Chevalier de l’Ordre National de la Légion d’Honneur française: Rencontre avec une militante dans l’âme!
Elle aura très tôt appris à venir au secours des plus démunis, cette fibre évoluera vers le militantisme et la mort de Dulcie September, la représentante de l’ANC, assassinée en 1988 sera un tremplin. Et depuis rien ne l’arrête. Rencontre avec une militante née!
Comment vous êtes-vous retrouvée à la tête de l’IFAFE?
J’avais proposé la création d’une association en 1992 à quelques amies durablement installées en France. Le but était d’aider d’autres personnes à mieux s’en sortir. Mais l’idée d’aider les autres femmes en difficultés n’a pas autant réjouit mes consoeurs qui ne voyant pas ce que cela leur apporterait en retour, ont abandonné le projet. En avril 1993 avec d’autres femmes à l’Hôtel California à Paris, l’association Initiative des Femmes Africaines de France et d’Europe : IFAFE était créée.
En 1996, trois ans après, de simple association IFAFE, elle est devenue une Fédération regroupant les associations. L’objectif étant d’aider à la création d’associations ou d’aider les structures existantes à se formaliser pour être crédibles, de leur apporter un appui technique au quotidien dans leurs activités, de valoriser et de rendre visibles leurs réalisations sur le plan national et international. Le rôle de la Fédération IFAFE aujourd’hui qui compte 30 associations sur l’étendu du territoire français est de coordonner et d’animer ce réseau d’associations. Enfin, la Fédération IFAFE assure des formations notamment à la gestion d’une association Loi 1901 en France ou sur les stratégies de communication associatives.
La vie associative est un lieu d’apprentissage à la démocratie. La Loi 1091. Elle est pratiquement un passage obligatoire pour la compréhension du fonctionnement de ce pays et de son histoire. Un levier incontournable pour mieux s’intégrer dans la société française et permet d’accéder à une foule d’informations. Dommage, car les étrangers n’ont toujours pas compris les enjeux à la participation à la vie associative et de personnes et continuent encore à sous estimer son poids économique et social..
Comment avez-vous été poussée à créer une association?
J’en suis arrivée à créer parce que jeune au Cameroun, j’avais étant au Cameroun, milité dans des groupes de jeunesse chrétienne et puis très sportive, j’ai toujours eu l’esprit «d’équipe» et de «groupe». Arrivée en France en août 1973, j’ai continué à évoluer dans le sport et j’ai trouvé la lutte contre l’Arpatheid battait son plein en France et faisait la Une des médias. Dans d’Arcueil où habitait, Dlucie September, la représentante de l’ANC qui a été assassinée en 1988 à Paris, le maire était le président de l’association Nationale contre l’Apartheid. M’ayant rencontré lors d’une manifestation à Paris devant l’Ambassade d’Afrique du Sud, il m’avait invité à adhérer dans son association et de plus, il me prenait pour une sud-africaine. Après l’arpatheid, j’ai décidé de continuer à militer mais pour l’intégration des populations étrangères en France pour uvrer dans les projets de développement vers le continent africain.
Quelles sont les associations regroupées au sein de la Fédération IFAFE?
Il s’agit principalement des associations qui oeuvrent pour l’intégration des populations étrangères et qui font la promotion des cultures africaines ici en France et dans toute l’Europe. Vers le continent africain, il s’agit des associations qui oeuvrent pour le développement. Nous les aidons à travers les montages de projets, les recherches de financements ainsi que les formations.
Ces associations sont totalement autonomes dans leur fonctionnement. Notre rôle est de coordonner, d’animer et de rendre visible leurs activités. En 2000, après le vote de la loi sur la parité homme et femme en France, la fédération IFAFE a ouvert aussi l’adhésion aux associations hommes ou d’associations mixtes.
Quand on vous entend parler, on se demande comment est elle arrivée à capitaliser les combats des français. Si vous étiez restée au Cameroun auriez-vous eu la même ferveur militante?
De qui tenez-vous cette flamme du militantisme?
Je la tiens de mes parents, de ma maman en particulier. Je suis née à Enongal, à Ebolowa. Mon père travaillait à l’hôpital d’Enongal à l’aube de sa retraite. Il se trouve qu’à peine à 3 km de là, pas de là, il y avait une léproserie que personne ne fréquentait. Ma maman avait décider de soutenir ces populations plus ou moins marginalisées. Mon frère et moi, on était chargés d’aller porter secours à ces populations et aux malades de l’hôpital qui n’avaient personne pour leur donner à manger. La cuisine de ma mère avait toujours pleins de marmites. Mon frère et moi on revenait de l’école et on allait d’abord donner à manger aux malades. Cela faisait partie de notre vie : savoir partager, porter secours aux autres et être solidaire. J’ai gardé en mémoire les prières des mamans à l’église d’Enongal qui priaient pour un « jeune prisonnier », Nelson Mandela, qu’elles ne connaissaient même pas. Arrivée en France, j’ai trouvé entre autres les luttes des femmes, le combat pour la libération du peuple sud-africain et j’avais naturellement rejoins les troupes.
Quels sont vos rapports avec le monde associatif camerounais? En tant que camerounaise et présidente d’une fédération
Je vais préciser que la Fédération IFAFE est une organisation française et internationale. L’objectif est justement d’être une force de propositions auprès des pouvoirs publics français sur des sujets portant sur l’amélioration des conditions de vie des femmes et leurs familles en France. Et pour nos pays d’origines, nous oeuvrons pour le renforcement des capacités des associations locales à travers des sessions de formations et d’information sur la gestion, les stratégies de recherches de financements pour la réalisation des projets de développement et la mise en réseau d’acteurs locaux.
La Fédération IFAFE est ouverte aux associations de toutes les origines, à ce titre, elle intervient et entretient des partenariats avec des associations locales en Afrique dont au Cameroun bien entendu. A cet effet, la Fédération IFAFE a été déjà assuré des formations sur la gestion et faciliter la mise en réseau des associations à Ebolowa, Yaoundé, Douala, Makak. Nous avons également aidé à la création d’une association des pêcheurs à Kribi.
Avez-vous des projets pour le Cameroun?
J’ai crée avec certains camerounais, le Conseil des Camerounais d’Europe : CCE qui est une Fédération d’associations pour faire la promotion des camerounais en France et en Europe. Association loi 1901, elle est essentiellement composée d’associations camerounaises et d’acteurs camerounais dont les objectifs sont oeuvrer dans tous les domaines pour le développement du Cameroun, de promouvoir le dynamisme et le savoir-faire de Camerounaises, des Camerounais pour le rayonnement du Cameroun en Europe, de participer aux plates formes des migrants en France et en Europe.
Le Conseil de Camerounais d’Europe est encore très mal connu, mais a déjà à son bilan, plusieurs réalisations que vous pouvez consulter sur le Site. Il siège actuellement au Conseil d’Administration du FORIM (Forum des Organisations de Solidarité Internationales issues des Migrations)et à la Commission Paritaire pour le financement du Programme PRAOSIM soutenu par le Ministère français des Affaires Etrangères – Coopération Développement.
Est-ce que pour vous le militantisme est une profession?
C’est une conviction, un sacerdoce. Soit on se lève un jour et on décide de défendre une cause parce qu’on estime qu’il y a des injustices soit, on reste les bras croisés et l’on subit. Pour moi, militer est un fait naturel qui permet à la société de se développer et d’évoluer. On peut en faire une profession à nos jours. D’ailleurs les associations en France sont les premiers employeurs de par le nombre de salariés qu’elles disposent. Une association loi 1091 se gère comme une entreprise avec du personnel et les charges y afférentes la seule différence avec une entreprise, c’est que les bénéfices ou le surplus en fin d’année ne doivent pas être partagé entre les membres. Logique, il ne s’agit pas d’une « Tontine ».
Il est important de contribuer à l’évolution de la société dans laquelle l’on vit. Exemple : tout ce que nous avons trouvé dans ce pays n’est pas tombé du ciel. C’est bien parce que d’autres se sont levés, se sont battus pour obtenir des changements et des améliorations. C’est aussi à nous de poser des actes. Les absents ont toujours tort.
Le Président de la République française vous a élevé au rang de Chevalier dans l’Ordre National de la Légion d’Honneur. Qu’est ce que cela représente pour vous ? Et tous vos combats?
Pour moi cette décoration, c’est une reconnaissance de la République Française pour tout d’abord trente ans de vie professionnelle que j’ai exercé en France car je suis Consultante en Communication Evènementielle. Ensuite, la deuxième partie de cette décoration concerne trente ans de vie que j’ai su partager entre ma profession et le bénévolat, le militantisme pour défendre certaines causes en particulier la lutte contre les discriminations et le racisme. Cette décoration représente pour moi, encore plus de responsabilités et d’engagement envers les autres. J’avoue qu’en aucun jour, je ne faisais tout cela en attendant ni une certaine reconnaissance, ni une récompense. Et je ne cesse de le dire, si cela m’est arrivé, ça peut arriver à beaucoup à beaucoup d’entre vous. Il suffit de vouloir et de penser aux autres et un peu à soi.
J’ai dédié cette médaille à mes parents qui m’ont enseigné le devoir envers les autres, le partage et l’humilité. Enfin, dans mon discours, je l’avais également dédié à mon pays d’origine, le Cameroun dont je continue fière malgré tout et dont je suis l’une des ambassadrices partout où je me trouve.
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Damarys Maa Marchand |
En tant que femme, comment avez-vous réussi à gérer votre vie professionnelle, votre vie de famille et votre vie associative?
Tout est sacrifice dans la vie. L’on ne peut pas tout avoir. Il faut savoir faire des sacrifices. Rien n’est facile. C’est déjà difficile pour des femmes françaises dans leur propre pays, ça l’est encore plus difficile pour une étrangère venue d’un lointain pays comme moi, qui doit se battre d’abord pour s’intégrer dans la société. J’ai privilégié ma vie professionnelle et beaucoup de choses ont été sacrifiées. J’ai remis à plus tard beaucoup de chose : le mariage, les enfants.Malheureusement pour certaines choses, il est difficile de revenir en arrière. Car, pour programmer certaines choses, il est souvent trop tard.
En fait, il me semble que dans la vie d’une femme, il faut tenter de tout faire en même temps dans la mesure du possible, si on a les moyens et les possibilités.
C’est quoi une belle femme?
C’est une femme qui est bien dans sa tête, qui assume son corps, son identité et qui avant de sortir de chez elle devrait se « que vais-je pouvoir apporter autres ? » au lieu de dire : « qu’est-ce que cela va m’apporter ? »
C’est une femme qui assume ses responsabilités en tant que femme dans son apport à l’évolution de la société dans laquelle elle vit.
Votre journée préférée?
Le 8 mars, la Journée Internationale des Femmes. J’invite les femmes surtout les femmes camerounaises à comprendre ce qu’il y’a derrière cette journée. Il ne s’agit pas de se mettre en concurrence avec les hommes, ni à se mettre en grève pour le rôle que la nature nous a confié. Mais au contre, il s’agit de réfléchir et faire valoir sur les acquis et sur tout ce qui reste à faire pour améliorer les conditions de vie des femmes. Il y a tant de sujets et de thèmes à aborder quand bien même beaucoup de femmes ont toujours joué un rôle important dans ce monde. La reine Tiye, la reine Pokou et d’autres illustres contemporaines, la liste serait longue. Malheureusement, ces femmes restent encore peu connues par le grand public, pas valorisées et encore moins enseignées dans les manuels scolaires.