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Cameroun: Um Nyobe et la téléologie de l’échec

Par Patrice Nganang Un Camerounais bien-pensant m'a réveillé ce matin avec une comparaison absurde - les Français ont De Gaulle,…

Par Patrice Nganang

Un Camerounais bien-pensant m’a réveillé ce matin avec une comparaison absurde – les Français ont De Gaulle, dit-il, les Anglais ont Churchill, les Américains ont Lincoln, les Ivoiriens ont Houphouët-Boigny, et même les Congolais ont Lumumba. Nous les Camerounais, conclue-t-il, nous avons Um Nyobe.

C’est trop mal vu, cette comparaison, je trouve, à moins qu’elle ne nous présente une vérité simple: l’histoire camerounaise est celle de l’échec. Car de tous ces gens-là, même Lumumba a quand même été Premier ministre de son pays, alors qu’avec Um Nyobe, ça a été échec et mat. Et c’est ça le plus important! A moins que la différence entre victoire et échec ne veuille plus rien dire comme presque tout dans notre pays.

De Gaulle a été président de France deux fois, Lincoln, président des USA, Churchill premier ministre de Grande Bretagne, et tous les trois ont gagné, je dis bien gagné les guerres qu’ils ont menées, la deuxième guerre mondiale pour les premiers, et la guerre civile américaine pour le second.

Houphouët-Boigny a été président de son pays. Lumumba, lui, a tout de même été Premier ministre du Congo avant d’être assassiné. Je le répète: Lumumba a bel et bien été Premier ministre du Congo avant d’être assassiné, et c’est bel et bien lui qui a reçu les oripeaux de l’indépendance de son pays.

Um Nyobe quant à lui a raté tout ce qu’il voulait atteindre – l’indépendance, la présidence du Cameroun, et même la Guerre civile camerounaise. Echec et mat, quoi.

L’histoire camerounaise est celle du ressentiment, et voilà ou ça commence- le 13 septembre. Si j’avais du temps je l’expliciterais en termes philosophiques, surtout en ouvrant les textes de Friedrich Nietzsche, son analyse profonde, très profonde du ressentiment, car ça explique sans doute bien des choses sur la fondamentale négativité, je dis bien négativité de mes compatriotes.

La téléologie de l’échec dans notre pays commence avec ce cadavre-ci – Um Nyobe -, et pollue la pensée camerounaise ou ce qui en tient, à commencer évidemment par Achille Mbembe qui en a fait un Dieu autant qu’un concept. La question qui se pose aujourd’hui est celle de savoir si ce pays notre, si le peuple camerounais qui a raté même jusqu’au coup d’Etat, la chose la plus réussie en Afrique, si ce peuple dont la mentalité, et c’est-à-dire dont l’histoire et dont la fabrique sociale est si saisie par la téléologie de l’échec, si le peuple camerounais donc, peut en sortir pour fonder son histoire dans le succès, dans la victoire, et donc, si sa lecture de l’histoire du monde cessera un jour de comparer des gens qui ne sont pas comparables, juste pour se morfondre encore plus dans l’échec.

Je réponds qu’il nous faut plonger plus profondément pour nous libérer de ce spectre de l’échec – dans la culture


monsieur-des-drapeaux.com)/n

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