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Rencontre avec l’écrivain Hemley Boum

L'écrivain camerounaise est à ce jour l'auteur de romans tels «Les Maquisards», «Si d'aimer», «Clan de femmes» et «Beloved». Lesquels…

L’écrivain camerounaise est à ce jour l’auteur de romans tels «Les Maquisards», «Si d’aimer», «Clan de femmes» et «Beloved». Lesquels lui ont déjà valu de nombreux Prix internationaux

Elle collectionne les distinctions littéraires depuis trois ans. Son deuxième roman, «Les Maquisards» (La Cheminante, 2015), une haute fresque familiale et historique autour du héros Um Nyobè, le leader indépendantiste camerounais, a accru son aura. L’ouvrage a reçu le [a2https://congobusinessworld.com/article.php?aid=23676 Grand Prix d’Afrique Noire] en 2015 et la mention spéciale du prix Ethiophile. Davantage d’éloges, de sourires et de lumières pleuvent sur une jeune femme posée et ambitieuse. Le deuxième salon du livre de Yaoundé, qui s’est tenu du 2 au 6 juin au Cameroun, a été l’occasion de retrouver la talentueuse romancière, après le Prix du livre engagé qui lui a été décerné à Genève en mai dernier par l’association Cène littéraire pour son hommage aux «hommes et aux femmes qui luttent», dit-elle.

C’est un plaidoyer pour les figures féminines que la romancière a repeintes en brassant fiction et réalité «pour faire place nette à celles que l’on a souvent tendance à reléguer au rang de figurantes», dit l’une des écrivaines francophones les plus sollicitées du moment et qui s’ouvrent facilement à la conversation. On en retiendra cet extrait: «L’humiliation est une bien étrange émotion, elle enchaîne le bourreau et sa victime dans un corps à corps d’une telle intimité que nul ne peut en présager¬ l’issue.»

Sous le soleil de Yaoundé
Yaoundé est ensoleillée. Dans les jardins du musée national et des archives, l’ancien palais présidentiel où se tient le salon du livre, nous nous restaurons au premier étage, et surplombons le quartier des ministères. Hemley est soudain pensive, le regard probablement tourné vers la forêt de Boumnyébel, qui se trouve à quatre-vingts kilomètres de la capitale. Um Nyobè, le charismatique «Mpodol» ou porte-parole du parti de l’avant-garde politique, l’Union des Populations du Cameroun (UPC), y a été tué le 13 septembre 1958 par l’armée française.

Sur les berges du fleuve Mfoundi, Yaoundé offre une fête aux livres et se souvient de ses figures littéraires et emblématiques. Mais au Nord du Cameroun et dans les pays voisins, le groupe fondamentaliste violent Boko Haram éructe sa détestation de la culture moderne et soumet fillettes et populations rurales. Hemley participera-t-elle au collectif des écrivains contre les broyeurs de vies et de livres?

La volonté, toujours
L’auteure de «Si d’aimer» (La Cheminante, 2012) – qui a obtenu le Prix Ivoire à Abidjan en 2013 – se crispe et pense que l’écriture n’est pas une arme automatique! Elle a besoin de réflexion. Là, on lui parle de l’urgence d’écrire. Elle écrivait dans son premier roman, «la vie n’est pas un fruit qu’il faut dévorer et ensuite lécher sur ses doigts le jus qui dégouline». L’écriture aussi. Au fond, dit-elle, s’insurger contre l’entreprise sectaire et violente qui répand sang et flammes au nord du Nigeria et dans le septentrion camerounais, n’est pas le sujet. «C’est le temps», souffle-t-elle. Les délais initiaux suggérés par les initiateurs étaient en effet trop courts, plaide la romancière née en 1973 à Lablé, petite ville dans le centre du Cameroun.

Elle a vécu à Douala, puis, après une maîtrise en Sciences sociales et gestion obtenue à l’université catholique de Yaoundé, elle a poursuivi sa formation dans la sélective université catholique de Lille et à l’Ecole supérieure de commerce de cette même ville du Nord de la France. «Toute une scolarité chez les jésuites, ça forme le caractère, dit-elle. J’y ai rencontré les personnes les plus désintéressées et engagées qui soient. J’ai aussi appris que tout pouvait être questionné: la foi, la religion, les idéologies. Il n’y a pas de dogme; en toute chose, l’esprit précède la lettre».

Faire feu de tout bois
Malgré les soucis d’organisation du salon de Yaoundé et les ratés de la programmation, des auteurs n’ayant pu dialoguer avec le public ou simplement prendre part aux activités littéraires prévues, Hemley rappelle que son prénom signifie «la volonté», en langue bassa. Il ne faut donc jamais se laisser démonter.

Intarissable, Hemley Boum l’est sur la littérature. Elle peut parler des heures entières des uvres qui lui ont donné goût à l’écriture: «Le Pavillon des cancéreux» de Soljenitsyne qui déconstruit le communisme russe, «Anna Karenine» et «Guerre et Paix» de Tolstoï ou le dévoilement du monde en chacun de nous. «C’est aussi, argumente Boum, l’art de camper des personnages puissants aux prises avec la mystérieuse majesté de la vie, voire l’ambiance d’une époque». Elle voue aussi un culte à «Absalom», de Faulkner, dans lequel l’auteur se mue en chef d’orchestre d’une symphonie du langage sans autre limite que celle qu’il autorise à ses personnages et à leur possibilité de faire sonner la note sensible.

La Camerounaise qui vit à Paris considère aussi Toni Morisson, l’auteure de «Beloved», comme une initiatrice, une mère en littérature. Mais pour construire ses propres textes, elle nous livre son secret: «Je pars toujours de scènes fortes, de personnages précis, et de l’envie que j’éprouve d’aborder un sujet sous un angle particulier. J’imagine ensuite l’action qui les entrelace comme un fil rouge nouant des interactions et leurs inévitables conséquences. Néanmoins, la période qui précède l’écriture n’est pas l’isolement».

La romancière reste en effet attentive au bruit et à la fureur du monde, «consciente que tout bois peut nourrir mon feu». Et le brouillon qui arrive est donc constamment l’objet de fines et d’incessantes retouches afin que des ratures jaillisse l’image qui fait sens.

Hemley Boum, photo d’illustration
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