«Je suis la première fille du nord à jouer à la Garraya et je voudrais plus tard avoir de quoi aider les jeunes qui arrivent»
Née à Samaki par Meiganga le 10 mai d’une certaine année qu’elle refuse de dévoiler, l’artiste Naa Mbea Souma, de son vrai nom Soumaï Esther est une digne fille de l’ethnie Gbaya dans la région de l’Adamaoua. Après ses études primaires jusqu’en classe du cours moyen deuxième année à l’école publique de Kalaldi par Meiganga où elle obtient son Certificat d’études primaires et élémentaires (CEPE), la jeune Esther va passer une enfance très mouvementée entre Buéa, Edéa, Yaoundé, Garoua et Kousséri, grâce à ses multiples grandes s urs qui se retrouvaient un peu partout dans les quatre coins du Cameroun. Sa réputation de grande voyageuse va la pousser à s’envoler très tôt pour la France. Après quatre voyages successifs au pays de Molière, elle va définitivement y déposer ses valises à l’âge de 16 ans. Grâce à des cours de préparations et de remise à niveau, elle va finalement atteindre le niveau de la classe de Terminale. Mariée à un Français d’origine juive qui était enseignant à l’université de Ngaoundéré avant de s’installer en France, son mariage avec Alain Pajonk ne fera malheureusement pas long feu. Durant son séjour français, elle intègre le groupe «Kawtal » de Lyon en France avec des artistes comme Bassoro, Sally Gondge, Eric Bass, Ataly et bien d’autres.
Quand elle revient à Ngaoundéré, elle crée un cabaret dénommé «le jardin Moïnam» et intègre le groupe «Makaya System» de J.P. Matou qui est un peu pour elle un mentor parce que dit-elle: Il m’a donné ma chance en me permettant pour la première fois de jouer sur scène. Commence alors pour elle le «tour de l’Afrique». De la Côte d’Ivoire au Burkina Faso en passant par le Tchad, la Centrafrique, le Nigéria, le Sénégal et le Mali, l’artiste Naa Mbea Souma a fait ses preuves. Au Sénégal, j’ai chanté avec Dimi Ndour lors des soirées et j’ai même tourné un clip à Dakar avec les danseuses de Youssouf Ndour avoue-t-elle. A la question de savoir d’où lui est venue cette passion pour la musique, elle déclare: Je suis restée un jour et je me suis demandée comment est-ce qu’une femme pouvait se tenir devant toute une foule et chanter?. C’est donc par souci de transcender le poids de la tradition qu’elle s’est lancée dans la musique, surtout que son père qui est décédé alors qu’elle n’avait que neuf ans, était un grand artiste «traditionnel». Se souvenant de lui, elle en parle avec beaucoup de fierté. Il faisait tout. Cultivateur, berger, tailleur, artiste traditionnel.
A l’actif de Soumaï Esther, deux albums dont le second n’est en quelque sorte que la reprise de certains titres phares du premier album intitulé «Guezeguezezi» (qui signifie en langue Gbaya «écoute-moi») paru en 2006. Je n’étais pas satisfaite du résultat de mon premier album parce que j’ai commencé ici et je suis allé le finir en France avec des européens comme David Castel, Helene Castel, Arthur Dzana le batteur… Ça n’a pas marché faute de promotion. En 2009, elle sort son deuxième album intitulé «Mosaye» qui signifie littéralement «les choses du village ou du pays». Dans cet album, elle développe des thèmes comme «Tom Bawi» ou le travail au foyer ; «Zito» qui traite de l’ingratitude des hommes ; «Wikom» qui signifie ne touche pas à mon mari ; «Oumba» qui parle d’une jeune fille déçue ; «Sally» qui traite de la mésaventure de l’artiste avec tous ceux qui portent ce nom. «Tous les Sally que j’ai rencontré sont des «tchoukou tchoukou», ils font tous le karambani», déclare-t-elle.
De retour au Cameroun depuis décembre 2010, l’artiste entend s’y installer définitivement. [i Après quinze ans passés en France, j’en ai marre. Je suis fière de mon pays, même si ma fille adoptive Rabiatou Pajonk est en France. Je suis la première fille du nord à jouer à la «Garraya» et je voudrais plus tard avoir de quoi aider les jeunes qui arrivent. Si la piraterie n’existait pas, j’aurais déjà réalisé mes projets». Comme projets, elle ambitionne d’ouvrir un cabaret et un studio où elle pourra installer son orchestre de «Garraya» et aussi amener d’autres filles à s’y intéresser. Comme coup de c ur, l’artiste Soumai Esther déclare aimer ce que fait son collègue Zala Zulu qui a d’ailleurs arrangé son deuxième album. Sa gratitude va aussi à certains de ses proches tels que sa maman chérie, Diza Louise. Comme coup de gueule, elle dit détester la méchanceté et la violence. Je n’aime pas la patate, même comme Zonga a dit que la patate n’a pas d’os. Son plus grand souvenir reste sa participation au concert des artistes camerounais au Zénith de Paris. C’est moi qui ai fait l’ouverture le 4 juillet 2009 au Zénith de Paris », avoue-t-elle fièrement.