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Cameroun: la mauvaise gestion de la production à l’origine de la pénurie de lait

A cause de l'absence de systèmes de conservation appropriés les producteurs écoulent rapidement leur lait sur les marchés locaux, d'où…

A cause de l’absence de systèmes de conservation appropriés les producteurs écoulent rapidement leur lait sur les marchés locaux, d’où la pénurie en périodes de basse lactation

Souvent traditionnels, les mécanismes de production laitière en Afrique ne permettent pas de couvrir les besoins d’une population, en constante croissance démographique et estimée à plus de 1,2 milliard de FCFA.

En dépit des importantes potentialités agricoles dont il dispose, le continent africain peine toujours à couvrir ses besoins en lait. Fait qui incombe selon des experts, interrogés par Anadolu, à une mauvaise gestion de la production durant les périodes de lactation ainsi qu’à la race du cheptel local, à « faible production ».

« Les mécanismes de production laitière en Afrique ne permettent pas de couvrir les besoins d’une population, en constante croissance démographique et estimée à plus de 1,2 milliard », a déclaré à Anadolu, le responsable de la production animale au sein du Programme national de sécurité alimentaire du Tchad, Hamit Toukour Mahamat.

Derrière cet handicap, le spécialiste cite des méthodes de production traditionnelle, qui « ne permettent pas de répondre à la demande du marché, estimé à 460 millions de m3 par mois contre une production mensuelle de près de 3 millions de m3 ».

Citant l’exemple du Tchad, il a indiqué que le pays produit environ 200 mille m3 de lait par mois, quantité qui pourrait répondre aux besoins locaux sauf que la conservation pose problème, en l’absence d’un circuit de transformation approprié.

Pour Kawtal, plate-forme des éleveurs peuls du Tchad, de la RCA et du Cameroun, « l’Afrique ne manque pas de cheptel pour répondre aux besoins de la population en produits laitiers ».

Rien que les régions d’Afrique centrale et de l’ouest, peuvent produire suffisamment de lait et d’autres produits laitiers pour nourrir tout le continent, a affirmé à Anadolu, Mahamat Younous Abba, coordinateur de cette plateforme. Cependant, « la filière laitière n’est pas assez valorisée dans les pays agropastoraux du continent, fait qu rend l’autosuffisance laitière difficile à atteindre », indique-t-il.

Le cheptel dont ces pays disposent, estimé à 14% du cheptel mondial selon la Banque mondiale (2016) peut alimenter, de façon permanente, les marchés africains en produits laitiers, ajoute Younous.

Il précise que dans certaines régions du Tchad, du Niger, du Mali et du Cameroun, la production laitière locale dépasse la demande se situant entre 50 et 250 mille m3 de lait par mois, mais face à l’absence de systèmes de conservation appropriés, les producteurs se retrouvent obligés d’écouler rapidement leur lait sur les marchés locaux ou de le transformer en lait caillé, d’où les pénuries qui caractérisent les périodes de basse lactation.

Un récent rapport de la Banque mondiale (juillet 2016), révèle, en outre, que dans la majorité des pays africains, le prix au détail d’un produit de première nécessité comme le lait, est supérieur d’au moins 24% que dans d’autres grandes villes de la planète.

Un constat confirmé par le chercheur tchadien, Natoï-Allah Bienvenu, enseignant à l’Institut national d’Agro-alimentaire d’Ati. «Dans les pays comme le Niger, le Tchad, le Cameroun et la Guinée où l’élevage constitue la principale source de revenue pour plus de la moitié de la population, le lait produit localement coûte plus cher que le lait concentré et importé d’Europe », indique-t-il dans une déclaration à Anadolu.

Il juge, en outre, que pour répondre aux besoins du continent en matière de produits laitiers, il est essentiel de mettre en place des système efficaces de transformation industrielle.

Sur un continent, pourtant riche en bétail (plus de 3 milliards de têtes selon une étude de la Banque mondiale 2014), la filière laitière peine à se développer face aux produits importés. Aucun pays ne produit suffisamment de lait pour répondre à la hausse de la consommation, estimée à 4 % par an (Selon le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad-cité par Jeune Afrique).

Interrogé à ce sujet, le vétérinaire tchadien, Nardjim Ouinati, a indiqué que les races bovines africaines comme le b uf kouri, le zébu Bororo et le b uf toupouri, souvent destinés aux travaux champêtres, de transports et à la production de viande, ne produisent pas assez de lait.

Il précise, à ce propos, qu’une vache kouri produit entre cinq à dix litres de lait par jour, contre 20 à 35 litres pour une vache française ou hollandaise.

Outre cette faible productivité liée à la race, le spécialiste cite les difficultés liées à la conservation. Fait qui rend la constitution d’un stock difficile.

D’autant plus que les infrastructures routières demeurent défaillantes dans la majorité des zones rurales, ce qui rend le transport de la production vers les villes très difficile sans oublier le sérieux problème de connexion électrique rendant la conservation impossible.

Revenant sur ce point, le président de l’Association des éleveurs nigériens, Hamit Suleyman Mamani a indiqué « en général les grands consommateurs du lait se trouvent dans les grandes villes mais les routes sont difficilement praticables en saison pluvieuse, période durant laquelle la production laitière est à son apogée ». Il estime, de ce fait, que « le problème d’accessibilité des centre urbains, est l’un des enjeux majeurs auxquels il faut s’attaquer pour promouvoir le secteur laitier en Afrique ».

Face aux multiples défaillances de la filière laitière en Afrique, le continent assure ses besoins grâce aux importations de lait concentré aussi bien d’Europe que d’Amérique qui ne cessent d’augmenter. Les pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) importent, à eux seuls, chaque année pour 300 millions d’euros de lait en poudre. La dépendance varie d’un pays à l’autre. «Avec 3,7 millions d’habitants, la Mauritanie importe autant que l’Angola, qui en compte 25 millions», souligne Éric Fargeton, directeur des ventes du français Lactalis pour l’Afrique subsaharienne, cité par Jeune-Afrique.

Les initiatives locales pour répondre aux besoins laitiers locaux se multiplient eux aussi mais peinent encore à aboutir. Entrepreneurs et éleveurs locaux créent de plus en plus de coopératives pour transformer et commercialiser le lait au niveau local afin de rendre le lait frais localement produit plus accessible et compétitif face au lait en poudre importé, généralement 10 % à 15 % moins cher.


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