Brusquement interrompu en 2003, l’état des lieux initié en 2001 tarde toujours à redémarrer
Le Comité du patrimoine mondial s’est réuni pour sa 32ème session le 2 juillet au Canada. Pendant cette session, de nouveaux sites ont été inscrits sur la liste du patrimoine mondial le 7 juillet en après-midi et en soirée. Parmi ceux-ci, le site sacré du temple de Preah Vihear. Situé au bord d’un plateau qui domine la plaine du Cambodge, ce site a été préservé quasiment dans son intégralité, essentiellement en raison de sa situation reculée, à proximité de la frontière avec la Thaïlande.
Cette sortie du Comité vient rappeler aux Camerounais la vaste opération d’inventaire général du patrimoine culturel du pays lancée en grande pompe en 2001. Au moment de l’annonce du projet, et se basant sur le fait que « Le patrimoine, qu’il soit matériel ou immatériel, est un élément essentiel de l’identité d’un pays « , le ministère de la Culture alors chapeauté par Léopold Ferdinand Oyono affirmait que la préservation et la protection de ce patrimoine est une obligation morale et une responsabilité publique.
C’est sur ce fait qu’en 2001, le Ministère de la Culture du Cameroun a demandé à la France une assistance technique pour commencer l’inventaire général du patrimoine culturel national. Ce qui supposait, avant le début de l’opération, la mise sur pied d’un certain nombre d’actions dont une session de formation pour les responsables culturels des provinces, la réalisation d’une fiche d’enquête pour l’architecture comme pour les objets et un inventaire préalable de la documentation disponible. Dans un pays où la tradition orale est prépondérante, il était alors nécessaire d’associer les ethnologues à ce projet. Le chef de ce comité d’inventaire est Venant Meliga, alors inspecteur général N°1 dudit ministère qui, par son statut, est appelé à gérer d’énormes sommes d’argent.
Malheureusement, après que la session de formation ait été organisée dans certaines provinces telles le Centre, le Sud et le Nord, l’activité s’est brusquement interrompue sans qu’aucune raison officielle ne soit donnée. Dans la foulée, le ministre de la Culture de l’époque, Léopold Ferdinand Oyono est démis de ses fonctions et remplacé par Ama Tutu Muna. Pendant que cette dernière défendait le budget de l’exercice 2008 du ministère dont elle a la charge à l’Assemblée nationale en novembre dernier, elle annonçait que « [.] La sauvegarde et la valorisation de notre patrimoine culturel et naturel sera poursuivie à travers un certain nombre d’actions dont la réhabilitation des sites et monuments des figures historiques, [mais surtout] l’évaluation et la redéfinition des termes de référence en vue de la relance de l’inventaire général du patrimoine culturel [.] «
Ruines
Alors que le 20 mars 2008 des experts du patrimoine naturel passent en revue les aires du bassin du Congo afin d’identifier celles qui pourraient être inscrites sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco, rien n’est fait dans le sens de la relance de l’inventaire de notre patrimoine. A la direction du Patrimoine, dont la mission est » de valoriser et de conserver le riche patrimoine camerounais « , le responsable, Christophe Mbida Mindzié, ne souhaite guère se prononcer » sans l’autorisation de madame le ministre « . Il devient donc pratiquement impossible de savoir avec exactitude à quel niveau se trouve le projet. Cependant, d’autres sources proches du ministère de la Culture affirment que l’actuel ministre souhaite y voir clair avant de relancer le processus car, semble-t-il, des détournements de fonds ont été perpétrés au cours de la première opération.
Seulement, le temps ne s’arrête pas et les sites continuent désespérément d’être endommagés. Icomos-Cameroun, l’organisme international de préservation du patrimoine, attire l’attention sur deux biens culturels aujourd’hui menacés dans le pays. Il s’agit des cases Obus des Mousgoums du Cameroun et le Palais Bafut. Alors que le premier bien est célèbre depuis le XIXème siècle, il est désormais en voie d’extinction car la plupart des cases sont en ruines. Malheureusement, les rares cases obus encore existantes et celles que l’on peut localiser se retrouvent dans le Canton de Pouss, plus précisément dans les villages de Mourla et de Gaya, et dans la ville de Maga. Soumis à la liste indicative du Cameroun à l’Unesco depuis 2006, le Palais de Bafut, rare témoignage de la puissance des Fons de la région, est également menacé malgré le fait que la famille royale essaie tant bien que mal de l’entretenir. Ce palais dont l’architecture était en bois et lianes, fut détruit à la suite de la guerre avec les colons allemands à la fin du 19ème siècle. Le palais fut reconstruit ces derniers temps après la signature d’un traité de paix avec les chefs traditionnels locaux.
Du palais d’origine, subsiste encore un seul bâtiment qui abrite aujourd’hui les esprits des ancêtres Fons, alors que les bâtiments d’habitation du palais sont en briques cuites et recouverts de tuiles. D’où l’urgence pour le ministère de la Culture de prendre des mesures adéquates pour la relance de cet inventaire présenté comme » vital » par certains. Par ailleurs, affirment les membres d’Icomos-Cameroun, il est important que pour la préservation du patrimoine culturel national, l’Etat Camerounais mette sur pied un cadre législatif, administratif et institutionnel de protection du patrimoine culturel immobilier camerounais. Alors que le pays a ratifié depuis 1982 la convention du patrimoine mondial pour la protection des biens culturels et naturels, on observe une absence criarde de dispositions spécifiques qui définissent les types de patrimoines culturels à conserver.