Le jeune artiste camerounais présente une de ses collections de photos prises dans la ville de Yaoundé la nuit, sous le thème «Yaoundé by Night»
Qui est Sentury Yob?
Sentury Yob est en réalité une autre personne qui vit en moi et que je ressens comme étant réel. Mon nom officiel est Eric Mofor et je suis un camerounais né au Cameroun, mais lors d’un concours de poésie, j’avais effectué un passage en me faisant passer pour Sentury et le public l’a adopté. Aujourd’hui, je me dois de donner une vie et une histoire à cet autre moi qui m’inspire et qui m’apporte la force de poursuivre dans ce que je fais. Dans mon personnage Sentury, je développe les valeurs de partage mais aussi de mystère. Dans la vie de tous les jours, il y a tellement d’apparence et cela m’inspire à montrer le vrai visage des choses, c’est comme ça que je vis cela.
Vous partagez le concept «Yaoundé by night» dans le cadre d’un exposition au centre culturel Francis Bebey, parlez-nous de cette exposition
«Yaoundé by night», c’est une inspiration de deuxième génération. Dans mon sommeil, j’ai eu un rêve et dans ce rêve, je rêvais d’autre chose encore, le noir absolu et au bout une lumière tout de même, mais aussi des ombres. Alors, je me suis réveillé et je me suis dit je vais rendre ce rêve-là réel. J’ai pris mon appareil photo et je suis allé à la recherche de mon rêve. Après avoir capturé les images j’ai décidé de partager avec des amis afin que comme moi ils goutent à ce plaisir de l’espoir apporté par des ombres et des lumières. La grande leçon de cette exposition, c’est que nous devons toujours réunir le maximum d’efforts pour repartir le lendemain, parce que derrière les ombres se trouve souvent une lumière qui elle couvre la réalité. Donc «Yaoundé by night», ce n’est pas un concept, c’est la traduction d’un espoir réel mais qui existe en chacun de nous.
A-t-il été facile de capturer toutes ces images avec toutes ces personnes dans la nuit?
Non! Prendre des images la nuit sans réverbères c’est extrêmement difficile, surtout avec un appareil peu sophistiqué. Cela demande de nombreux réglages et finalement je suis satisfait parce que le rendu m’impressionne moi-même. Pour y arriver j’ai aussi passé outre les règles admises. Je devais parfois prendre des images à l’instinct et rapidement. Je faisais ce que je pouvais bien et rapidement. J’ai dû me contenter des reflets, pour que les gens se sentant photographié, ne s’emportent pas contre moi. Derrière ceci, il fallait maintenant raconter une histoire, tout en ouvrant la voie à d’autres histoires pour chacune des personnes qui devait venir voir les images. Ce n’est pas facile de faire une galerie d’images «Yaoundé by Night». Mais bien sûr, je reste humble et je sais que j’ai encore beaucoup à faire pour perfectionner la vision et la rendre semblable à mon rêve.
Pourquoi avoir choisi le centre culturel Francis Bebey
J’ai choisi le centre culturel Francis Bebey en prenant part au concept de «Bouge ta rue», et «Yaoundé by Night» c’est d’abord des histoires de rue. J’étais psychologiquement prêt à le faire ici. Merci aux dirigeants de ce centre qui sont jeunes et qui donnent leurs chances aux jeunes artistes que nous sommes pour pouvoir s’exprimer. D’un autre côté, je n’ai eu aucun complexe à dire que c’est un petit centre, je devrais aussi mettre ma force pour qu’il puisse grandir un jour et parvenir à ses objectifs. J’aurai d’autres expositions à venir à l’Institut français du Cameroun et à la Fondation Muna qui sont encore plus grosses, mais j’avoue que je préfère mon expo d’ici, c’est plus proche de mon univers. J’ai encore tellement de chose à montrer et j’espère pouvoir y parvenir d’ici la fin de l’année.
Sur le plan financier, votre art vous rapporte-t-il, ou alors vous avez le soutien de quelque sorte que ce soit?
(Rires) vous savez notre pays le Cameroun est spécial, et chacun se débrouille comme il peut. Moi je ne suis pas une exception. J’apporte ma pierre à la construction globale. Ce n’est pas du tout facile pour le moment, mais j’essaie de survivre grâce à d’autres talents. Je suis designer et je monte des visuels de publicité pour certains de mes clients. J’adapte au mieux ces visuels à leur vision commerciale donc c’est comme cela que je gagne un peu d’argent. Bien sûr j’en ai toujours besoin, pour le lavage des photos que je fais et pour leur mise au propre. Mais on fait avec ce qu’on a et on y met le maximum de volonté. J’ambitionne de faire encore mieux, avec des photos plus larges
D’où vous vient votre inspiration
Pour mon inspiration, je me laisse emporter par le son, les images et le cours des choses comme dans un océan. Dans mes photos, j’essaie au maximum d’envoyer aux autres ma propre vision des choses et mes propres espoirs pour les autres. Cela rend intarissable ma source, qui fait partie intégrante de mon histoire.
Comment vos parents voient-ils votre vie d’artiste?
Evidemment mal. Lorsque j’étais petit on me trouvait intelligent et tout le monde voyait pour moi un parcours scolaire exceptionnel. Je ne pense pas que j’ai fait le mauvais choix, c’est juste une question d’environnement ou d’époque, je ne sais pas. Mais ce qui est vrai, c’est que mes parents m’en veulent de mon choix. On me voyait un jour avocat peut être. Ce que je pense, c’est qu’il y a plusieurs façons d’apporter au monde et aux autres et avec mon art je pense apporter le maximum. Est-ce qu’ils s’en rendent compte, je ne sais pas mais, je sais qu’un jour quelqu’un se demandera où voulait-il en venir? Et à chaque fois, il rentrera dans mes propres interrogations et mes propres rêves.
C’est quoi votre défi le plus grand?
Mon défi est aussi un rêve. Je rêve de voir un jour toutes mes photos affichées dans la ville et des milliers des gens cherchant à en capturer le sens et se dire que voulait-il dire? Ce rêve conditionne mon défi premier qui est celui de faire voir au maximum de personnes le travail que je fais.