domaine scolaire et universitaire, nous assistons aux effectifs pléthoriques dans des salles des classes surchargées allant en moyenne de 100 à 180 élèves dans le primaire et le secondaire, des amphis dans lesquels les étudiants s’étouffent, conduisant à une baisse drastique du niveau de l’enseignement ; au manque d’ouvrages didactiques tant pour les enseignants que pour leurs élèves ; à la privatisation de l’enseignement par le désengagement de l’Etat qui conduit à la cherté de la scolarisation et aux multiples malversations grevant l’enseignement privé où les plus grands escrocs s’enrichissent sur le dos des parents d’élèves au moment où, avec les milliards détournés, les dignitaires du régime vont scolariser leurs enfants à l’étranger.

Si l’on est prêt à se mobiliser pour investir des millions pour la construction des panneaux solaires à Mvomeka’a, pourquoi ne le ferait-t-on pour secourir les sinistrés des inondations récurrentes de Douala ou des déplacés du fait de Boko Haram de la ville de Kolofata ?

Si on peut offrir des véhicules 4×4 flambant neuf aux gouverneurs des régions comme Paul Biya l’a fait récemment, pourquoi ne ferait-on pas ce même geste pour les sinistrés de Kerawa? L’aide qu’on doit apporter à ceux qui on a besoin ne devrait souffrir d’aucune préférence. Vouloir diviser le peuple pour des questions qui nécessitent le patriotisme républicain n’honore personne.
Les problèmes d’électricité et d’eau potable que vivent les populations du Cameroun ces dernières années ont dépassé le simple cadre des délestages et des pannes. L’eau et le courant électrique tendent à être ici un luxe.

Il faut juste faire un tour chez les réparateurs d’appareils électroménager pour savoir ce que l’électricité fait comme ravage dans nos foyers. Que dire des victimes des maladies hydriques dans nos hôpitaux ? Quoi qu’il arrive, les populations sont victimes d’un manque de politique énergétique nationale.

Nos dirigeants actuels ont fait de la transformation des ressources économiques en ressources politiques, c’est-à-dire de la corruption, un instrument de gouvernance. Cet instrument-là a pris le temps de construire son nid au point qu’aujourd’hui au Cameroun, le seul parti qui rassemble véritablement les Camerounais calculateurs, le seul parti visible dans nos marchés, dans nos rues, dans nos villages, dans nos villes, dans nos administrations, dans nos commissariats, dans nos camps militaires….dans nos cimetières bref, dans tous les espaces publics, dans toutes les strates de notre quotidienneté et de la société, et plus grave encore, dans nos consciences d’Homme, c’est le parti de la corruption et de l’impunité.

Au Cameroun, la classe politique au pouvoir et l’opposition dite institutionnelle sont les seules à régner en véritable maîtres comme dans une chefferie traditionnelle. Cette classe ne songe, ni à traiter les questions de citoyenneté ni de susciter un dialogue social. Chacun ne pense qu’à s’enrichir illicitement, à piller l’économie du pays. Au Cameroun, on nomme souvent des ministres et les relèvent de leurs fonctions quand on veut, un peu comme un jeu similaire au « Songo » pour un président qui s’ennuie à faire et à défaire son jeux avec des pions choisis en avance.

Le chemin sera sans doute encore long si rien n’est fait.
Mais pour que le peuple se lève d’une seule voie pour mettre fin à ces années de souffrance, il faut qu’on la rééduque par tous les moyens nécessaires que possibles .Il faut créer au sein de nos associations des espaces de démocratie, fédérer nos efforts dans une dynamique de réseau et offrir des alternatives concrètes aux pratiques sociales et de développement en vigueur. C’est le prix à payer pour échapper à la crise qui guette toute initiative de transformation sociale et d’alternance politique.

Une plate-forme commune de la diaspora progressiste comme celles qui existent déjà nous offre-t-elle aujourd’hui l’opportunité de construire un autre Cameroun ou, une fois de plus, une nouvelle occasion pour retomber dans la « raque de l’histoire » ?

A nous d’éviter la deuxième éventualité et de faire en sorte que la première se réalise. Un autre Cameroun est possible mais, avec la volonté de tous sans discrimination aucune.


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