Cameroun: 34 ans d’immobilisme, d’occasions manquées et d’illusions perdues

Par Evarist Mohbeu

6 novembre 1982 – 6 novembre 2016, déjà 34 ans. Un âge auquel certains font des bilans sur leur avenir. Celui que l’on peut faire en 34 ans du chef de l’Etat camerounais tient en une phrase: A échoué dans tous les plans. Il va sans dire que la fête battra son plein comme d’habitude toute cette journée au comité central, dans les sections et sous sections du RDPC… sans oublier les ambassades du Cameroun à l’étranger transformées en véritables représentations du RDPC à l’étranger.

C’est le 6 novembre 1982 que Paul Biya prête serment après la démission du président Ahidjo. Le président Paul Biya qui venait de monter au pouvoir, marquait par cet acte les premières empreintes de sa vision chaotique du Cameroun. Dans son discours de politique générale, le 22 mars 1985, le nouveau président affirmait déjà qu’il n’est plus nécessaire, pour exprimer ses opinions, de prendre le maquis, de vivre en exil ou de quitter sa famille.

34 ans après, le Cameroun a reculé de 50 ans en arrière
La « Rigueur et la moralisation » prônée par l’homme Lion n’aura donc servi qu’à s’éterniser au pouvoir. Le renouveau politique que le pouvoir de 1982 était censé incarner et dont curieusement plus personne ne parle se conjugue lui, toujours au conditionnel.

L’on a aujourd’hui vécu 34 ans d’immobilisme, d’occasions manquées et d’illusions perdues. Repoussant toujours la nécessaire modernisation des institutions, le parti-Etat a gardé les vieux réflexes hérités du temps du monolithisme politique. Incapable d’anticiper les changements pourtant inévitables et prévisibles qui allaient traverser la société camerounaise, avec le vent démocratique venu des pays de l’Est, le pouvoir RDPC s’est converti, malgré lui, au pluralisme politique. Prenant quelques libertés avec le suffrage universel, il n’hésitera pas à confisquer certaines victoires de l’opposition.

Le pouvoir en place va en 34 ans pratiquer la satellisation et la balkanisation de la classe politique nationale : le pouvoir à tout prix. Passage obligé pour accéder aux hautes fonctions de l’Etat (ministres, ambassadeurs, directeurs de sociétés publiques.), contribuant ainsi à maintenir la quasi-totalité du peuple dans une pauvreté et une dépendance financière certaine.

Paul Biya et ses sbires resteront à jamais associés aux années noires du Cameroun. Eux qui auront été aux commandes du pays depuis plus de trois décennies.

Faute de vision prospective et de bonne gestion des ressources, le Cameroun est passé de Pays à revenus intermédiaires (PRI) il y a un quart de siècle à Pays pauvres très endettés (PPTE), deux décennies plus tard. La corruption, le détournement des deniers publics, la fraude ont plombé le développement économique du pays, d’où un chômage endémique que des études concordantes situent à près de 40%.

En 34 ans, le pouvoir du renouveau a fabriqué une classe de malhonnêtes et de hauts brigands au fil des ans
En 34 ans, Paul Biya aura réussi au Cameroun à constituer une bande d’homme politique tous des détourneurs des fonds publics. Le RDPC et ses dirigeants resteront à jamais associés à la décadence du Cameroun. Il n’est pas exclu que dans quelques années en dehors des prisonniers (anciens ministres et cadres) que tous les autres militants gonflent les rangs de réfugiés à l’étranger. Il est donc temps pour eux de choisir leurs camps.

En 34 ans la crise est profonde au Cameroun, même si au RDPC on refuse de le reconnaître. D’aucuns parlent de la paix. De quelle paix parlons-nous quand on ne parvient pas à se soigner décemment quand on est malade ? De quelle paix parlons-nous quand les jeunes diplômés ne peuvent pas trouver du travail ? De quelle paix parlons-nous quand chaque jour, homme, femme, enfant, jeunes, vieux, chacun ne songe plus qu’à quitter le pays ? De quelle paix parlons-nous quand on vole désormais les enfants dans nos hôpitaux ?

A 34 ans, les jeunes font plus que songer à leur avenir. Le pouvoir de Yaoundé a raté le coche et le virage démocratiques. Mais pour combien de temps encore? Au peuple conscient de son avenir de préparer l’avenir, si elle le peut, et de combler le vide laissé par un parti plus préoccupé par le pouvoir que par le bien-être des citoyens.

Avant de fêter le 34e anniversaire de l’accession de Paul Biya à la tête de l’Etat camerounais, il serait souhaitable que les membres de son parti le RDPC, aussi bien ceux des comités de bases dans nos prisons que ceux de l’extérieure regardent d’un il critique les enfants qu’ils ont forgés en 34 ans.

Comme j’ai l’habitude de le dire haut et fort, ceux qui soutiennent Paul Biya et son RDPC le font au mépris du peuple camerounais qu’ils veulent voir offert en holocauste sur l’autel d’un nationalisme irrationnel, violent et saignant. A travers des raisonnements ambigus qui relèvent soit d’une piètre masturbation intellectualiste, soit d’une déviance intellectuelle ostracisante et dangereuse pour l’avenir du Cameroun. Ce qui se passe au Cameroun n’est pas seulement surréaliste. C’est aussi pathétique et révoltant. Du moins pour tous ceux qui pensent à une meilleure image du Cameroun, à un meilleur destin des Africains.


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Les 34 ans de magistère de Biya en couverture des journaux camerounais

Les journaux camerounais parus lundi se sont appesantis sur le bilan des 34 ans de pouvoir du chef de l’Etat célébrés dimanche 06 novembre 2016

S’écartant délibérément de l’inventaire de ses confrères, le bihebdomadaire a choisi de publier intégralement la lettre de l’actuel président à son prédécesseur, Ahmadou Ahidjo, moins de deux mois après le passage de témoin.

« Les mots, Monsieur le Président, sont impuissants à traduire avec la fidélité et la force nécessaires les sentiments profonds de reconnaissance et de gratitude du Cameroun pour l’ uvre colossale accomplie de main de maître par vous, au profit de la nation camerounaise. Je m’efforcerai, en ce qui me concerne de rester fidèle à ce qui me paraît être l’essentiel de vos enseignements : passion pour l’unité nationale, culte de l’État, défense jalouse de la souveraineté du Cameroun et du bien-être de ses habitants », écrivait ainsi Paul Biya le 30 décembre 1982.

Pour l’hebdomadaire Germinal, ce Paul Biya, qui a en réalité trahi le serment fait à son « illustre prédécesseur », est également « un homme dépassé, du passé et du passif ».

« Depuis le 6 novembre 1982, l’histoire du Renouveau-RDPC qui ne suscite plus le rêve du fait de ses tares congénitales, s’inscrit en lettres de sang. Depuis 34 ans, les différents discours et les très rares prises de parole publique de Paul Biya sont des gloses de conscience d’un muet, des aveux d’impuissance et d’incapacité d’un homme qui a coulé le Cameroun et qui veut maintenir les Camerounais immergés (noyés) dans la gadoue, les sectes, la corruption, la gabegie, l’inertie, le désastre économique, l’insécurité généralisée. jusqu’en 2035 », écrit Germinal.

L’homme en est même arrivé, renchérit le quotidien à capitaux privés Emergence, à confondre le palais présidentiel au siège du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), dont il est également le leader.

Jeudi dernier, s’emporte la publication, il a organisé au Palais de l’unité une réunion du bureau politique de sa formation : « Après 34 ans de pouvoir, l’homme du 6 novembre 1982 a été incapable d’offrir à son propre parti un siège digne de ce nom à même de recevoir ses grands-messes politiques. »

« Qu’a fait Paul Biya de ses 34 ans de pouvoir ? », interroge Le Jour pour qui les attentes des Camerounais ont été largement déçus.

« 6 novembre 1982-6 novembre 2016 : 34 ans +d’épuration+ politique au Cameroun », titre pour sa part Le Messager : « Prévarication, incivisme, dérapage comportemental et illisibilité de la perspective politique sont des caractéristiques les plus visibles du Renouveau. »

Pourtant, répond en écho le quotidien à capitaux publics Cameroon Tribune, un regard rétrospectif sur les 34 années écoulées depuis l’accession à la magistrature suprême du président Paul Biya met en lumière maints acquis probants d’une diplomatie rayonnante, conduite plus volontiers dans la discrétion mais efficace, à en juger par les nombreux bons fruits.


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