Directrice d’une association de service à domicile, elle assume aussi les fonctions d’adjointe au maire chargée des solidarités et de l’action sociale
Racontez-nous votre enfance. Vous avez fait vos études au Cameroun?
J’ai fait des études au Cameroun de la maternelle en troisième et par la suite, j’ai rejoint ma mère qui était venue en France. Elle avait quitté mon père qui avait épousé deux autres femmes. Elle fuyait la polygamie et avait d’autres ambitions pour moi. C’est pourquoi elle m’a fait venir en France.
Parlez-nous de votre enfance.
Durant mes études primaires, j’ai beaucoup voyagé dans le pays parce que mon père était forestier. J’ai fait l’école primaire à un endroit qu’on appelait le pont de So’o, une localité située sur la route d’Ebolowa. J’ai continué à Avebé à 6 kilomètres du pont de So’o et tous les matins on partait à l’école à pied et pareil le soir. J’y suis allée à l’école jusqu’en classe du cours moyen I et par la suite mon père a été affecté à Campo, vers Kribi (côte maritime sud). Comme c’était une nouvelle société, il n’y avait pas d’école, ni de structure d’encadrement. Mon père m’a envoyé chez une de mes tantes à Eséka où j’ai poursuivi à l’école protestante. Après mon certificat, je suis allée au collège dans un internat qui s’appelait collège Marie Albert à Eséka.
Quel est le meilleur souvenir que vous en gardez?
J’en ai beaucoup, mais le meilleur c’est le sport parce que j’ai été très sportive. J’ai été présélectionnée dans l’équipe nationale de Handball, un très bon souvenir. Je garde aussi un bon souvenir des jeux qu’on appelait OSSUC et qui étaient très intéressants. On rencontrait beaucoup de monde et vraiment j’en garde un bon souvenir parce que c’était la liberté. On était entre jeunes, il n y avait pas les parents et en plus c’est tout le Cameroun qui se retrouvait à Yaoundé pendant une semaine ou deux. C’était génial.
Ensuite, vous partez du Cameroun pour la France…
Je suis arrivée en 1976 en France pour des raisons familiales. Je voulais faire une seconde littéraire. Il n’y avait plus de place, je me suis inscrite en seconde scientifique. Mais, j’étais nulle en maths. J’ai fait la première B et la Terminale G, un parcours atypique. Quand j’ai eu mon BAC, je me suis inscrite en faculté de droit. J’ai eu ma maîtrise et par la suite, j’ai fait un DESS (diplôme d’études supérieures spécialisées) à l’université de paris V en commerce intérieur, avant de commencer à chercher du travail comme tout le monde.
Mais comment vous retrouvez-vous à faire du service à la personne?
Etant à l’université, j’avais fait l’examen d’entrée à l’école d’avocat. J’ai été admissible et j’ai loupé l’oral. C’était la première fois que je ratais un examen et cela m’a beaucoup bouleversée. J’avais 24 ans, je voulais un enfant. Je voulais m’installer, donc je me suis dit je vais d’abord commencer à travailler et par la suite je pourrai recommencer mon concours d’avocat. J’ai trouvé un travail d’assistante de direction dans une société de transports, après j’ai été enceinte. J’ai eu mon fils et j’ai dû arrêter de travailler pour l’élever. Quand je suis revenue pour rechercher du travail dans l’assistanat, (j’avais fait assistanat juridique au Thillay à côté de Roissy dans le domaine des plaintes relatives au transport) les choses avaient changé. Tout était informatisé et je n’avais eu aucune formation. Je me suis retrouvée mère célibataire sans emploi et avec un enfant à charge. Des copines m’ont dit, il y a des possibilités d’être garde malade. Il fallait que j’élève mon fils et donc je me suis retrouvée garde malade auprès des personnes âgées.
A quand remonte votre engagement politique?
Mon engagement politique est un cheminement. A un moment, on en a marre d’avoir des diplômes et d’être sous payée et surtout d’avoir comme supérieurs hiérarchiques des gens qui n’ont pas votre niveau. Ça met mal à l’aise. Comme il m’était arrivée de travailler comme auxiliaire de santé c’est à dire garder des personnes âgées atteintes de pathologie comme l’Alzheimer, Parkingson, j’étais révoltée. Révoltée parce que j’avais des copines d’écoles blanches qui avaient trouvé du travail dans les grandes boites et j’étais la seule noire de la promotion et la seule qui n’avait pas trouvé du travail. Cela a cheminé dans ma tête. Je me suis dit au lieu de traîner avec les capacités que j’avais, pourquoi ne pas créer quelque chose moi-même. Il y avait la fondation VIVENDI qui offrait des financements à des personnes qui créaient des emplois nouveaux. J’ai soumis un projet qui a été validé et j’ai reçu une somme qui pouvait correspondre à l’équivalent de 9 000 euros à peu près (6 millions de Francs CFA environ). J’ai pu commencer mon activité. J’ai rencontré un maire adjoint et je lui ai soumis mon projet, il l’a trouvé intéressant,
C’était quoi le projet?
Le projet c’était de créer des emplois pour des personnes qui n’en avaient pas tout en aidant les personnes âgées. Donc d’un côté, on accompagnait les personnes étrangères dans leur insertion et de l’autre, on permettait à des personnes âgées de bénéficier d’un certain soutien. Ce conseiller a trouvé le projet intéressant, il m’a aidé à le monter, et à le structurer. Il était élu du parti socialiste et il m’a invitée à plusieurs réunions. A la fin j’ai intégré le parti socialiste. J’ai fait mon cheminement, j’ai été élue pour la première fois conseillère municipale en 2001; avant d’être réélue en 2008. Là j’ai été promue au poste d’adjoint au maire.
En quoi consiste votre poste d’adjoint au maire chargée des affaires sociales?
J’agis sur l’urgent, sur des personnes qui ont des difficultés passagères ou plus récurrentes. En ce moment, j’ai un budget de 100 000 euros par mois. En deuxième lieu, il y a tout ce qui est prévention. On travaille aussi avec les familles, les personnes âgées, tout ce qui concerne la vie au quotidien, les personnes handicapées aussi. C’est vraiment du concret.
Votre commentaire sur le débat sur l’identité nationale
J’ai assisté à des réunions sur le sujet et je pense sincèrement que les étrangers devraient aussi faire des propositions. Je trouve qu’on est très silencieux par rapport à ces problèmes qui nous concernent pourtant.
Peut-être parce qu’ils n’y ont pas été invités tout simplement?
Personne ne m’avait invitée.
Et le Cameroun vous y retournez souvent?
J’y retourne souvent évidemment, j’aime beaucoup mon pays. Je souhaite travailler avec plus de municipalités, plus d’associations, de façon à montrer à certaines personnes qu’elles peuvent être heureuses au Cameroun. J’ai l’impression que les gens qui sont restés au pays, pensent qu’on peut trouver mieux ailleurs, alors que moi si on me donnait la possibilité de recommencer, je ne crois pas que je referais la même chose. Lorsque je suis au Cameroun, je me sens en phase avec la nature, je me sens en phase avec les gens qui m’entourent, avec tout. J’ai l’impression qu’on ne va pas me dire rentrez chez vous. Quand je suis dans mon village, pas loin de Boumnyebel (zone Bassa). Il n’y a pas d’électricité, il n’y a pas d’eau courante mais, je suis chez moi.
Il existe la possibilité des jumelages de mairie, est ce que vous n’avez pas pensé à mettre en place ce type d’initiative?
Oui il y a ce qu’on appelle la coopération décentralisée, mais malheureusement, il n’y a pas beaucoup d’associations camerounaises qui en demandent. Car, il faut faire des projets, il faut travailler sur des choses pérennes. J’ai envie de travailler sur les projets, permettre aux gens de s’en sortir.
Et les Camerounais vivant en France vous les rencontrez souvent? Vous en avez parmi vos administrés?
Oui! j’en ai parmi mes administrés. Moi j’essaye de développer des relations avec plusieurs autres personnes. Je trouve que le fait de se fermer en communauté n’est pas un avantage. Lorsqu’on regarde les statuts des associations, en objet on voit très souvent entraide, solidarité soutien. Je dis qu’est-ce que vous apportez à la France ? Que vais-je dire au maire ? En termes d’utilité pour le Co-développement vous faites quoi ? On a besoin nous, que les associations s’intègrent dans le tissu local, elles peuvent faire des partenariats avec le Cameroun. Je leur dis, se réunir pour faire des tontines pour aider les frères restés au pays, ce ne sont pas des projets qui intéressent la municipalité.
Qu’est-ce qui intéresse la municipalité?
Il faudrait dire, voilà, on va travailler sur l’interculturalité par exemple. Nous ne pouvons pas aider un projet qui consiste à aider quelqu’un qui a perdu sa mère au quartier en Afrique. Je respecte beaucoup ce genre d’initiative, cela m’est déjà arrivé et j’ai beaucoup apprécié. Mais, je dis on peut faire les deux, au regard des associations maliennes, sénégalaises, qui ont des projets de développements intéressants. J’ai un procès au Cameroun et j’entends bien le jour où je vais le gagner profiter de cette publicité pour alerter les populations là-bas qu’on peut très réussir en restant au pays, en s’organisant. Moi j’ai un beau frère qui n’a pas de travail, il vit ici à la campagne de l’élevage de poulet, des dindes, pintades et lapins, et rien qu’en vendant dans la famille il se fait son argent, il n’a pas besoin d’acheter de la viande et il cultive ses légumes.
Pour terminer, un mot sur le litige qui vous oppose à Brussels Airlines.
On sera fixé normalement au mois d’Avril. Cela concerne un sans papier expulsé du territoire belge qui était maltraité dans l’avion. Je suis intervenue et la police des frontières n’a pas apprécié. Ils m’ont maîtrisé avec violence en me mettant à terre alors que je ne faisais que protester verbalement. Lorsque nous sommes arrivés au Cameroun, j’ai été interdit de vol, j’ai porté plainte pour rupture abusive de contrat commercial et en Belgique pour violence.
Lorsqu’on veut vous faire plaisir qu’est-ce qu’on vous sert à manger?
J’aime bien (Rires) le Ndomba et le taro, un met de chez nous, les Bassa.