Cameroun – Dr Ahmadou Sehou : « La nécessite de rebaptiser nos lieux publics et nos rues, de construire des monuments à nos véritables héros s’impose »

Pour cet enseignant d’histoire à l’Université de Maroua, spécialiste de l’esclavage, il est inadmissible que l’on continue à célébrer nos bourreaux, ceux-là qui au nom de la force et de la cupidité ont torturé, tué et humilié nos héros.

Journal du Cameroun : Plusieurs édifices publics, monuments et rues d’Afrique portent les noms des colonisateurs, esclavagistes et personnalités étrangères. Mais depuis l’assassinat du noir américain George Floyd, certaines populations revendiquent que cela change.  Quelle analyse en faites-vous ?  

Dr Ahmadou Sehou : L’assassinat du citoyen américain George Floyd par un policier blanc, a suscité une grosse vague d’indignation à travers le monde et remis au-devant de l’actualité la question du racisme dont sont victimes les Noirs sur tous les continents. Cela montre que les discriminations, les exclusions, les exactions et même les meurtres sur la seule base de la couleur de la peau ont encore cours malgré la fin de l’esclavage. Les Noirs sont particulièrement visés et victimes de ces actes de barbarie inhumains. Cela contraste avec la présence dans les espaces publics africains des monuments, des stèles, des noms de rues des personnages ayant joué un rôle majeur à l’époque de l’esclavage ou celle de la colonisation qui lui a succédé.

Par cette seule présence, on peut dire qu’il reste encore beaucoup à faire pour libérer l’Afrique et les Africains de ces formes pernicieuses de domination, d’exploitation et d’extermination qu’ont été l’esclavage et la colonisation pratiqués sur plusieurs siècles et qui se perpétuent de nos jours sous des formes variés. Leurs traces sont encore visibles et outrageusement célébrées dans nos cités. Ce qui traduit une méconnaissance de notre passé et une insuffisance du travail de mémoire de la part des politiques et des intellectuels africains. Il est inadmissible que des noms des personnages rendus tristement célèbres par les horreurs qu’ils ont commises continuent à être visibles et parfois célébrés dans nos places publiques. Les revendications et protestations actuelles doivent être l’occasion idoine pour revisiter notre passé et y extirper tout ce qui renvoie à ces horreurs et aux acteurs qui les ont rendues possibles.

Qu’est-ce qui explique que les noms des héros nationaux soient en second rang au détriment de ceux dont le passage en Afrique a été caractérisé par des actes de pillage, torture etc. ?  

L’esclavage et la colonisation sont les produits d’une idéologie et d’une conception de l’homme qui ont conduit à une certaine hiérarchisation des races et des couleurs. Pour les peuples qui en ont été les victimes, notamment les Africains, il s’est agi d’un lavage de cerveau, d’une inversion des valeurs, d’un processus radical d’infériorisation par rapport aux autres races, peuples et couleurs! Les Africains qui ont lutté contre la traite, l’esclavage et la colonisation ont été relégué aux oubliettes, leurs combats présentés comme ce qu’il ne fallait ni faire ni suivre! Ils ont été considérés comme des anti-modèles ! A leur place, on a promu la célébration des héros des autres, ceux-là qui ont conquis, combattu les Africains et pillé l’Afrique!

L’histoire enseignée en Afrique ou sur l’Afrique a été jusqu’ici celle de ces pillards dominateurs et conquérants qui ont détruit l’Afrique, ses structures politiques et sociales, ses valeurs culturelles et religieuses. L’esclavage et la colonisation ont laissé leurs vestiges et monuments, comme pour demander aux Africains de continuer à célébrer la barbarie. Les conditions d’accession à l’indépendance en ayant tué le nationalisme et les nationalistes, ont donné libre cours à la perpétuation de cet esprit criminel par l’intermédiaire des collaborateurs des bourreaux d’hier, installés à la tête des Etats pour perpétuer l’exploitation et le pillage des ressources. Pour ces collaborateurs et prédateurs, il n’était pas bien vu de rappeler le souvenir de ceux qui se sont battu pour la liberté et l’indépendance du continent. Ils ont préféré ignorer les héros de l’histoire nationale en continuant à célébrer les dominateurs d’hier et en cultivant la collaboration et la soumission comme des valeurs suprêmes!

Faut-il forcément aujourd’hui rebaptiser les lieux publics qui portent les noms des colonisateurs ?

La nécessite de rebaptiser nos lieux publics et nos rues, de construire des monuments à nos véritables héros s’impose ! Il est inadmissible que l’on continue à célébrer nos bourreaux, ceux-là qui au nom de la force et de la cupidité ont torturé, tué et humilié nos héros, qui ont pillé nos ressources et continuent notre exploitation! Le seul camerounais qui a mérité une statue au cœur de la capitale Yaoundé, a été Charles Atangana, pour ses bons et loyaux services à la colonisation allemande puis française. Pour récompenser sa collaboration contre les Camerounais, il a été fait chef supérieur des Ewondo et Bene et a bénéficié de cette statue qui trône en face du ministère des transports! Toutes les autres sont celles des Européens, dans l’optique de faire de l’histoire du Cameroun, celle des Européens au Cameroun. Il y a lieu de revisiter notre passé et de rappeler au souvenir des générations présentes et futures nos héros et leur bravoure, les sacrifices auxquels ils ont consentis pour sauvegarder nos valeurs et nos richesses. Il n’y a rien à célébrer dans l’esclavage et la colonisation. Ce furent des actions criminelles dirigées contre d’autres peuples par des esprits inhumains et cupides. Notre histoire est multimillénaire et présente de nombreux hommes et femmes dignes d’être célébrés et valorisés. Dans toutes les régions du Cameroun et à toutes les époques, il y a des personnalités fortes et dignes d’être magnifiées. Les villes et communes du Cameroun gagneraient à s’en approprier en se rapprochant des détenteurs de la mémoire collective et dans le but de retrouver nos racines et de promouvoir notre identité.

Au Cameroun, de nombreuses infrastructures, notamment sportives, ne portent ni les noms des personnalités actuelles ou passées, encore moins de grands événements de notre histoire. A votre avis, qu’est-ce qui peut justifier cela ?

Le Cameroun a un gros contentieux avec son histoire. C’est comme si à chaque pas, on l’écrivait avec la gomme! L’histoire des colonisateurs a tellement pris la place dans nos mémoires qu’aujourd’hui le pays se déchire sur la base des héritages coloniaux. La période coloniale a été tellement magnifiée et installée dans les esprits qu’elle a tendance à occulter tous les acquis de nos peuples avant la nuit coloniale. Lorsque cette période est évoquée c’est pour mettre en exergue ses aspects rébarbatifs. Le conflit entre nationalistes et collaborateurs à la veille de l’indépendance, qui s’est soldé par la victoire de la collaboration trouve son prolongement dans la période postcoloniale.

Les autorités du Cameroun indépendant ont préféré s’inscrire dans la continuité des colonisateurs, magnifiant la soumission, réprimant tout esprit de liberté et criminalisant toute posture divergente. De ce fait, on a privilégié les héros de l’occupation et de la colonisation, au détriment des nationalistes. Comment dès-lors attribuer les noms de nos nationalistes et figures marquantes aux édifices et espaces publics? Les boulevards continueront à porter les noms étrangers et les arènes sportives susceptibles de focaliser les attentions du grand public continueront à rester anonymes, sans noms de baptêmes, pour ne pas célébrer nos héros et pour ne pas faire concurrence à ceux qui détiennent le pouvoir politique. Le culte de la personnalité ne permet pas de célébrer les héros passés ou actuels pour ne pas faire ombrage au leadership en poste.

Interview réalisée par  Emile Zola Ndé Tchoussi

Cameroun: la question de l’esclavage aux oubliettes dans les universités?

Très peu de travaux de recherche traitent de ce sujet qui a duré des siècles durant. Une tendance que des chercheurs veulent inverser.

M. Pefoura ne s’en cache pas, il est issu de la 4ème génération des captifs Bantoum. Après une guerre de conquête du roi Mbuembue, son peuple va perdre. C’est ainsi que ses aïeux deviennent des captifs du roi Bamoun. Pour l’enseignant à l’Université de Yaoundé I, il est important d’accepter son passé, son histoire. Ce n’est donc pas au hasard s’il s’intéresse aux vestiges de l’esclavage.

Un centre d’intérêt partagé par Cécile Dolissane Ebosse, Chef du département de Littérature à l’Université de Yaoundé I. Pour cet universitaire, on a comme l’impression que les africains veulent oublier, ce passé chargé d’histoire.

Un phénomène qui a duré des siècles mais très peu traité par les africains, pourtant principale victime. Un état des choses que le Séminaire-atelier sur les « Sites et la mémoire de l’esclavage au Cameroun», tenu du 25 au 26 juillet 2019 à Yaoundé, entendait décrier.

«La recherche universitaire dans ce champ est encore à ses premiers pas. En histoire (départements Ndlr), il n’y a que quatre thèses qui portent sur quelques aspects de l’esclavage au Cameroun. On peut y ajouter une vingtaine de mémoires. Dans les autres disciplines tout est à faire pratiquement. On peut affirmer qu’il y a de la matière et de la place pour tout le monde ! Il nous faut à la fois briser les cloisons et nous inscrire résolument dans l’interdisciplinarité», propose Ahmadou Séhou, enseignant à l’Université de Maroua et coordonnateur général du Centre d’études et de recherches pluridisciplinaires sur l’esclavage et la traite en Afrique (Cerpeta), groupe de travail de mise en œuvre du projet Slafnet (Heritages and Public History), à l’origine du séminaire.

Un évènement qui a vu la participation de plusieurs chercheurs et la présentation de divers exposés. Programme visant à booster l’intérêt des uns et des autres sur cette question encore en friche «une question qui nous intéresse au Cameroun, au premier point compte tenu de l’implication du Cameroun dans la traite que ça soit la traite atlantique ou transsaharienne, via les différents lamidats du nord Cameroun», ajoute M. Séhou.

Elle se fait arrêter pour pratique d’esclavage moderne sur une Camerounaise

La patronne d’un restaurant de spécialités africaines à Evreux a été interpellée samedi, pour avoir embauché et abusé de la situation d’irrégularité de la Camerounaise pendant dix mois

Samedi 31 décembre, les policiers reçoivent le témoignage surprenant d’une femme de 35 ans, de nationalité camerounaise.
En situation irrégulière, celle-ci affirme qu’elle vient de s’échapper d’un restaurant où elle travaillait depuis 10 mois dans des conditions indignes. La femme raconte alors aux policiers son histoire.

Le calvaire
Depuis qu’elle travaille à « La Sanaga », un restaurant spécialisé dans la cuisine africaine, rue du maréchal Joffre à Evreux, sa vie est comparable à celle d’une esclave moderne.

En février 2016, la patronne des lieux l’embauche la fait travailler de 10 heures à minuit par jour et la loge sur place dans des conditions précaires. Avec pour confort un matelas posé à terre, une armoire et un lavabo. Le tout pour 600 euros par mois. Elle lui retire également son passeport.

La situation va durer ainsi jusqu’au jour où un différend éclate entre les deux femmes au sujet de congés.

Du chantage ?
Samedi matin, le 31 décembre, le ton monte dans le restaurant. La patronne refuserait de donner des congés à son employée à moins que cette dernière ne lui rembourse les 10 mois de salaires. Selon l’employée, la patronne l’aurait alors enfermée à clé dans le restaurant.

L’évasion
La plaignante aurait trouvé une issue à son calvaire en s’échappant par l’arrière de l’établissement. Elle aurait escaladé un mur avant de se rendre directement au commissariat d’Evreux pour y raconter ses déboires.

L’enquête
Dans la journée les enquêteurs de la brigade de sûreté départementale de l’Eure ont procédé à des vérifications au restaurant et auprès d’une autre salariée. Les policiers ont notamment pu se rendre compte des conditions de vie de la victime et ont procédé à l’interpellation de la patronne du restaurant.

Celle-ci a été placée en garde à vue pour travail dissimulé (des faits reconnus par la restauratrice) et pour « réduction aux servitudes », expression signifiant que la patronne aurait profité de la vulnérabilité et de la situation de dépendance de la victime.
La restauratrice qui nie ce dernier point est sortie de sa garde à vue ce dimanche après-midi. L’enquête va se poursuivre. Si les faits sont avérés, la patronne encourt 7 ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende.


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Afrique: avec des mesures douces, on nous endort et garantit de beaux jours au FCFA

Par Leon Tuam

Le jour vient où une autre génération d’Africains scrutera la façon dont nous avons vécu et géré les ressources en notre possession à notre époque, et se demandera si nous étions des êtres humains normaux. Cette génération lointaine d’Africains verra tous les dégâts et crimes que nous avons laissés et ceux aussi commis par des étrangers chez nous sous nos yeux et qui affectent durement leurs vies, et elle se demandera si nous fûmes vraiment des êtres normaux.

Et quand cette génération lointaine d’Africains découvrira qu’à une quinzaine de pays africains la petite France avait imposé une monnaie pour les maintenir dans la pauvreté et l’esclavage au-delà d’un demi-siècle, elle dira que nous étions essentiellement régis par la peur et l’égoïsme et étions anormaux.

Parlant du FCFA, les feux de pressions des milieux médiatiques et intellectuels africains sur la France et ses valets installés à la tête des pays francophones ont fait frémir et pâlir la France ; et en dérivation, des mesures douces pour nous endormir et garantir de beaux jours au FCFA ont vu le jour.

Ainsi, on nous a dit que le tirage des billets de cette monnaie de honte dorénavant se fera en Afrique, et qu’aussi ce franc utilisé jusqu’ici séparément dans les zones Afrique centrale et de l’ouest sera interchangeable à l’avenir.

Peut-on, doit-on parler ici d’une certaine victoire africaine sur cette domination honteuse à travers la monnaie par la France ? Pas du tout. Ce serait sans connaître la France. Ces deux mesures récemment annoncées sont un piège, une escroquerie et un somnifère. Sans compter sur leurs dirigeants, les peuples victimes doivent s’organiser et gagner les rues pour refuser massivement cette rapine à ciel ouvert à travers le FCFA.

Ce qui s’est passé est telle l’histoire d’un esclave qui s’écrierait : « Maître, maître, ces chaînes me font mal, coupez-les ! Je veux ma liberté. » Et le maître, cynique et sarcastique qu’il est, veut tout ouïr sauf Liberté. Il trouve de la graisse et se met à frotter les chaînes en disant : « Ça doit aller mieux, tu verras. C’est mieux, n’est-ce pas ! » Et la substance atténuant la douleur, l’esclave s’assoupit, oubliant que ses chaînes sont toujours là, intactes.


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Cameroun, commémorer l’abolition de l’esclavage c’est espérer à l’humanité.

Par Vincent-Sosthène Fouda, Président du Mouvement camerounais pour la social-démocratie (M.C.P.S.D)

De la traite négrière sont nés des peuples nouveaux, des religions syncrétiques, des cultures nouvelles, commémorés la fin de l’esclavage, le reconnaître comme crime contre l’humanité, c’est posé tous les jours les jalons d’un monde libre. L’Afrique en général et le Cameroun qui a connu des comptoirs de marchés d’esclave devrait être pionnier dans cette commémoration.

Commémorer l’abolition de l’esclavage c’est espérer à l’humanité, c’est porter au firmament de nos vies toutes celles et tous ceux qui ont souffert de la traite transatlantique, 70 millions d’hommes et de femmes à la verdeur de l’âge, qui furent arrachés de leurs terres, de leurs racines, déportés au loin parce qu’ils étaient différents, voilà pourquoi cette traite est un crime contre l’humanité parce qu’elle a avili la part d’être éternel que nous avons en chaque être humain.

Commémorer c’est dire avec Frantz Fanon que « je ne suis pas esclave de l’esclavage, qui déshumanisa nos pères » oui je parle avec Aimé Césaire des « millions d’hommes à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d’infériorité, le tremblement, l’agenouillement, le désespoir, le larbinisme. » Si l’esclavage fut une véritable plaie qui souilla notre humanité, aujourd’hui le passer sous silence c’est encore pire que ce que subirent ces millions d’hommes et de femmes.

Je voudrais dire avec Gaston Monnerville que « l’esclavage des Noirs n’était qu’une des formes de la servitude humaine. Des formes de servitudes ont disparu ; d’autres sont nées qui pèsent lourdement sur l’humanité. Tant il est vrai que le progrès lui-même crée ses servitudes. » Alors ensemble gardons la lampe allumée celle qui a jailli de ce cratère et qui illumine le monde de sa lueur, oui faisons que cette flamme ne s’éteigne plus jamais.

Regardons ensemble le monde qui nous entoure, souvenons-nous de l’American anti-slavery society, avec son président William Lloyd Garrison, souvenons-nous du travail fait par la presse et l’organisation de conférences publiques véritable chemin de la propagande abolitionniste qui utilisait le témoignage d’anciens esclaves mais aussi la fiction (La Case de l’oncle Tom) pour toucher un large public.

Souvenons-nous du travail de Frederick Douglass, de Angela Davis, de Harriet Tubman, plus proche de nous de Christiane Taubira qui pendant des décennies a porté ce combat dans le monde francophone auquel beaucoup de pays africains sont liés. Je voudrais terminer avec Fanon en disant que je ne veux qu’une seule chose, dans ce souvenir, « que jamais l’homme ne domine l’homme ».


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La persistance de l’esclavage en Afrique: le cas de la Mauritanie

Par Guy Samuel Nyoumsi, Vice-président du Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN)

A l’invitation des autorités gouvernementales de la République Islamique de Mauritanie, le Conseil Représentatif des Associations Noires de France – le CRAN a effectué du 23 au 26 Septembre 2013, une visite en Mauritanie, aux fins de vérifier « in situ », la réalité tant décriée par les Associations et Organisations Non Gouvernementales du cru (locales), de l’existence de l’esclavage ainsi que de la lutte, conduite contre la persistance de ses séquelles.

Au cours de cette visite qui se sera limitée à la capitale Nouakchott, l’ouverture et la disponibilité des membres du gouvernement, des hauts responsables du parlement et du Sénat, seront remarquables, tout comme le sera la mobilisation des représentants des organisations et Agences en charge de la lutte contre l’esclavage, les discriminations raciales, sociales et autres inégalités.

A cette occasion, la liberté totale du choix des interlocuteurs souhaitée par le CRAN avait été respectée par nos hôtes, un peu pour souligner la transparence et l’esprit de coopération qui sous-tendraient et animeraient nos investigations, nos interrogations, nos inquiétudes et nos avis.

Cet état d’esprit encourageant et ces dispositions exceptionnelles ont favorisé, outre les échanges avec les hautes autorités de la République, au premier rang desquelles, le Président mauritanien, son Excellence Mohamed Ould Abdel Aziz, de nombreuses rencontres avec les membres du Commissariat des Droits de l’Homme, de la Commission Nationale des Droits de l’Homme, l’Ambassadeur de France en Mauritanie, la Société Civile, les Ministres du Culte musulman : l’assemblée des Oulémas.

Ces audiences et rencontres étaient la plupart du temps agrémentées de tasses de thé infusées au clou de girofle : « le fameux Tchaï » dont la présence et la permanence apportaient « une touche de chaleur » à la légendaire hospitalité mauritanienne, comme à la bienveillance entourant nos échanges.

I-1- L’ombre muette de l’esclavage.

A la faveur de ce « rituel hospitalier », mon attention a été attirée par un fait divers, banal, presque trivial : chaque fois que la tasse de thé nous était proposée, elle était servie par des Négro-Mauritaniens à la vêture « défraîchie », « négligée » et généralement chaussés de « sandales sommaires ».

Autant que nous avons eu à partager « ce symbole de la convivialité des Hommes du désert », la scène s’est reproduite sans que « l’irruption détonante » de ce servant Négro-Mauritanien « dépenaillé» dans le décor « aseptisé » des hauts lieux du pouvoir, n’émeuve personne, ne suscite ni l’attention, ni la manifestation d’une quelconque gêne.

Je me résigne relativement à cette évocation, à n’émettre aucun jugement de valeur, mais à établir avec le recul, un premier et douloureux constat : en Mauritanie, il existe des « Hommes » et des « ombres ».

Les « ombres » sont des personnes dont l’apparition furtive et la soudaine éclipse dans le décor, confèrent un statut « d’automates consentants et s’estimant privilégiés d’être au service des Maîtres, de l’élite., de la « crème de leur pays(.)». Ce sont en quelque sorte « des figurants » ; mieux, «des ombres de leurs maîtres. » « Elles font partie du décor et n’en sortent que pour y rentrer».

Les « Hommes » quant à eux, sont reconnaissables à leur fière allure, à leur port altier, à leurs « vêtements ». Ils sont visibles sous la lumière du fait de leur position sociale, de leur ascension sociale, de leurs fonctions politiques, de leurs pouvoirs religieux, mais aussi, mais surtout de leur naissance.

Maures « blancs », Arabo-Berbères, Négro-Mauritaniens ou descendants d’esclaves (Haratines), ils sont par leur instruction ou par leur lignage « les maîtres » au sens où ils ne se sentent pas incommodés « par leur ombre ». leur signe distinctif sciemment ou inconsciemment, réside dans la distance qu’ils adoptent par rapport à « l’ombre », en tout cas, la superbe indifférence qu’ils affichent vis-à-vis des « personnes qui s’accommodent de l’ombre ».

Je m’appesantis sur ce fait divers au motif simple qu’il m’a interpellé et permis d’être attentif, pendant la Mission d’observation du CRAN, à tout ce qui se passait à l’intérieur des « lieux convenus » comme à la périphérie des salons feutrés ministériels de Nouakchott. Alerté, je me suis surpris à observer, entendre et marquer un arrêt sur tout ce qui ne se disait pas, mais se vivait, spontanément, et à l’abri de toute idée préconçue ou de tout a priori.

I-2-Le drame quotidien et muet des discriminations raciales en Mauritanie.

C’est au demeurant ce qui m’autorise le deuxième et douloureux constat qu’illustre l’anecdote que je m’empresse de vous relater. Certes les faits qui y sont rapportés ne sont pas l’apanage de la seule Mauritanie, il reste qu’ils traduisent, dans une large mesure, « le drame quotidien et muet de nombreux jeunes Négro-Mauritaniens discriminés, marginalisés, ostracisés ».

Après un « marathon » d’audiences, d’entretiens et d’échanges avec diverses autorités mauritaniennes, nous avisons une excursion sur la bande côtière de Nouakchott. La capitale de la République Islamique de Mauritanie jouit d’une vue imprenable sur l’Océan Atlantique, bien que sa bordure côtière ne constitue qu’un « segment » des 753 kilomètres de côtes d’un pays essentiellement désertique. «Les eaux côtières de la Mauritanie », il convient de le relever, « comptent parmi les zones de pêche les plus riches au monde ».

Parvenus en convoi sur cette plage splendide de Nouakchott, singulier lieu de convergence entre « la mer » et « le désert », nous sommes médusés devant la variété et l’éclat argenté des poissons, disposés sur des étals, et proposés aux « visiteurs » par des pêcheurs et autres vendeurs à la criée.

Notre arrivée n’est pas passée inaperçue : déjà les enfants accourent pour poser en photos ; les marchands d’objets d’art, amulettes et autres curiosités touristiques s’ingénient à nous approcher, pour écouler leurs « produits ». C’est alors que je suis abordé par un jeune Négro-Mauritanien qui me propose de lui acheter des bibelots, bracelets et autres pendentifs en perles qu’il a, lui-même, pris le soin de confectionner.

Son enthousiasme et sa fébrilité sont tels que gêné, je lui avoue ne pas disposer d’argent sur moi(.) Me croît-il ou ne désespère-t-il pas ? Toujours est-il que devant son « entêtement », j’entreprends de l’interroger sur la manière dont il procède pour obtenir le « résultat » de sa production(.) D’encouragements en manifestations d’intérêt, je lui signifie néanmoins mon sincère désappointement de ne pouvoir lui faire, même symboliquement, la recette(.).

Nous nous apprêtons à prendre congé du lieu de notre excursion, lorsqu’accourant vers notre cortège, le jeune Négro-Mauritanien nous rejoint pour me demander pressement d’accepter, malgré tout, le collier de perles noires portant en médaillon une sculpture réussie de l’Afrique.

Interloqué, je lui demande ce qui me vaut un tel « présent », alors que c’est à moi qu’il appartenait de lui apporter mon soutien et mon appui(.) sa réponse fuse, pondérée mais appuyée : « Je vous offre en souvenir ce collier, parce que vous ne vous êtes pas moqué de moi. ». Pourquoi me moquerais-je de vous ? Lui ai-je répliqué, curieux et surpris à la fois, du tour que prenait notre échange. Formelle, sa réponse fut à peu près la suivante : « les gens habillés comme vous et en convoi administratif, ne manifestent à notre endroit que répugnance, répulsion et mépris. Même nos propres frères Négro-Mauritaniens, lorsqu’ils sont « vêtus » comme vous, nous rejettent sans ménagement et souffrent très mal de nous voir les aborder. ».

Rapidement, je vais le rassurer en lui disant : « Nous sommes précisément en Mauritanie, pour observer, échanger avec les autorités et aider à combattre toutes les formes de discriminations, de racisme, d’esclavage. ».

Hochant la tête en signe de désapprobation, le Jeune Négro-Mauritanien martèlera pendant que je tenais en main « le collier offert » : « Non, Monsieur . il y a trop de racisme en Mauritanie. même entre les Négro-Mauritaniens. ». Confus, je lui ai lancé : « Merci beaucoup . nous sommes sur le départ, mais nous reviendrons » « Courage ! Au revoir et à bientôt ! » Ai-je ajouté, un tant soit peu perplexe et bouleversé.

Perdu dans mes pensées et à peine sorti de mes émotions, j’ai attentivement examiné « le collier de perles noires » que je conserve jusqu’à ce jour. Sur le verso du médaillon représentant une Afrique miniaturisée aux rainures vertes et jaunes, il est inscrit : « I love Africa » : « j’aime l’Afrique. ».

I-3- Le visage singulier de l’esclavage en Mauritanie : invisible et présent

Selon qu’il est « éclatant », « terne ou usagé », « le vêtement » loin de dénoter la simple apparence, connote en Mauritanie, plus que partout ailleurs, l’appartenance à la caste « des maîtres », a contrario à celle « des ostracisés » pour ne pas dire « de ceux qui, du fait de leur vêture, portent les stigmates à peine déguisés de l’esclavage. ».

Boubacar Messaoud, Président de S.O.S. Esclaves, l’une des ONG abolitionnistes mauritaniennes, confiait à la Mission d’observation du CRAN, le 26 Septembre 2013 à Nouakchott : « il y a tous les jours ici (en Mauritanie) des contrôles au faciès. Certains noirs sont contrôlés parce qu’ils ont un boubou maure. Suivant l’habillement il y a des discriminations. L’habit maure protège des discriminations du quotidien. ».

Un peu plus tôt, il nous avouait : « Je suis descendant d’esclaves. Tous mes professeurs me l’ont reproché (.) Celui qui ne parle pas de l’esclavage ne veut pas que la Mauritanie avance. »* (BOUBACAR MESSAOUD est Architecte de formation – ancien Directeur des domaines et militant actif de la lutte pour l’abolition de l’esclavage en Mauritanie).

De fait, en Mauritanie, la complexité de la question de l’esclavage relève « du déni d’existence d’un phénomène partout visible, mais consensuellement banalisé, quotidiennement disqualifié, politiquement occulté. ». Les us, coutumes et privilèges féodaux rémanents au fil des siècles se sont érigés dans « le corps social » mauritanien en « lois non écrites », ancrées dans les mentalités tant des Maures blancs, Arabo-Berbères, Toucouleurs, que des Négro-Mauritaniens composés de Soninkés, Ouolofs, Sarakolés, Bambaras, Halpoulars et Haratines (descendants d’esclaves). etc.

Parler ouvertement de l’esclavage en Mauritanie c’est comme « enfoncer une porte ouverte » tant la pratique esclavagiste s’est à la fois sédimentée et cristallisée avec le temps, au point de faire partie intégrante du quotidien, des us, coutumes et m urs voire même de la structuration traditionnelle de la Société mauritanienne.

L’histoire récente de la Mauritanie a été fortement ébranlée par de multiples révoltes des esclaves réprimées dans le sang. Les massacres, l’ostracisation, la déportation, les peines de prison ont constamment été l’unique solution de recours des gouvernements successifs administrés, la plupart du temps, par des régimes militaires.

A l’évocation des questions liées à la poursuite de la pratique de l’esclavage en Mauritanie, le silence et la gêne qu’affectent les officiels mauritaniens sont tributaires d’une part, du refus d’assumer « un passé présent, douloureux et dévalorisateur » et de l’autre, l’ardente volonté des membres du Gouvernement issu du coup d’état du 03 août 2005, de faire admettre à l’opinion internationale, « la nécessité de la lutte contre les survivances des pratiques esclavagistes » que l’on désigne en Mauritanie, sous « l’atténuateur lexical » : « séquelles de l’esclavage ».

Lors de la Mission d’observation du CRAN en Mauritanie, le Président de l’Assemblée Nationale de l’époque, lui-même descendant d’esclaves, s’est ouvert à nous, en ces termes :

« (.) Nous sommes nombreux à penser que l’esclavage continue ici (en Mauritanie). Il n’y a pas de chaînes en fer, mais des chaînes religieuses. Nous sommes croyants, et cela enchaîne parfois plus. Le problème se pose. Les discriminations existent aussi entre Arabes et non-Arabes. Il y a différentes cultures et communautés, différentes langues (.) L’esclavage a toujours empoisonné la structuration de l’état et de la Société. ».* (Le Président de l’Assemblée Nationale MESSAOUD OULD BOUKHEIR, membre fondateur et premier président d’EL HOR, premier mouvement d’émancipation des Haratines fin 1978-1980).

Ce 25 Septembre 2013, alors qu’il était 13h à Nouakchott, le Président de l’Assemblée Nationale, du haut de ses 70ans d’âge, nous avait semblé préoccupé par « le crédo négationniste selon lequel l’esclavage n’existait pas en Mauritanie dès lors qu’il avait été qualifié de crime contre l’humanité. » L’inscription dans la constitution de la loi 2007-048 incriminant l’esclavage, pour avoir été une avancée majeure, n’en avait pas moins suscité le mécontentement tant des ONG et Associations « abolitionnistes » que des autorités conservatrices mauritaniennes ou autres « négationnistes » qui y entrevoyaient « la perte de leurs privilèges intangibles ».

Un ancien ambassadeur mauritanien, en l’occurrence M. HAMOUD Ould Ely, Arabo-Berbère très estimé en Mauritanie, pour son implication dans les victoires diplomatiques acquises à l’étranger par son pays, de récente date, aurait déclaré en substance, à la télévision : « Si on scolarisait les esclaves, certaines tâches, services et emplois ne seraient plus effectués. ».

Il résulte des propos de ce haut responsable mauritanien, au-delà de l’émotion qu’elle a générée dans « les cercles abolitionnistes », la preuve des difficultés d’application pratique de la loi 2007-048. De fait, ladite loi s’était entourée de « précautions » qui continuent au mieux à rendre son application « symbolique », au pire, « inopérante » dans la pratique.

La Société Civile Mauritanienne qui peine à être écoutée par l’Etat Mauritanien est formelle : « l’esclavage existe encore en Mauritanie. On ne peut pas en parler. L’Etat Mauritanien ne veut pas qu’on en parle (.) En Mauritanie, l’esclavage n’a pas de couleur. Il est de nature particulière (.). Ici, la législation est très avancée. Nous sommes habiles : personne ne pourra nous libérer. Nous nous en sortirons nous-mêmes. ».

Notre interlocuteur à la tête du Parlement Mauritanien de lors, ne disait pas davantage : « Aujourd’hui, sur le plan juridique, on a vraiment avancé malgré les négationnistes. On a réussi à faire voter cette loi et à qualifier l’esclavage de crime contre l’humanité (.). Mais nous sommes fragiles, je choisis la méthode non-violente. J’ai 70 ans. Je suis pour ce qui nous libère, mais pas au point de tout briser (.) ».

C’est tout dire : l’enracinement de l’esclavage en Mauritanie est tel que l’éradiquer s’apparenterait au plan psycho-social, à une véritable secousse sismique ».

Selon les informations qui nous parviennent dans l’intervalle, nous sommes contraints d’admettre que c’est dans l’histoire, l’anthropologie et le multiculturalisme propres aux Mauritaniens que peuvent être tracées des voies et esquissées des solutions propices à exorciser un mal, dont les tentacules sont parvenues à enchaîner « les universaux mentaux » du peuple mauritanien, au point de se muer en « tragédie muette . ».

I-3-1-Le poids de l’histoire coloniale française sur le multiculturalisme Mauritanien

L’histoire nous renseigne de ce que la colonisation française de la Mauritanie s’est jadis glissée dans le moule de la configuration manichéenne des Arabo-Berbères ou Maures Blancs dominateurs et des Négro-Mauritaniens dominés, assujettis, pour consolider, à travers une manière opportuniste de « pacte hégémonique Franco-Arabo-Berbères», le statut quo de la pratique esclavagiste.

Il ne nous semble au demeurant pas superfétatoire d’imputer l’entière et flagrante responsabilité du climat social confrontationnel actuel, à la France qui, autrefois, a passé des accords avec les dignitaires Arabes locaux, dans le but de maintenir le système, vieux depuis le VIIIème siècle, lequel accordait tous les privilèges aux Maures « Blancs » et réduisait à la servitude, les « négro-Mauritaniens ».

Le Président du Sénat, le Très Honorable Ba MAMADOU dit Bâ M’baré, assisté de son Directeur de Cabinet, avisant de l’histoire passée et récente de l’esclavage en Mauritanie et de la nécessité des réparations, laissait entendre à la Mission d’observation du CRAN :

« Nous sommes des anciens colonisés. Voilà des réparations qui ont du sens. Il faut nous intégrer dans cette recherche de réparations. La sous-région entière a été victime du colonialisme, qui n’avait pas interdit l’esclavage, étant lui-même esclavagiste (.) ».

La responsabilité tout au moins passive de la France a en effet consisté, au début des années 1900, à entériner en Mauritanie, la pratique de l’esclavage tout en exacerbant les privilèges féodaux des dignitaires locaux, fidèle à la devise : « diviser pour mieux régner ».

Le machiavélisme avait partout ailleurs fait ses preuves . Et puis, à quoi aurait servi une longue guerre expansionniste à l’issue incertaine, là où « il suffisait d’obéir à la nature pour mieux la commander » ?

La conquête d’un espace territorial vital de plus d’un million de kilomètres carrés (1 030 700 km²) partageant géo-stratégiquement une proximité frontalière avec l’Afrique du Nord et de l’Ouest, en sus de la bordure côtière longue de 753 kilomètres, n’était-elle pas un atout suffisant qui surpassait « l’exégèse humaniste et égalitaire » prônée par « la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. » ?

En préservant ses intérêts d’époque, la France avait-elle conscience de maintenir des « équilibres instables » qui autoriseraient dans le Maghreb dit Arabe » que, de l’Egypte, au Maroc, en Lybie, en Tunisie, en Algérie, en Mauritanie jusqu’au Sahara Occidental voisin, 80 000 000 (quatre vingt millions) de Noirs autochtones, demeureraient, selon nos informations « invisibles » ?

En catalysant « le nationalisme négro-africain » contre le « chauvinisme arabe » dans les sous-régions Ouest-Africaine, Maghrébine, jusqu’en Egypte, la France mesurait-elle, au plan historique, la responsabilité idéologique qui lui incomberait, de « la disparition du paysage humain » de quatre vingt millions de Noirs autochtones tout comme de l’effacement des Touaregs, du paysage culturel et humain au Mali et au Niger ?

Ce questionnement, utile à la lecture historique globale de la problématique de l’esclavage en Mauritanie et dans la sous-région, est moins une mise en index de la France qu’une volonté de cerner aux sources, ce qui fait aujourd’hui « la complexité de « la délégitimation de l’esclavage en Mauritanie ».

I-3-2- Le poids de la culture et des traditions

Le Président du Sénat Mauritanien reconnaissait au sujet de l’esclavage : «il n’y a pas d’échanges marchands, il y a des structures traditionnelles, des phénomènes culturels (.) ».

La Société Civile mauritanienne relevait quant à elle : « l’esclavage devient tabou en Mauritanie (.). L’Etat français a une responsabilité. Durant la période coloniale, les français ont favorisé certaines communautés. La France. est responsable du racisme ancestral et (de la pratique qui veut aujourd’hui que) les autorités accordent des privilèges (.) ».

La constante qui se dégage des avis recueillis lors de notre mission d’observation c’est l’impact que l’histoire coloniale de la Mauritanie a eu sur la culture et la stratification sociale en Mauritanie.

L’Ambassadeur de France en Mauritanie, Son Excellence Hervé. BESANCENOT circonspect et prudent, révélait que : « Dans le domaine culturel, on a du mal aujourd’hui à voir les différentes composantes de la société mauritanienne. On peut jouer avec la musique ou autre (.). Notre coopération se doit d’être discrète. Les Mauritaniens et les Maures en particulier sont un peuple fier (.) ».

La fierté constitue en effet « un invariant culturel séculaire », des Mauritaniens. Ces derniers sont loin d’ironiser, lorsqu’au sujet de la colonisation française, ils affirment n’avoir jamais été « colonisés » mais « administrés ». Lisez entre les lignes : la France n’avait d’autres choix en Mauritanie que de légitimer l’esclavage, elle-même étant un pays esclavagiste(.)

Maîtres ou Esclaves, descendants de Maîtres ou d’esclaves, les Mauritaniens ont conservé cette fierté indéfinissable et particulièrement désarmante qui veut que : « le Maître est fier de son statut et le revendique (.) L’esclave ou le descendant d’esclave n’éprouve quant à lui, aucune acrimonie à l’endroit de son ascendance, comme il ne voit aucune objection à faire allégeance à son maître. »

A la question relative à la frilosité qui entoure l’application de la loi 2007-048 incriminant l’esclavage, le Président de l’Assemblée Nationale de Mauritanie nous avait séduit et profondément ému par sa sincérité :

« L’esclavage existe et il faut l’éradiquer. Nous travaillons à deux vitesses. Au niveau juridique, les instruments favorisent la lutte. Mais la pratique quotidienne, le plus important, nous sommes au point zéro. Personne n’accepte de parler comme j’en parle. C’est notre société, c’est notre problème (.) ».

I-3-2-1- Le poids des traditions discriminatoires sublimées par l’histoire

Les pratiques esclavagistes transmises, enseignées de génération en génération par les chefs tribaux, ethniques, religieux et légitimées par la féodalité conservatrice au pouvoir, ont trouvé un terrain fertile pour une servitude transgénérationnelle.

La question de l’esclavage en Mauritanie impose par conséquent un décryptage à plusieurs niveaux de lecture. Ces niveaux de lecture s’enracinent dans le schéma dualiste, perpétuellement maintenu « des Arabo-Berbères (Maures Blancs) toujours maîtres de père en fils et des Négro-Mauritaniens « de toutes les colorations », condamnés au statut d’esclaves d’ascendants à descendants.

En effet, sans que cela ne soit nulle part inscrit : « être Noir en Mauritanie est un délit. ».

Le Président de SOS Esclaves M. BOUBACAR MESSAOUD l’illustre bien, lorsqu’il rapporte à la Mission d’observation du CRAN : « on m’invite à la Radio, à la Télévision, anniversaire de l’indépendance, 54 hommes sous la tente, mais six Noirs, cinq ou six Haratines, cinq femmes. Il faut avoir la courtoisie de respecter son peuple. Je ne disculpe personne. Il y a discrimination dans l’intérêt des Arabes. Le Nègre, s’il en avait les moyens, l’aurait fait aussi. Il y a des comportements discriminatoires partout. Le terme « Kori » établit une distinction entre Noirs et Blancs en Mauritanie (.) Il faut respecter dans la langue, les personnes . »

Ces quelques lignes du Président de l’une des ONG abolitionnistes, apportent la preuve du mode opératoire de « la féodalité conservatrice au pouvoir, depuis l’indépendance de la République islamique de Mauritanie à savoir : « Prendre des décisions qui ont une résonnance conforme aux attentes de l’opinion internationale, n’accomplir aucune des réalisations envisagées, proclamer qu’il n’y a aucune discrimination en brandissant des officiels Haratines hauts placés, exhiber ces derniers comme des « images et figures emblématiques » de la cohésion sociale ; maintenir l’équilibre instable de la coexistence pacifique entre les clans, ethnies, tribus et castes d’une mosaïque non encore répertoriée dans sa totalité, faute de recensements fiables.

Le schéma dualiste hérité de la colonisation représentant une minorité dominante d’Arabo-Berbères ou Maures appelés « les blancs » (environ 25% de la population) confrontée à une majorité discriminée de Négro-Mauritaniens repartis au sein des communautés de Haratines, Soninkés, Peuhls, Sarakolés, Wolofs, Halpoulars, Toucouleurs, Bambaras.etc (75% de la population) vole progressivement en éclats.

I-3-2-2- L’indifférenciation anthropologique du Maître.

En République Islamique de Mauritanie, se déploie dans le processus psycho-social et anthropologique, une unanimité tacite reproductrice du Maître, comme modèle et exemple vivant auquel il faut « à défaut de se soumettre, ressembler ». « Le Maître séculaire » est Arabo-Berbère ou « Blanc », l’esclave de descendance est issu de la caste des « Haratines », une des composantes « multicolores » de ceux que nous désignons pour des raisons de simplification « Négro-Mauritaniens ».

Or, la République Islamique de Mauritanie est davantage une constellation de tribus, de clans, d’ethnies, de castes lesquels, sur le modèle du Maître, reproduisent ceux des clivages et celles des pratiques féodales qui ont cours au sein de la minorité blanche mauritanienne(.).

Le premier élu du peuple Mauritanien, un Haratine, nous faisait observer : « On m’a souvent dit que je parle uniquement des pratiques des Arabes, mais je parle de ce que je connais le mieux. Je suis descendant d’esclaves, propriété des Arabes. Ils sont blancs, je suis comme je suis. Je suis leur esclave. L’esclave Soninké ou halpoular est moins visible. Je me suis rebellé très tôt. Mon semblable Soninké ou Wolof ne se voit pas (.) ».

Qu’est-ce à dire, sinon qu’il existe au sein de la majorité Négro-Mauritanienne dite « discriminée, des Soninkés, des Peulhs, des Wolofs, des Bambaras ou des Sarakoles attachés aux privilèges féodaux. Les Maîtres et les esclaves apparaissent par conséquent comme des figures diffuses, protéiformes, éclatées, banalisées du paysage humain et multiculturel mauritanien : les maîtres, refusant d’être affublés du patronyme d’esclavagistes, tout en demeurant propriétaires d’esclaves ; les esclaves, tout en refusant d’assumer d’être taxés comme tels en cas de dénonciation, reculent devant tout horizon autre que celui d’appartenir à leurs maîtres(.), au point d’être prêts à mourir pour ces derniers..

A l’analyse, l’obstacle anthropologique est l’écueil majeur auquel se sont heurtés les régimes militaires successifs qui ont voulu s’attaquer à l’épineuse problématique de l’esclavage et même, des Gouvernements qui ont dû recourir à la répression et à la déportation des Négro-Mauritaniens dont les voix se sont bruyamment élevées contre l’injustice, l’inégalité, l’iniquité et la cruauté d’une pratique surannée et fondamentalement inhibitrice de toute marche vers le développement et l’émancipation des peuples.

Il va sans dire que les esclaves, dépendent matériellement, économiquement, physiquement, charnellement et spirituellement de leurs maîtres : il s’agit en réalité, de « possessions », « propriétés », « servants ou servantes », « domestiques à charge », « personnes corvéables à souhait et plus ou moins consentantes ».

Devant tous « ces visages familiers du servage», on serait en droit de se demander, s’ils ne participent pas tous, du «métamorphisme de l’esclavage » ?

I-3-3- Le poids écrasant des conservatismes féodaux

J’avais en mai 2013, en tant que Vice-Président du CRAN, chargé des relations avec l’Afrique, tiré la sonnette d’alarme, au sujet du péril social que courrait la Mauritanie, en entérinant l’héritage esclavagiste légué par la France comme une manière de fidélité et de respect du « Pacte Franco-Arabo-Berbères ». Je réagissais ainsi, à la condamnation des Militants abolitionnistes qui, en avril 2012, avaient brûlé les livres religieux qu’ils considéraient comme le Code Noir de l’esclavage en Mauritanie. L’acte ainsi posé, se destinait à attirer l’attention de l’opinion nationale et internationale. Dans ces livres religieux, le statut de l’esclave était défini comme suit :

1.La femme esclave doit entretenir son maître par sa chair.
2.Elle ne doit pas couvrir son corps du regard de son maître.
3.L’enfer est promis à l’esclave qui n’obéit pas.
4.Un maître peut vendre ou marier son esclave à qui il veut et à tout moment.
5.Le Maître met fin au mariage de son esclave, chaque fois qu’il le souhaite.
6.Interdiction pour un esclave ou descendant d’esclave de diriger la prière.
7.Un Maître peut, à tout moment, entretenir des rapports sexuels avec son esclave.

Le Maître « peut » parce qu’il détient « le pouvoir » reconnu par « les livres religieux ». L’esclave « doit » parce qu’il a « le devoir » en tant que croyant, d’observer scrupuleusement « les prescriptions sacrées » du rôle qu’il est appelé à jouer.

L’histoire des peuples structure leur mentalité, remodèle leur culture adapte conjoncturellement leurs m urs séculaires ; la foi et la croyance, quant à elles, agissent sur leurs « universaux mentaux » parce qu’elles investissent leur sensibilité, affectent leur esprit.

Les militants abolitionnistes d’avril 2012 avaient qualifié par les substantifs, « Code Noir de l’esclavage », «les livres religieux » qui faisaient l’apologie de l’esclavage et sacralisaient le Maître.

Du fait des « croyances dégénérées », il existe en Mauritanie, des castes d’ascendants et descendants d’esclaves « bâtards » qui ne porteront jamais les noms de leur père ou géniteur en vertu « du droit féodal de cuissage ». Les fils d’esclaves reprendront inéluctablement le nom de leur mère, « Ould Fatma » par exemple. La Société Civile nous faisait remarquer y relativement : « les esclaves n’ont pas d’état civil. Les enfants non plus. L’Etat doit prendre des dispositions pour qu’ils aillent à l’école (.) ».

Les politiques s’attaquent très peu à la question et pour cause : « l’esclavage est politique », il contribue à conserver la société telle qu’elle est, avec ses inégalités, ses privilèges, ses injustices raciales, claniques, ethniques (.) ».

La stigmatisation dès la naissance des descendants d’esclaves est appelée, en Mauritanie, à se perpétuer « telle un piège sans fin. », tant qu’il sera interdit aux politiques d’aborder la question de ces fils et filles d’esclaves dont la population s’est démultipliée au fil des décennies avec des mutations «multicolores » vertigineuses (.).

Leur maintien dans « l’ombre », leur effacement voulu du paysage humain mauritanien, est une forme criarde d’ostracisme social, de marginalisation sociétale, de réclusion au statut d’apatrides, de déchéance, dans le même temps de la citoyenneté et de la nationalité des fils et filles de la Mauritanie condamnés dès la naissance et au cours de « l’existence » à n’être que « les ombres » de leurs maîtres ; pire, à n’avoir aucune existence légale(.)

Cette stigmatisation peut, par ailleurs, être interprétée sous l’angle d’une volonté hégémonique qui se sert de « l’Eugénisme », pour asseoir la permanence du pouvoir et la perpétuation des privilèges de « la caste des Maîtres ». De fait, en choisissant « l’Esclave-femme » comme « reproductrice perpétuelle d’une descendance qui ne portera jamais le nom des géniteurs. », le Code Noir. a durablement contribué à mettre sur pied, une machine redoutable, perverse, abominable et cruelle destinée à hypothéquer le futur et priver la Mauritanie « des forces vives d’une jeunesse qui n’avait pas vocation, au motif de la naissance, d’être marginalisée. ».

Pratique culturelle, cultuelle ou fatalité de l’Histoire ?

L’esclavage en Mauritanie est tout cela à la fois. Il a le visage de la Mauritanie : pluriforme, pluriel, multicolore, « incolore », « transparent », multiforme. Les mutations du phénomène sont telles que les termes caractérisateurs en viendraient à ne pouvoir être épuisés. Il n’est donc pas surprenant que les politiques, avec une habileté et une dextérité inégalées, usent et abusent de la ruse, pour échapper à « l’aveu que l’esclavage existe en Mauritanie ».

Notre avis est pourtant qu’admettre l’existence de l’esclavage est un impératif catégorique qui marquera la rupture avec « le marasme identitaire » et sonnera « la fin du culte de l’indifférence face à la misère morale absurde d’être apatride dans son pays dès la naissance et privé de citoyenneté pendant toute son existence(.) »

Les hommes politiques conservateurs mauritaniens comme les esclavagistes tapis « dans les sables mouvants d’une pratique d’un autre âge », ne doivent jamais oublier qu’ils ne sont pas héritiers « d’une sempiternelle ascendance de Maîtres », mais qu’ils ne font qu’emprunter la terre à ceux qui viendront. Car, qui peut préjuger de ce que réserve l’avenir, si dans les temps présents, rien n’est fait pour endiguer le fléau de « l’esclavage structurel actuel » de la Mauritanie ?
Un dicton africain dit : « Quand on couvre ça sent !!! ».

Notre Mission d’observation avait émis le v u que « la découverte » soit « le fil d’Ariane » de nos investigations. Or, « la couverture » en Mauritanie est un « Modus Vivendi » anthropologique, culturel, rituellique, comportemental, vestimentaire. On se couvre quand il fait chaud, assurément pour atténuer les ardents rayons du soleil et stabiliser la température du corps. On absorbe des boissons chaudes, en l’occurrence, « le Tchaï » pour les mêmes raisons. La tendance à « couvrir » l’être, à « se recouvrir » le corps va plus loin ; elle s’étend à l’aptitude à « voiler. couvrir les choses qui fâchent, dérangent, offensent ou plus précisément, pourraient attenter à la liberté, aux croyances et à la « cohésion sociale » de la Mauritanie, c’est-à-dire clairement au statu quo des privilèges. » nous disions, un peu pour prévenir les uns et les autres de la nécessité de ne rien cacher :

« Le soleil n’éclaire et ne sèche que ce qu’on lui montre. »

Eclairer, mettre à la grande lumière le caractère à la fois « monolithique » et « kaléidoscopique » qu’offre l’esclavage en Mauritanie, permettrait une lisibilité, sans doute, une effectivité des solutions propres à la Mauritanie, adaptées à son anthropologie et à sa culture, acceptées par la branche conservatrice de l’Assemblée des Oulémas dont nous savons « la prégnance » et la profonde influence en République Islamique de Mauritanie.

Nous sommes conscients de ce que « le tendon d’Achille» de l’esclavage en Mauritanie, réside dans ses racines anthropologiques et culturelles, encouragées et légitimées par les préceptes religieux d’un islamisme conservateur. Perçu sous cet angle, il est courant que « les Maîtres » aient la profonde certitude d’être des bienfaiteurs, qui irradient de leur générosité les nécessiteux, en leur fournissant « pitance », « abri », « vêture » et « descendance ». Les esclaves, à cause de la pauvreté ou de l’indigence de leurs ascendants ne se représentent aucune perspective d’avenir, hors de « leurs bienfaiteurs » qui, à leur tour, ont hérité de leurs ascendants, « une main d’ uvre servile, corvéable et soumise au doigt et à l’ il » à leur volonté.

Lorsque nous déduisions des propos recueillis, l’autre effarante réalité selon laquelle « les pratiques esclavagistes » étaient notoirement plus ardues chez les Négro-Mauritaniens, lesquels, comparés aux Arabo-Berbères, ne bénéficient pas de la même aisance en biens (.), alors surgissent insidieusement les questions d’une brûlante actualité : Que faire ? Par quel bout commencer ?

Comment procéder pour démonter le bloc « kaléidoscopique » miroitant des reflets et facettes multiples de l’esclavage et de ses séquelles, au point de rendre, vaine toute tentative de s’y attaquer ?

La tentation première serait en effet d’ériger hâtivement en postulat « l’irréversibilité de l’esclavage et de ses séquelles en Mauritanie, tant la pratique s’est incrustée dans les m urs, les cultures et croyances de toutes les composantes de la mosaïque ethnique, clanique, tribale (.) etc

L’autre tentation serait de laisser penser que rien de vertueux n’est entrepris par le Gouvernement actuel et sous la présidence de son Excellence Mohamed Ould Abdel Aziz, pour résorber et par touches successives, éradiquer « l’esclavage et ses séquelles » en République Islamique de Mauritanie.

La dernière tentation, celle-là, catastrophique, serait « de faire-semblant ». selon de nombreuses sources qui nous parviennent ex-post, cette dernière option aurait été adoptée par les Autorités Mauritaniennes.

Des informations émanant desdites sources, font état de ce que les Autorités gouvernementales Mauritaniennes auraient choisi d’implémenter des « actions cosmétiques » visant à rassurer l’opinion internationale, avec de « beaux textes de lois » inappliqués et inapplicables, « des recommandations de révision de la législation sur l’esclavage hautement pertinentes », lesquelles sont brandies à l’occasion des forums internationaux et rangées dans les tiroirs, au retour des commissions et conventions partenariales, avec les Nations-Unies, l’Union Européenne et autres entités techniques ou financières ayant voix au chapitre(.).

Récemment, à Genève, les Organisations Non Gouvernementales (ONG) Mauritaniennes en charge de la lutte contre l’esclavage et ses séquelles, auraient dans un « chorus unanime » repris « le leitmotiv » de la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CDH) ; du Commissariat des Droits de l’Homme pour défendre avec brio et sagacité, les actions conduites par le Gouvernement Mauritanien afin d’éradiquer les séquelles de l’esclavage. Cette opération de loyauté empreinte de nationalisme, est louable. Mais, faut-il continuer à grands frais d’Etat le financement particulièrement coûteux de « l’image de marque de la Mauritanie » ?

Oui ! A la seule condition que ces dépenses importantes selon nos sources, impactent sur la recherche des solutions idoines à l’éradication, non des séquelles, mais du « vrai visage muet » de l’esclavage en Mauritanie.

II- La tragédie muette de l’esclavage en Mauritanie : l’urgence d’une thérapie idoine

II-1- La Thérapie du Gouvernement Mauritanien sujette à caution

Au lieu d’une chirurgie esthétique, il s’agit de pratiquer en Mauritanie, une chirurgie vive, conforme à « l’éthique thérapeutique appropriée », et non à « la plastique » qui donne plus de place, au « paraître » qu’à « l’être ».

Le plus urgent et le plus approprié aux yeux de l’Etat Mauritanien, était à ce qu’il nous a semblé, lors de notre mission d’observation, la lutte contre la pauvreté.

Le Ministre de la Justice, à l’époque de notre séjour, nous révélait à ce sujet : « Les gens ne sont pas libres, non pas à cause de l’esclavage ou de ses séquelles, mais parce qu’il n’y a pas assez d’écoles, il n’y a pas de richesses. Nous combattons la pauvreté (.) ».

La démarche gouvernementale est assurément habile qui propose la solution en occultant le problème : les esclaves sont libres en Mauritanie, mais ont tendance à perdre cette liberté parce que non-scolarisés, sous-scolarisés, démunis, indigents, pauvres et la plupart du temps livrés à eux-mêmes.

C’est donc sous le prisme de « marginalisés économiques », que le Gouvernement Mauritanien s’attaque à la lutte contre l’esclavage ou de ses séquelles, mais pour constante qu’elle est, l’approche gouvernementale mérite d’être interrogée tant du point de vue de sa cohérence que de son efficacité.

Boubacar Messaoud de SOS esclaves prévenait la Mission d’observation du CRAN : « l’esclavage en Mauritanie n’est pas ponctuel, mais structurel. » même la loi 2007-048 censée incriminer l’esclavage n’admet paradoxalement pas son existence en ce qu’elle impose la mention « présumé esclave » à tous « les cas avérés d’esclavage » disqualifiant, à l’occasion, les dénonciations.

L’Agence TADAMOUN, dotée d’un budget conséquent destiné entre autres, à l’assistance des cas avérés d’esclavage et auréolée de la capacité d’ester en Justice, en tant que partie civile, ne saurait paradoxalement, « avoir du grain à moudre » dès lors que lesdits cas ne seraient jamais connus de l’Institution de haut niveau, chargée de l’éradication des séquelles de l’esclavage en Mauritanie.

A preuve, avocat de formation et ancien Ministre de la Communication, M. HAMDI OULD MAHDJOUD, alors Directeur de l’Agence TADAMOUN, avait tenu d’entrée de jeu à baliser le cadre de l’intervention et de l’action de « l’Institution » qui à l’époque n’avait que cinq (5) mois d’existence : « il est un fait, c’est que l’esclavage n’existe plus en Mauritanie. Il n’est plus admis par l’Etat (.) l’Etat n’accepte ni l’esclavage, ni les pratiques esclavagistes ».

Cet extrait éclaire l’option gouvernementale et la position officielle de l’Etat mauritanien : « la non-acceptation de l’esclavage, la négation des pratiques esclavagistes équivalent ipso facto à l’inexistence de l’esclavage.

Il s’agit donc « d’une pétition de principe » ; l’affirmation vaut le fait, un peu comme si « dire » c’est « faire ».

II-2- La nécessite d’un diagnostic lucide, efficace et méthodique du protocole global d’éradication de l’esclavage en Mauritanie

Certes, en Afrique, l’oralité et la parole donnée sont des constantes qui tirent leur valeur, de la chaleur de la voix et du crédit émotionnellement apporté aux mots, que cette voix articule et égrène tel « un chapelet de vérités ». Mais, nous avons aussi pu observer, qu’au sein du Commissariat des Droits de l’Homme (CDH) ; de la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH), des ONG et Associations Civiles de lutte contre les séquelles de l’esclavage, certains des membres qui disent haut et fort, dans « les lieux convenus », ce qui sonne bien aux oreilles des officiels Mauritaniens, à l’abri « des regards inquisiteurs » et « hors du champ officiel », nous glissent dans le creux de l’oreille : « l’esclavage existe en Mauritanie, il est tabou d’en parler de la manière qui pourrait déplaire. ».

II-2-1- La nécessité de s’affranchir du tabou « de l’esclavage ».

« Le secret » dans la quasi-totalité des traditions du monde, se transmet « de bouche à oreille ». Il ne s’agit plus seulement de «mettre la puce à l’oreille » mais, davantage ; partager le secret qui vous est à vous seul confié », parce que son émetteur en a jugé, «le récepteur » digne « de le recevoir » et apte à en faire l’usage le plus approprié, pour un retour de l’harmonie au sein de « la chaîne de solidarité sociétale, sociale, nationale voire régionale. »

En tant qu’Africain, président de Solidarité Africaine de France, Vice-Président du CRAN, chargé des Relations avec l’Afrique, le « secret » que j’ai recueilli en Mauritanie et qui m’a été confié par des Mauritaniens, afin que tous les Mauritaniens le partagent est le suivant :

« La fierté de la féodalité conservatrice, l’influence et la prégnance d’un islamisme conservateur sur les croyances, pratiques et m urs constituent par la solidité de leur impact sur le multiculturalisme mauritanien, « le ciment identitaire » de la Mauritanie.

Tous les politiques redoutent de briser « ce ciment », ou de s’attaquer à la refondation du « matériau humain mauritanien ». Une telle entreprise s’apparenterait « au nettoyage des Ecuries d’Augias » ou aux « Douze Travaux d’Hercule ».

Le drame c’est que toute la Mauritanie est victime d’une cécité séculairement entretenue, culturellement et cultuellement admise, politiquement et administrativement tolérée.

Prisonniers d’un système où ils sont de facto « juges et parties», les politiques eux-mêmes en sont victimes dès leur naissance et bourreaux pendant leur existence (.) Bourreaux et victimes sont donc logés à la même enseigne.

Un dicton en Afrique subsaharienne objecte : « lorsqu’on s’est mordu la langue et qu’on saigne abondamment, on est contraint de cracher, mais aussi, déglutir son propre sang. ».

Au lieu de poursuivre une quête frénétique et habile consistant à « faire prendre des vessies pour des lanternes », au lieu d’installer « une confusion épistémologique » regrettable au c ur d’une lutte noble et nécessaire, au développement harmonieux et inclusif comme à l’émancipation de tous les Mauritaniens, il faudrait définitivement faire accepter et partager par tous les Mauritaniens, le fait que « lutter contre les séquelles et non contre l’esclavage «parce qu’il n’existe plus», est contreproductif.

En effet, apposer un pansement superficiel sur une gangrène en voie de cancérisation, ou sur une tumeur en voie de se métastaser, n’est ni plus, ni moins, qu’une hérésie (.) ».

II-2-2- La nécessité de « dépolitiser, l’esclavage en Mauritanie

L’histoire trouble, et instable de ces dernières décennies en Mauritanie, a été, en grande partie, liée au réveil brutal des revendications abolitionnistes réclamant que l’Etat reconnaisse l’existence de l’esclavage, se conforme à la ratification de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, s’attaque à la question foncière à travers une réforme juste, se départisse de sa collusion avec la féodalité conservatrice, réponde au retour des déportés exilés au Mali, au Sénégal et au Niger, publie le décret d’application de la loi 2007-048.

Soucieux de maintenir « la cohésion sociale plurielle » de la Mauritanie, les différents régimes militaires, incommodés par autant de sollicitations, les unes aussi pressantes que les autres, leur ont accordé des fortunes diverses allant de la réelle volonté d’y apporter des solutions, à la nécessité de réprimer les soulèvements pour troubles à l’ordre public ou autres atteintes à la sécurité de l’Etat(.)

Mais, quelle que soit l’option choisie par les gouvernements qui se sont succédé en Mauritanie, une vérité demeure : le seul Chef d’Etat Mauritanien qui a voulu prioritairement s’attaquer à la question de l’esclavage, en posant des actes significatifs, salués par « les dissidents » a été renversé, évincé(.). Il s’agit de Sidi Ould Abdallaï (2007-2008) (.) C’est dire la fragilité à laquelle s’exposent les dirigeants mauritaniens qui ont l’outrecuidance ou l’indépendance de rechercher des solutions politiques, aux exactions causées par « la plaie cachée de l’esclavage ».

En Mauritanie, tout se passe comme s’il faut laisser la société telle qu’elle est. charge à elle, de reproduire la caste des maîtres et celle des esclaves. En parler est politiquement incorrect.

Le Président du Conseil Constitutionnel Mauritanien, nous faisait remarquer que : « Tous les régimes depuis, ont essayé d’apporter une contribution visant à éradiquer, au moins à atténuer les pratiques esclavagistes. Le pouvoir actuel, dans le cadre d’un débat national avec les forces politiques, a criminalisé les pratiques esclavagistes. Ceux qui s’y adonnent peuvent être jugés et condamnés ».

A la question de l’application du droit face au conservatisme religieux, le Président du CCM dira : « Les pouvoirs publics devraient engager une action de sensibilisation et mettre à contribution les religieux : Oulémas, marabouts, imams. Leur influence est grande. il faut qu’ils battent campagne. Ce serait une avancée importante dans le changement des mentalités. Leur classe a soutenu l’esclavage pendant longtemps. C’est difficile de se dédire. Mais le monde a changé. Il faut accepter que les gens soient égaux. ». Au sujet des instances en charge de rendre justice et condamner les cas avérés d’esclavage, le Président du CCM avouera : « on n’a pas vu de condamnations à ma connaissance. Les magistrats sont-ils convaincus que l’esclavage est un crime ? Je me pose la question (.) ».

II-2-3- L’impérieuse nécessité d’appliquer la loi 2007-048.

Notre avis d’observateur demeure constant : l’esclavage est un crime. Son éradication en Mauritanie est possible, elle est même souhaitable et à bien des égards, impérative.

Pour y parvenir, la bonne volonté manifestée par le Président Mauritanien, Son Excellence Mohamed Ould Abdel Aziz, à travers les actions déjà entreprises, est à saluer et à encourager.

Le CRAN s’est fait l’écho de certaines de ces actions dans ses précédents rapports, notamment : l’inscription dans la constitution de la loi 2007-048 incriminant l’esclavage ; l’institution de « la sécurité sociale généralisée » ; l’inscription sur les listes électorales de « l’approche genre » réservant 25% de place aux femmes, en position d’éligibilité ; la valorisation de l’opposition dont le chef, à notre connaissance, jouit d’un statut unique en Afrique, lui conférant le rang de Ministre avec tout le protocole et tous les avantages qui accompagnent cette position, tant dans le pays que lors de ses déplacements à l’étranger. Il rencontre les dirigeants au moins une fois par trimestre pour parler de la marche de l’Etat et peut réclamer aux ministres, les dossiers dont il a besoin pour mener à bien sa mission.

Face à un tableau si séduisant, illustration vivante de l’émancipation des forces politiques, de la libéralisation inscrite aussi bien dans le corpus institutionnel, juridique que dans le corpus social mauritanien, qu’est-ce qui peut bien justifier la poursuite de la traque des militants abolitionnistes, l’emprisonnement des leaders politiques à l’instar de BIRAM Dah Ould Abeid., Président de l’IRA, arrivé second, aux dernières élections présidentielles ou la condamnation à mort de Mohamed Cheikh Ould M’Khetir issu de « la caste des forgerons », inculpé de crime pour propos blasphématoires tenus à l’encontre du prophète Mahomet ?
Comment peut-on justifier qu’au cour du procès d’appel tenu le 21 avril 2016, l’avocat de la partie civile, maître Yahya Ould ABDOU et le représentant de l’assemblée des Oulémas mauritaniens, Abdallahi Ould REGAD aient requis la condamnation à mort, confirmant la peine prononcée en première instance par le palais de justice de Nouadhibou, alors que l’inculpé Mohamed Cheikh Ould M’Khetir a plaidé « non coupable » et par ailleurs déclaré n’avoir en aucun cas eu à outrager, ni à profaner le prophète par ses écrits, mais, eu l’intention et la volonté d’attirer l’attention sur « la caste des forgerons » à laquelle il appartient : « les maalemines » dont il déclarait au cours du procès, que cette composante de la société mauritaniennes était « mal considérée et discriminée »?

Qu’est-ce qui peut expliquer la chasse aux sorcières et l’offensive menées jusqu’à la tribune des Nations Unies, pour dénoncer le prix reçu par BIRAM., alors que ce dernier milite pour une cause juste et connue de tous les Mauritaniens, même si les moyens utilisés peuvent être contestés ?

De telles attitudes, démarches et actions militent-elles en faveur de la sincérité des politiques actuelles de lutte contre les séquelles de l’esclavage ?

La réponse à ce long questionnement, à notre humble avis, émane des priorités gouvernementales résumées par le Président du Conseil constitutionnel Mauritanien, lesquelles méritaient d’être prises effectivement en compte, à savoir : « l’Economie et l’éducation ».

Le propos tenu par ce haut dirigeant était le suivant : « (.) Aujourd’hui le cheval de bataille des pouvoirs publics doit être l’économie et l’éducation avec l’aide des religieux qui n’aident pas à l’avancée rapide des mentalités (.) ».

Il est loisible de s’en apercevoir : « le ventre mou » de la bataille économique et éducative en Mauritanie sera encore le conservatisme religieux (.) C’est pourquoi, il n’est pas opportun de « se voiler la face », il n’est pas avantageux de pratiquer « la politique de l’autruche ».

Les pouvoirs publics Mauritaniens doivent rentabiliser les avancées actuelles et probablement uniques en Afrique, en inscrivant la reconnaissance de l’existence de l’esclavage en Mauritanie, au titre des solutions prioritaires globales.

Notre intime conviction est que s’en tenir exclusivement à la lutte actuellement conduite en Mauritanie contre les séquelles de l’esclavage, c’est implicitement confirmer l’infaillibilité des préceptes religieux enseignés aux populations par les Oulémas conservateurs, c’est ouvertement concourir à légitimer la marginalisation économique « des pans entiers de l’énergie des populations mauritaniennes », c’est compromettre toutes les politiques éducatives visant l’alphabétisation, la scolarisation des anciens et nouveaux esclaves, c’est enfin, rendre artificielles, toutes les avancées heureuses que nous avons saluées, par le passé, avec enthousiasme.

II-3- La nécessité de la refondation des politiques éducatives et économiques

Nous osons dire, qu’en Mauritanie, comme partout ailleurs, « tout est lié ». Le bout par lequel on commence ne peut être tenu jusqu’à l’autre bout que, si l’on prend en compte les n uds de l’intervalle : il faut les dénouer pour avoir la longueur, la perspective, la vision globale.

Un proverbe de la tradition orale africaine énonce en substance qu’ « il ne faut pas s’attarder à l’endroit où on est tombé, mais plutôt là, où on a trébuché. ».

Chaque pays a « ses distorsions » et aucun n’a le monopole de « ses fléaux », il appartient à chacun d’y apporter, selon ses convenances, les solutions jugées adéquates.

Dans le cas de la Mauritanie, « la plaie cachée de l’esclavage » est une « bombe à retardement » qui creuse profondément le fossé de la pauvreté, accroît la misère morale et matérielle des esclaves, augmente l’ignorance du plus grand nombre de Mauritaniens, rendus invisibles, par « les verrous de l’hypocrisie religieuse et l’artificialité des politiques « d’insertion » mises en uvre. ». C’est d’ailleurs ce que confirme, sous des dehors caricaturaux et forcément dépréciatifs, le regard que l’Occident porte sur la Mauritanie.

II-3-1- La thérapie de l’esclavage au c ur des enjeux économiques et Internationaux

La Mauritanie est d’après la Communauté Internationale, « l’un des pays les moins développés au monde, en clair l’un des plus pauvres. L’indice de développement humain en 2011, classait la Mauritanie au 156ème rang sur 187 pays du monde. D’un point de vue financier, le pays dépend de l’aide étrangère et est fortement endetté. Au plan politique, la Mauritanie est considérée par les Institutions Européennes, comme un pays instable et en proie depuis plusieurs années à des activités terroristes ; Al Qaïda est actif dans les zones désertiques du pays. La situation s’était considérablement aggravée en mars 2012, après le coup d’état militaire perpétré au Mali sous la houlette et l’instigation des militants islamistes(.)».

« L’économie du pays est extrêmement dépendante de l’agriculture et l’essentiel des forces vives est employé dans ce secteur. Les principales exportations sont toutefois le minerai de fer et le poisson. ».

L’importance du poisson dans la nutrition des populations des pays en voie de développement n’est plus à démontrer. Quel visiteur, pour peu qu’il se soit donné la peine de regarder, ignore la place majeure qu’occupe dans la nutrition mauritanienne, « le blé écrasé, moulu pour en obtenir une farine fine, travaillée à la main dans une couscoussière, et cuite à l’étouffée ou à la vapeur : « Le KISSE-KISSE », ce couscous mauritanien qui doit probablement son appellation à l’onomatopée sonore connotant « l’harmonie imitative » de l’élasticité, est accompagné d’une sauce de feuilles de baobab moulues, assaisonnées et épicées de condiments qui font oublier sa gluance, à la faveur de l’arôme agréable qui s’en dégage et stimule, autant le sens olfactif que les papilles gustatives ; l’huile animale issue des graisses chauffées de vache, de chèvre ou de mouton, vient versée par-dessus bord, relever l’onctuosité de la sauce, garnie tout autour, de morceaux de viande de zébu, de mouton, très souvent de poisson.

« Nourriture de Dieu. », le poisson est aux Mauritaniens ce que fut dans le mythe judéo chrétien de la traversée du désert, « la manne » pour le peuple d’Israël.

Indispensable dans la nutrition des Mauritaniens, « le poisson est aussi une rente d’exportation, car il procure des devises au pays, à travers la pêche industrielle locale et la petite pêche ». Prisé pour sa qualité, sa variété et son abondance, le poisson Mauritanien est exploité, au large de 753km de côtes dont les eaux regorgent de ressources halieutiques réputées, parmi les plus riches au monde. La demande des ressources halieutiques des eaux mauritaniennes, s’est accrue au cours des vingt dernières années, tout comme leur pleine exploitation, voire, à certaines époques, leur surexploitation, pour ne pas dire leur pillage.

Afin de pallier aux dérives observées dans le secteur, et d’éviter que la rente de la pêche ne profite pas à la Mauritanie, et n’impacte pas durablement sur l’économie de ce secteur dans le pays, le gouvernement Mauritanien, sous la présidence de Mohamed Ould Abdel Aziz, a courageusement et objectivement revisité l’Accord de Partenariat dans le secteur de la Pêche avec l’Union Européenne.

L’Accord de Partenariat dans le secteur de la Pêche (APP) entre l’Union Européenne et la République Islamique de Mauritanie date du 1er Août 2006 et avait été mis en uvre au moyen de deux protocoles successifs. Le dernier d’entre eux était arrivé à échéance le 31 juillet 2012.

Dès le 1er Août 2012, la commission de la pêche, organe du Conseil Européen siégeant au Parlement de l’Union Européenne, communiquait directement à la Mauritanie, les demandes de pêche qu’elle recevait des Etats-membres européens. En attendant l’approbation par le Parlement Européen, un accord intérimaire avait été signé le 16 décembre 2012, lequel était arrivé à échéance en janvier 2013.

A l’époque, une centaine de navires battant pavillon de douze Etats membres différents de l’Union Européenne, se voyaient accorder l’accès aux zones de pêche mauritaniennes. Ils venaient d’Espagne, d’Italie, du Portugal, de Grèce, de France, du Royaume Uni, de Malte, des Pays Bas, d’Allemagne, de Lituanie et de Lettonie.

Devant tous ces « mastodontes » Européens, la République islamique de Mauritanie est parvenue à faire entendre sa voix, au cours d’âpres négociations avec la commission de la pêche ayant reçu mandat du Conseil (Parlement de l’Union Européenne). Le nouveau protocole, en même temps qu’il garantissait la priorité d’accès des flottes de l’Union Européenne aux excédents disponibles dans les zones économiques exclusives (ZEE) mauritaniennes, visait également à créer une politique de pêche durable en Mauritanie.

Les exigences mauritaniennes consistaient outre, à renforcer les communautés côtières ainsi que les petites pêches, de permettre avec l’appui des conseils scientifiques, la redéfinition de nouveaux volumes de stocks de poissons. Auparavant, la plupart des stocks de poissons, de l’avis de la partie mauritanienne, avait fait l’objet soit d’une pleine exploitation, soit d’une surexploitation. Afin de renforcer le secteur local de la pêche, il avait également été convenu d’élargir la zone de pêche pour les poissons pélagiques : les chalutiers pélagiques devraient désormais se tenir à une distance de 20 miles du rivage. La mesure ainsi prise se destinait à réduire de manière importante les captures accessoires.

Comme dans toutes négociations, l’Union Européenne a perçu comme un revers dommageable, les restrictions apportées par la partie mauritanienne et pris des mesures de rétorsion, ramenant la contrepartie financière précédemment de 20 000 000 (vingt millions) d’Euros annuels affectés au secteur local de la pêche mauritanienne à 3 millions d’Euros, un peu pour punir les Mauritaniens d’avoir osé dénoncer les dérives contraires à l’Accord signé.

De même, l’augmentation de la contrepartie financière pour l’accès aux ressources halieutiques des Etats membres européens, fixée annuellement à 67 millions d’Euros, n’était, en définitive qu’un « tour de passe » consistant à « déshabiller » la pêche locale, pour « maquiller » le non-paiement effectif des droits réclamés au prorata des captures opérées par les armateurs occidentaux.

De fait, la commission de la pêche européenne justifiait cette nouvelle répartition, par l’augmentation du droit d’accès en fonction des captures opérées, exigée par la partie Mauritanienne et applicable aux armateurs de l’Union Européenne.

Pour résumer, l’Union Européenne n’a pas apprécié le fait que les autorités mauritaniennes continuent de percevoir vingt millions d’Euros au titre de la pêche locale mauritanienne, et dans le même temps, restreignent considérablement la surexploitation des captures qui constituaient la base des profits faramineux des armateurs des Etats Membres de l’Union Européenne. En allant jusqu’à brandir la menace de mise en chômage des marins mauritaniens employés dans les navires européens, l’Union Européenne a apporté la preuve qu’elle n’affecte « ses dotations » qu’en fonction des zones Economiques Exclusives qu’elle exploite sous forme de « chasse-gardée » où, il n’y a rien à redire, rien à voir, et où il vous est simplement demander de « circuler ».

Ce n’est pas nouveau : la violation des accords, des droits acquis, « le développement par embuscades », n’ont jamais cessé d’être, la philosophie européenne du développement de l’Afrique.

Nous nous sommes attardé sur le secteur de la pêche en Mauritanie parce qu’il n’est pas seulement stratégique, mais aussi névralgique. Il met en évidence la capacité qu’ont les Mauritaniens d’apporter des solutions aux questions sensibles, dans l’intérêt des populations de leur pays. Il est tout aussi clair, que leur habileté et leur aptitude à faire entendre leur voix seront mises à l’épreuve dans le secteur de la pêche lors de l’évaluation ex-post du rapport coût-bénéfice, comme sur l’incontournable question des droits de l’Homme en général, et de l’esclavage en particulier.

Or, contrairement aux allégations dépréciatives et réductionnistes que porte l’Occident sur la Mauritanie, le pays dispose de tous les atouts en mesure d’autoriser que soit pansée « la plaie de l’esclavage ».
A la différence de ses voisins subsahariens ayant un géo-système physique et climatique identique, la Mauritanie, bien qu’essentiellement désertique, est dotée à l’Ouest, d’une large façade maritime, et arrosée au Sud, par la rive droite du fleuve Sénégal.

La régularité des pluies d’hivernage et la crue annuelle du fleuve irriguent la région Sud et lui confèrent toute l’année, des terres arables, cultivables, même si ces dernières ne couvrent qu’un pour cent (1%) du territoire, elles occupent 84% de la population active dans le secteur de l’agriculture. Le mil, le maïs, les niébés (haricots), les palmiers dattiers sont les principales cultures.

La région sahélienne au Nord-Est fait figure de zone intermédiaire : ses dunes fixées par des acacias et ses graminées sont des champs de parcours pour les troupeaux de chèvres, de moutons et de zébus dont la population animalière était estimée il y a une quinzaine d’années, à 1 200 000 bovidés (zébus), 5 200 000 ovins, 2 600 000 caprins, 700 000 chameaux. Donc, à côté de la pêche qui produisait dans la même période, 35 000 tonnes de poissons séchés et de l’élevage qui continue de prospérer aux limites du désert, le minerai de fer exploité à l’état brut représentait 45% du PNB mauritanien en 1979.

Les 3700km de voie ferrée reliant les mines de fer à Nouadhibou que protège de la houle, l’avancée du Cap Blanc, dans la Baie du lévrier, demeurent un acquis en mesure d’être capitalisé à d’autres fins économiques.

Par ailleurs, la Mauritanie couvre un territoire de 1 030 700 km² pour un peu plus de 5 millions d’habitants. Il y a donc de la place pour tous les Mauritaniens. Au Nord-Est et au Nord de la Mauritanie, la possibilité de viabiliser sur le long terme des espaces arides, à l’instar d’Israël, des pays arabes et même des pays du Maghreb qui ont su capitaliser « la rente du désert », est envisageable.

Les énergies vertes, éoliennes et photovoltaïques, peuvent tout aussi bien être produites à partir d’infrastructures appropriées.
La découverte récente, dans la partie frontalière avec le Sénégal, d’un gisement gazier d’une teneur (capacité) de près de 450 milliards de mètres cubes de gaz naturel, est un nouveau levier de croissance et une interpellation à l’accélération des mesures propices à la reconfiguration du paysage politique et à la révision des politiques d’apaisement du « climat social ».

La rente gazière devra faire l’objet d’une juste répartition entre le Sénégal et la Mauritanie qui partagent une frontière prometteuse en richesses exploitables pour le plus grand bien des peuples des deux rivages du fleuve Sénégal.

Faut-il le rappeler ? La question foncière dans la vallée du fleuve Sénégal est restée pendante. l’exploitation agricole dans cette région, la plus fertile de la Mauritanie, mérite la plus grande attention afin que les privilèges fonciers immérités accordés aux féodalités de tous bords au détriment des autochtones Négro-Mauritaniens, spoliés de leurs terres ancestrales, cessent ou ne continuent pas de faire des forces vives du secteur agricole, « des marginalisés de la croissance économique en Mauritanie. »

Comme la rente agricole, la rente gazière risque de raviver les convoitises, attiser les divisions, exacerber les ranc urs, si rien n’est entrepris pour fixer dans l’urgence un agenda politique, juridique, économique et civique de réparations permettant de réduire arithmétiquement le fossé des inégalités et des injustices au premier rang desquelles, l’accession à la citoyenneté et la lisibilité de la participation civique des Négro-Mauritaniens, au fort taux de croissance actuel de la Mauritanie.

Ainsi que le confiait à la Mission du CRAN, l’Ambassadeur de France de lors Hervé BESENCENOT :
« Le Président Aziz est né à Dakar (.) sur le plan économique, les relations avec ses voisins africains sont très importantes. La visite de Macky Sall a été un vrai succès. Aziz est perçu comme orienté vers l’Afrique subsaharienne, plutôt que vers le Maghreb. Sur l’esclavage. cela prendra du temps.. les évènements de 1989 sont dans tous les esprits. Depuis, des actions ont été menées. Globalement on a réussi le retour des réfugiés. La loi 1981, la loi 2007. le Président sait ce qu’il doit aux français. AQMI n’est plus dans les rues. Aujourd’hui, la Mauritanie est un maillon fort. Le risque s’est déplacé vers l’Est. Il y a des résultats. Sur le plan macro-économique, un fort taux de croissance, l’inflation baisse. La richesse n’est pas encore également repartie. L’indépendance de la justice est douteuse. Il y a une volonté de juste répartition des richesses et des pouvoirs. Le Président Aziz a une vraie volonté d’ouverture (.) ».

Le tableau panoramique dressé par la représentation diplomatique de France en Mauritanie, illustre à l’envi, les avancées significatives accomplies par la République Islamique de Mauritanie, lesquelles ne pourront perdurer que si la volonté d’ouverture exprimée par le Président Mohamed Ould Abdel Aziz, s’approprie le principe selon lequel : « l’unité est supérieure au conflit ».

Car, « pendant que les uns sont obnubilés uniquement par le profit économique et d’autres ont pour seule obsession la conservation ou l’accroissement de leur pouvoir, ce que nous avons, ce sont des guerres ou bien des accords fallacieux où (.) protéger les plus faibles est ce qui intéresse le moins les deux parties. »

En Mauritanie, le pouvoir économique est entre les mains des Arabo-berbères, le pouvoir politique reparti entre Arabo-Berbères, Haratines et quelques féodaux triés sur le volet, le pouvoir militaire, l’armée, en majorité Négro-Mauritanienne et interdite de se mêler de politique, est dominée, à sa tête par des Arabo-Berbères : les Haratines y font figure de simples exécutants ; les pouvoirs judiciaires et législatifs sont au service de l’exécutif. Il va sans dire que toutes les inégalités et injustices flagrantes peuvent-être perçues par « la grande muette » à savoir « le gros des troupes de l’armée », comme inacceptables, révoltantes, en tout cas, comme l’illustration d’une « absence de bonnes politiques publiques. »

Or, « lorsque la politique est elle-même responsable de son propre discrédit, à cause de la corruption et du manque de bonnes politiques, lorsque l’Etat ne joue pas son rôle dans une région, certains groupes économiques peuvent apparaître comme des bienfaiteurs et s’approprier « le pouvoir réel », se sentant autorisés à ne pas respecter certaines normes, jusqu’à donner lieu à diverses formes de criminalité organisée, de traite de personnes., et de violence très difficiles à éradiquer. »

Nous disions de la Mauritanie, qu’elle dispose de tous les atouts pour panser « la plaie de l’esclavage ». Nous le maintenons en nous appuyant sur deux autres facteurs favorables à la mise en uvre des politiques appropriées au retour de l’harmonie, du développement participatif et inclusif de tous les mauritaniens à l’essor social, économique et au rayonnement de leur pays.

II-4- La nécessité d’un plan d’urgence de lutte contre l’esclavage en vue de son éradication

Contrairement à bon nombre de Républiques-Soeurs de l’Afrique subsaharienne, la Mauritanie dispose de sa monnaie : L’OUGUIYA. Elle peut donc battre monnaie. Cet instrument de souveraineté dans la programmation du développement est un attribut de flexibilité économique, de fierté légitime, et d’indépendance véritable. La représentation diplomatique de la France en Mauritanie, s’emploie activement à encourager la Mauritanie à faire partie de la CEDEAO et « piaffe d’impatience », face au peu d’empressement mis par les autorités gouvernementales mauritaniennes sous l’égide du Président Mohamed Ould Abdel Aziz, pour accéder à cette « invite ». La CEDEAO, c’est la zone franc de l’Afrique de l’Ouest avec les entraves au développement qui durent depuis plus d’un demi-siècle.

La Mauritanie, c’est notre avis, n’a pas le droit de perdre l’avantage de la souveraineté que lui confère sa monnaie : l’OUGUIYA. « l’OUGUIYA » est, de notre point de vue, un impératif acquis de souveraineté non-négociable qui, prospectivement, permettra à la Mauritanie, « contre vents et marées », d’avoir la posture exemplaire de ce que l’image de la résistance et de la fierté peut, à côté de la souveraineté, contribuer à servir d’aiguillons du développement.

Le contexte de l’heure est dominé par la toute-puissance de l’image et la fulgurance de la communication. Le maintien de « l’OUGUIYA » contribuera, dans la construction de l’image de la Mauritanie, à asseoir le socle de la respectabilité et de la crédibilité dont on sait l’importance dans « le jeu » des rapports entre peuples et les enjeux au sein de l’économie globale.

L’autre facteur favorisant est, après l’influence dès le VIème siècle du Mouvement de prédication et de reformation religieuse et morale des Almoravides, l’introduction au XIIIème siècle, par les Arabes Ma’qil de la langue arabe Hassanya, à l’origine de l’essor culturel mauritanien, de la stratification sociale en castes et de l’influence séculaire des marabouts, imams, et autres dignitaires du culte musulman, en Mauritanie.

Bien qu’officiellement francophone, la Mauritanie, arabophone au sein de l’élite, compte dans son paysage linguistique, l’arabe Hassanya comme langue nationale de tous les mauritaniens ; le français, faisant figure de langue officielle.

L’arabe Hassanya est donc un élément fédérateur à travers lequel peut être véhiculée la volonté politique de mise en uvre du PLAN D’URGENCE destiné à éviter à la Mauritanie, les affres du conflit et de la déstabilisation, instrumentalisés par les groupes de pression de la technostructure économique et financière, appuyés en cela par les lobbies et officines ayant « pignon sur rue » au sein des organisations internationales des droits de l’Homme.

Les 29 recommandations contenues dans la feuille de route consensuelle pour la lutte contre les séquelles de l’esclavage initiée par le Ministère de la Justice Mauritanien, avec la participation des Ministères Sectoriels, le CNDH, le CDH, les ONG mauritaniennes de lutte contre les séquelles de l’esclavage et la société civile, avaient, dans le cadre d’une approche de lutte multidimensionnelle, l’ambition de renforcer la démocratie et promouvoir l’Etat de droit en Mauritanie.

Des recommandations défendues par les départements publics concernés et la Société Civile mauritanienne, il ressort qu’elles ont eu l’assentiment des partenaires techniques et financiers de la République islamique de Mauritanie, ainsi que l’aval de la Rapporteuse spéciale des Nations-Unies sur les formes contemporaines de l’esclavage.

Solidarité Africaine de France et le CRAN dont nous assurons respectivement la Présidence et la vice-présidence, suggère trois ans après notre Mission d’observation en Mauritanie, la mise sur pied par le Gouvernement Mauritanien, d’un PLAN D’URGENCE rendant applicables et exécutoires les points importants des recommandations ci-après :

1- L’organisation du maillage des centres ad hoc d’établissement d’actes de naissance, états civils, cartes nationales d’identité aux Mauritaniens n’ayant pas d’affiliation, sur une durée qui couvrirait l’année civile, dans les 13 régions administratives de la Mauritanie, depuis la région du HODH ECH CHARGUI (NEMA), jusqu’au district de Nouakchott, en passant par la région de DAKHLET NOUADHIBOU (NOUADHIBOU).

Outre, le Ministère des Affaires Islamiques et de l’Enseignement originel, le Ministère des Affaires Sociales, de l’enfance et de la famille ; Le Ministère de la Justice, le Ministère de l’intérieur et de la Décentralisation, la commission aux droits de l’Homme, à l’action humanitaire et aux relations avec la Société Civile, les ONG de lutte contre les séquelles de l’esclavage devront être associées, mises à contribution et prises en charge pour mener efficacement le processus. L’Assemblée des Oulémas devra être sensibilisée et informée du caractère impérieux et capital de ce processus qui engage la stabilité présente et future de la Mauritanie.

En effet, à l’heure où « les clignotants se mettent au vert », la Mauritanie ne doit pas servir de champ d’expérimentation d’une nouvelle déstabilisation dont le prétexte serait le non-respect des droits de l’Homme et la véritable raison : « la mainmise sur la pêche – le gaz naturel – le minerai de fer.etc ».

2- Mettre en place un observatoire de lutte contre l’esclavage et les formes contemporaines de l’esclavage.

Différent de l’Agence TADAMOUN, qui lutte contre les séquelles, l’insertion socio-économique des victimes, le développement économique des démunis, les projets de développement en faveur des anciens esclaves (.), L’OBSERVATOIRE de lutte contre l’esclavage et les formes contemporaines de l’esclavage sera une institution directement rattachée à la Présidence de la République islamique de Mauritanie et composée d’Agents publics issus des 13 régions administratives à savoir :

1°) HODH ECH CHARGUI (NEMA) ;
2°) HODH EL GHARBI (AÏOUN-EL-ATROUSS) ;
3°) ASSABA (KIFFA) ;
4°) BRAKNA (ALEG) ;
5°) GORGOL (KAEDI) ;
6°) TRARZA (ROSSO) ;
7°) ADRAR (ATAR) ;
8°) DAKHLET NOUADHIBOU (NOUADHIBOU) ;
9°) TAGANT (TIDJIKJA) ;
10°) GUIDIMAKA (SELLBABY) ;
11°) TIRIS ZEMMOUR (F’DERICK) ;
12°) INCHIRI (AKJOUJT) ;
13°) District de NOUAKCHOTT (NOUAKCHOTT).

Les antennes régionales de l’observatoire, en vertu de l’urgence, pourront être conçues de manière sommaire, sous forme de grandes tentes assez confortables pour accueillir les populations, recueillir les doléances, dénonciations, et autres documentations des enquêteurs du Commissariat aux Droits de l’Homme, à l’action humanitaire, de la Société Civile dûment reconnue impliquée et rémunérée pour la sincérité et l’efficacité de leurs enquêtes et la prise en compte de leurs propositions.

L’examen par le comité interministériel composé outre de la Présidence de la République (représentée) ; du Premier Ministère (représenté) ; du Ministère de la Justice ; du Ministère de la Défense Nationale ; du Ministère des Finances , du Ministère des Affaires Economiques et du Développement ; du Ministère des Affaires Islamiques et de l’Enseignement originel ; du Ministère de la Communication et des Relations avec le Parlement ; du Ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation ; du Ministère de l’Emploi et de la Formation Professionnelle, du Ministère de l’Education Nationale ; du Ministère des Affaires Sociales, de l’enfance et de la famille ; du Commissariat aux droits de l’homme, à l’action humanitaire et aux relations avec la Société civile ; de la Commission Nationale des Droits de l’Homme ; avisera trimestriellement des mesures juridiques, sociales, économiques et formatives (éducatives) à prendre à court, moyen et long terme. Une évaluation ex-post de l’application des mesures prises sera communiquée partout où besoin sera et les dispositions correctives seront prescrites les cas échéants.

L’observatoire de lutte contre l’esclavage et les formes contemporaines de l’esclavage accordera une place de choix aux services des avocats indépendants, aux ONG abolitionnistes qui méritent d’être reconnues à l’intérieur de la Mauritanie, au lieu de ne leur laisser le choix que de porter leur voix dans les tribunes, officines des Nations-Unies, plateaux de télévision étrangers, occidentaux et autres (.) lieux sollicités à l’extérieur ; le même crédit gouvernemental devra être accordé aux ONG des droits de l’homme, dépouillés de « la camisole de force » de la pensée unique, libérés du discours unanimiste et « appauvri » parce qu’inopérant, lorsqu’il se réduit à « la lutte contre les séquelles de l’esclavage ».

Il s’agit donc de renforcer les moyens d’action des ONGs, d’impliquer la Société Civile à toutes les étapes des actions entreprises et des programmes, de vulgariser les textes sur l’esclavage et mener une sensibilisation dans toutes les écoles et établissements de formation, par voie d’affichage, slogans, émissions en arabe Hassanya, débats télévisés et radio etc.

3°- La création d’une commission de suivi de toutes les mesures programmées et activités proposées à vocation d’évaluer et communiquer hebdomadairement ou mensuellement, les actions conduites à mi-parcours, indépendamment de l’Agence TADAMOUN ou de l’Observatoire, est à implémenter pour frapper les esprits et souligner la détermination des Autorités gouvernementales qui communiquent très peu, alors que les lignes bougent, même timidement.

4°- L’instauration d’une journée de lutte contre l’esclavage sous la haute présidence de Son Excellence Mohamed Ould Adel Aziz, avec comme sectoriels-ressources : la Commission Nationale des droits de l’Homme, le Commissariat des droits de l’Homme (.). Les ONG abolitionnistes, les ONG des droits de l’Homme, la Société Civile.

5°- La poursuite et le recadrage des actions conduites par l’Agence TADAMOUN, en vue de l’assistance des victimes de l’esclavage, du déclenchement des procédures jusqu’à l’issue des procès, l’encouragement de l’entreprenariat des victimes de l’esclavage, la pratique à leur endroit de « la discrimination positive » à l’emploi, la mise sur pied et l’exécution des projets de développement en faveur des anciens esclaves, l’exécution des décisions de justice portant dédommagement des victimes.

6°-La prise en compte de la dimension « genre » pour des solutions appropriées aux individus les plus vulnérables, notamment en ce qui concerne la non-discrimination de la femme et de l’enfant. Pour cela, il convient dans l’urgence de revisiter et améliorer le corpus législatif contre l’esclavage par l’adoption des textes connexes et le décret d’application de la loi 2007-048 incriminant l’esclavage.

7°-La création, la mise en uvre et la mise en application des conditions favorables à l’égal accès à la propriété foncière et des mesures réparatrices ou compensatoires destinées aux personnes spoliées de leur terre, expulsées pour cause d’utilité publique, dépossédées pour des raisons diverses, notamment l’exploitation des terres extorquées par quelques féodaux ayant réduit à la servitude, au travail forcé ou même au travail rémunéré, les véritables ayant droit.

8°-La remise des peines ou simplement l’accord de la grâce présidentielle à toutes les personnes inculpées et récluses, pour troubles à l’ordre public, incitation à l’insurrection ou à la révolte populaire lors de leur combat acharné contre la persistance de l’esclavage en Mauritanie.

Cette dernière mesure d’apaisement du climat social en Mauritanie ne peut pas être encouragée par les officines diplomatiques étrangères, soucieuses qu’elles sont d’avoir dans leur manche « la carte » qu’elles brandiraient le moment opportun pour déstabiliser la Mauritanie.

Ces officines disent du « bout des lèvres » ce qu’elles ne souhaitent pas voir s’accomplir, pour conserver l’avantage et dicter le moment venu, la direction à prendre (.).

La libération de BIRAM Dah Ould Abeid ainsi que la révision de la condamnation en appel de Mohamed Cheikh Ould M’khetir, selon notre analyse, seront en Mauritanie, des signaux forts de la reprise en main par le Président Mohamed Ould Abdel Aziz, de la dynamique de réconciliation, du dialogue avec l’opposition, de la reconstitution du « ciment unitaire » qui refuse le principe « machiavélique » : « diviser pour mieux régner », pour lui préférer la noblesse et la grandeur de l’autre principe qui veut que « l’unité est supérieure au conflit ».

Car, « si la politique n’est pas capable de rompre une logique perverse et de plus reste enfermée dans des discours qui ne posent pas les vrais problèmes, nous nous condamnons à ne pas faire face aux grands problèmes de l’humanité ».

L’unité de la Mauritanie est déjà dans sa devise :
« HONNEUR -FRATERNITE – JUSTICE »
L’Unité de la Mauritanie est aussi dans sa monnaie « L’OUGUIYA », instrument de souveraineté, de fierté et de flexibilité en vue de la programmation en interne du développement de tous les Mauritaniens.
L’Unité de la Mauritanie est présente dans le partage de la langue arabe Hassanya véhicule des valeurs culturelles au sein desquelles tous les Mauritaniens se reconnaissent.
L’Unité de la Mauritanie, c’est enfin, le ciment de la stratification sociale en castes ; stratification qui admet, la caste des esclaves, non comme un scandale, une infamie ou une perversité, mais comme une nécessité.

C’est le lieu ici de rappeler qu’anthropologiquement, culturellement, la fraternité entre esclaves et Maîtres que nous avons évoquée, a des racines insoupçonnées : Savez-vous, et cela n’est pas qu’anecdotique, qu’il est courant, en Mauritanie, qu’un descendant d’esclave et un fils ou une fille issu(e) du lignage des Maîtres Arabo-Berbères, soient allaités dans leur prime enfance par la servante et/ou la femme-esclave ? Le descendant d’esclave et le fils du Maître reçoivent alors la désignation de « frères de lait » (.).

Une telle coutume, inouïe ailleurs, est paradoxalement une opportunité, une base de solutionnement de la problématique singulière de l’esclavage en Mauritanie. Sur cette base, il convient simplement de sensibiliser les Arabo-berbères, qu’ils sont en Afrique, non pas « à part », bien que différents par la pigmentation, mais « à part entière » par l’histoire, la culture et les valeurs nobles de l’Islam. Ils sont donc les frères des Négro-Mauritaniens, par conséquent doivent admettre que ceux qui sont séculairement à leur service, méritent d’être leurs égaux en droits et en devoirs.

Qu’il me soit à ce sujet permis de me remémorer, un évènement qui a marqué mon enfance : « le premier Président du Cameroun El Hadj Amadou Ahidjo, de regrettée mémoire, lorsque le poids de la charge et des responsabilités lui laissaient le temps, était très enthousiaste, à l’idée d’aller à la rencontre de son homologue, le Président de la Mauritanie, Son Excellence Moctar Ould Dadah, pour disait-il, prendre le temps de se reposer (.) auprès de son frère ».

C’est cette image de la fraternité entre Arabo-Berbères, Négro-Mauritaniens et Africains de tous les horizons du Continent, que nous appelons de tous nos v ux, afin que le grand dessein qui est celui de la Mauritanie et le rôle éminemment géostratégique que le pays est appelé à jouer à la charnière de l’Afrique Subsaharienne et du Maghreb, contribuent à la réalisation du rêve unitaire et de la concorde entre les peuples du Continent Africain.

Paris, le 3 mai 2016.


Droits réservés)/n

Entre la France et la Chine, de qui l’Afrique doit-elle se méfier?

Par Atangana Thobie

Depuis plus de 300 ans, la France est en Afrique non pas pour aider l’Afrique à se développer certes, mais pour qu’elle (la France) se développe dans tous ses aspects. Au départ comme chacun le sait ,ce continent africain avait été découvert par les Occidentaux pour y trouver gratuitement la main d’ uvre par voie d’esclavage. C’est ainsi que ces Occidentaux y ont arraché des populations jeunes par des moyens non avouables pour leurs besoins de cupidité.

L’esclavage ayant ainsi duré près de 400 ans, avec toutes les conséquences que nous connaissons. Peu après, par leur brutalité et brigandage, ils transformèrent l’esclavage en colonisation. Celle-ci dura plus de 300 ans! En somme, les Occidentaux sont en Afrique depuis près de 700 ans!!!. Et jusqu’aujourd’hui, ils y règnent encore en Maîtres absolus! avec pour conséquences: la confusion; le racisme;le brigandage;les affrontements; le mépris;la soumission; pour couronner le tout: la pauvreté.

Nous ne devons pas oublier que de tous ces actes de barbarie dont l’Afrique est victime depuis l’intrusion des occidentaux dans notre beau et riche continent.

Les Russes; les Asiatiques et notamment les Chinois, ne font pas partie de ces peuples dont leur seul but est de venir nous exterminer sur notre propre terre.

Que curieusement, depuis 20 ans seulement que les Chinois sont en Afrique, ces mêmes Occidentaux crient au [scandale]! Ils ne cessent d’appeler au secours [les pompiers] l’Afrique est en danger, les Chinois vont tout prendre !

Les ONG de la France n’ont jamais remarqué combien les autorités de leurs pays ont pillé l’Afrique!? que les africains travaillent,à travers les mécanismes de colonisation, leurs efforts sont réduits à néant, à partir du FCFA, la France, le pays qui abrite les ONG de grandes cartes de visite et autres organismes comme « Greenpeace » pillent l’Afrique, avec la complicité des pays occidentaux!

Seulement voilà: dès que la Chine gagne les marchés en Afrique, les pays qui leur offrent ces marchés ne respectent pas les droits humains.
Curieux paradoxe tout de même: la même France soustraite les entreprises chinoises en Afrique pour des travaux de même nature!

Pourtant,en matière des droits humains, les Chinois n’avaient jamais pris les peuples noirs en esclaves! encore moins les russes!
Les Chinois fonctionnent en Afrique, non pas en réseaux ou en lobbys, [ (lobbys et réseaux étant des manières obscures pour asphyxier les Etats)] mais en tant que « Entreprises » visant à réaliser des bénéfices et faisant bénéficier aussi les Etats qui leur vendent ou leur offrent des marchés. Où est donc le mal dans cela ?

Contrairement aux entreprises françaises qui fonctionnent en lobbys et réseaux, et qui depuis plus de 60 ans d’« indépendance », n’ont jamais offert au continent africain la moindre perspective d’avenir! se croyant toujours sur un terrain conquis, acquis à leur cause, imposant aux Africains des perspectives de malheur, de misère et de désolation!
De qui faut-il se méfier: de la Chine ou de la France?


(HU QINGMING / IMAGINECHINA))/n

Ouvrir le grand débat sur l’esclavage au Cameroun

Par Prince Kum’a Ndumbe III

L’exposition «Routes de l’esclavage – Résistances et héros africains en Afrique, en Europe et aux Amériques» organisée par l’UNESCO et la Fondation AfricAvenir International à la Galérie d’Arts Contemporain de Yaoundé (Centrale de lecture publique, face Ministère de la fonction Publique) a servi pendant dix jours de lieu d’émerveillement, d’étonnement, de douleur cachée et d’incompréhension avant de fermer ses portes le 15 juin dernier.

1.- Questions des visiteurs
« Pourquoi ne savions-nous pas tout cela ? », « Pourquoi n’avons-nous jamais appris tout ceci à l’école ? » « Pourquoi ne parle-t-on pas de cet esclavage s’il a duré jusqu’à quatre siècles chez nous ? » « Les gens ont-ils été vendus ou pris en captivité ? » « Qui a vendu qui et quand ? » « Quelles sont les guerres qui ont éclaté à cause de cette histoire ? » « Comment nos systèmes de défense militaire se sont-ils écroulés face à l’agression ? » « Où sont partis nos frères et s urs ? » « Qui a dit non au prix de sa vie ? » « Quand nos cinéastes camerounais feront-ils des films sur cette époque ? » « Pourquoi ne pas organiser de concours de jeunes auteurs sur l’esclavage chez nous ? » « Pourquoi ne pas organiser un festival qui irait de région en région avec films, danses, musique, livres, expositions sur l’esclavage chez nous et ses conséquences durables ? »

Tant de questions posées par les visiteurs de l’exposition ces jours-ci à la Galerie d’Arts Contemporain de Yaoundé. Nous ne faisons que les reproduire et les transmettre. Le 27 mars dernier à New York, par le biais de sa ministre des Arts et de la Culture Ama Tutu Muna, le Cameroun exprimait le v u de faire inscrire Bimbia, port d’où sont partis 12 bateaux d’esclaves sur la liste du Patrimoine mondial. Nous connaissions bien Bimbia, mais qui chez nous, avant 2010 faisait un lien entre ce port oublié, entrelacé de lianes de la forêt et la traite négrière transatlantique ? Il a fallu que Ark Jammers emmène pour la deuxième fois une centaine d’Africains Américains avec des Brésiliens au Cameroun fin 2011 et que dans cette délégation le professeur Lisa Aubrey de l’Université d’Arizona insiste sur la visite du port de Bimbia pour que la forêt soit dégagée et que les Camerounais découvrent à la télévision un lieu majeur de départ d’esclaves chez nous. Pourquoi tant d’amnésie et d’inculture sur son propre territoire, sur son propre passé ? Pourquoi nos chercheurs de la mère des universités, l’Université de Yaoundé I, pourquoi les départements d’histoire ou d’économie des universités de Douala ou de Buea, ces hauts lieux d’embarquement des esclaves n’ont-ils pas brillé par leurs publications sur cette période lugubre de notre histoire ?

2.- Bimbia, mémoire ressuscitée ?
Aujourd’hui, tout le monde parle de Bimbia – heureusement et enfin ! – parce que des Africains Américains sont venus indiquer du doigt cette plaie béante que nous avions couverte de forêt tropicale, oubliant nous-mêmes, au fil des siècles, ce qui s’y était passé, y vivant avec une mémoire systématiquement effacée. Moi, Kum’a Ndumbe III, fils de Ndumbe III, lui-même né de Sarah Muni, fille de Mbimbe, fils de Makaka, fils de Bile (King William), fils de Losenge, fille venue en mariage comme 20è épouse chez Lock Priso (Kum’a Mbape) à Hickory Town (Bonabéri) en 1876, oui moi, chercheur, historien et professeur d’université de rang magistral, je ne savais vraiment rien de concret de ce rôle de Bimbia, village de ma grand-mère. Je n’ai rien appris à l’école de tout ceci, je savais seulement que dans le langage de chez nous, on parlait des « bakom », des esclaves, à l’intérieur de nos sociétés duala et sawa et pour parler d’autres peuples de l’intérieur. Mon énergie et mes recherches pour découvrir la vérité et restituer la mémoire de notre peuple se sont toujours orientés ailleurs, pour se concentrer sur les relations plus récentes, coloniales et néo-coloniales de l’Europe avec le continent africain. Si moi, enfant du terroir et chercheur émérite, je suis resté ignorant sur Bimbia comme lieu d’embarquement d’esclaves, question essentielle pour mon pays, comment s’étonner que le citoyen moyen camerounais vive sans le moindre soupçon de la tragédie humaine, économique, politique, militaire, culturelle et spirituelle qui a déstructuré de manière durable nos peuples pendant plus de quatre cents ans ?

Le 3 janvier 2012, lors du rituel célébré par les gardiens de nos traditions, j’ai en ma qualité de Prince Bele Bele et de petit-fils du roi de Bimbia, emmené Lisa Aubrey comme représentante de sa délégation dans les eaux de Bimbia, et les caméras ont pu fixer pour les générations futures le déroulement émouvant du dialogue de pardon et de purification avec nos ancêtres. Ceux qui étaient là ne vont jamais oublier. Le lendemain 4 janvier, toute la délégation avec une centaine de personnes s’est arrêtée à ma résidence à Bonabéri, et j’ai promis que ce débat sur l’esclavage sera ouvert au Cameroun. Les grands ports d’exportation sont toujours à Douala appelée à l’époque Cameroons, avec les ports de Deido, Akwa et Hickory Town (Bonabéri), Victoria (Limbe), Bimbia et les ports d’îles environnantes (Nicol Islands, Kombo’a mukoko, etc.). Après le commerce transatlantique des esclaves, ce fut le commerce avec les produits coloniaux, aujourd’hui, plus de 95% du commerce import-export camerounais et des pays enclavés comme le Tchad ou la Centrafrique se passe toujours au même endroit, c’est-à-dire au port de Douala, connue à l’époque de l’esclavage sous le nom de Cameroons Town, avec le fleuve Wouri appelé alors Cameroons River.

3.- Cameroons Town, Cameroons River : incontournables
Si notre attention a été retenue pour ce qui s’est passé à Bimbia, nous ne devons pas perdre de vue que c’est à Douala et sur le fleuve Wouri que se passait l’essentiel du commerce des esclaves. Où sont les vestiges ? Aussi ensevelies dans le sable, immergés dans les eaux du fleuve ou couverts par la forêt tropicale ? Pourquoi ne révèle-t-on pas au public les forts et bagnes utilisés pendant l’esclavage et la colonisation à l’entrée fluviale du Wouri, vers l’Océan Atlantique ? Nous interpellons ici la marine nationale camerounaise, qui dispose de moyens pour rendre ces lieux visibles et accessibles, pour qu’enfin notre travail de mémoire prenne une dimension scientifique et nationale. A Dakar aussi, vous devez prendre le bateau pour accéder à l’Ile de Gorée. Au Cameroun aussi, il faudra bien prendre le bateau pour découvrir ces hauts lieux de départ des esclaves vers l’Océan Atlantique, restés jusqu’ici cachés. Mais pour que la marine nationale agisse, il faudra bien une décision politique en haut lieu. Elle est nécessaire et devenue urgente. Aller donc au-delà de Bimbia que nos compatriotes Américains ont pointé du doigt, et découvrir l’atrocité des lieux à l’entrée atlantique de Douala pour saisir l’immensité de la tragédie qui a endeuillé nos peuples pendant plus de quatre siècles, avec des conséquences durables dramatiques. Mais aussi et surtout pour répondre à cette interrogation : quelles sont les leçons à tirer pour nous Africains d’aujourd’hui ? Si après la déstructuration et le dépeuplement de nos sociétés par l’esclavage nous n’étions plus que 133 millions d’Africains en 1900, donc 16 ans après le partage de l’Afrique entre Européens, en 2050, nous compterons 2,4 milliards d’âmes vivant sur le continent africain. Que faudra-t-il faire dès aujourd’hui pour que nous ne soyons plus dépossédés de nous-mêmes et de nos biens grâce à l’agression des autres et la complicité de certains des nôtres qui ne perçoivent que leurs petits intérêts immédiats ? Comment faudra-t-il éduquer notre jeunesse et nos populations pour ne plus tomber dans les mêmes pièges qu’il y a cinq cent ans ?

4.- Cameroun : épicentre de l’esclavage ? Les chercheurs américains s’affrontent
Mais un débat vient de naître aux Etats-Unis : le Cameroun, par les tests ADN, semble occuper une place de choix et non pas une place secondaire dans la traite transatlantique. Faux, disent les chercheurs autour de « Slavevoyages » qui par leur site www.slavevoyages.org, ont identifié chaque bateau qui a transporté ces esclaves, donnant le nom du capitaine, du port africain d’embarquement jusqu’au port de débarquement en Amérique, donnant le nombre de personnes embarquées au début, leurs noms et le nombre de ceux débarqués aux ports de destination. Quelle est la réaction des chercheurs camerounais ? Ils doivent se mettre au travail et nous apporter leurs réponses. Le site Slavevoyages.org nous donne des chiffres précis : ont embarqué de Bimbia 2393 esclaves, de Douala 30.286 et du fleuve Wouri 10.244 entre 1514 et 1866. C’est peu, par rapport à plusieurs pays de l’Afrique centrale et de l’ouest. Alors, comment les tests ADN attribuent-ils tant d’Africains – Américains au Cameroun ? De nos chercheurs, nous attendons des réponses urgentes et précises.

Aujourd’hui, nous sommes étonnés ou fiers d’apprendre que des Africains Américains comme Quincy Jones, Ophrah Winfrey, Condoleezza Rice , Chris Tucker, Chris williams, Sheryl Lee Ralph, Monica Kaufmann, Michael Hancock, maire de Denver se réclament ouvertement de leurs origines camerounaises, que des Brésiliens comme la chorégraphe Regina Ribeiro, s’appuient sur des ancêtres Tikar. Que dire de Pouchkine, père de la littérature russe avec son père, le Général Hannibal, originaires du Logone au Nord Cameroun ? Que penser de la mère du Président Barack Obama, Stanley Ann Dunham, que tout le monde tenait pour blanche, mais dont les origines ancestrales de l’arrière-grand-père Bunch viennent d’être établies par les tests ADN en la localisant dans la région du Cameroun ?

5.- Les descendants camerounais réclament le passeport camerounais
Certains de ces citoyens de la diaspora réclament aujourd’hui au gouvernement camerounais la nationalité avec un passeport camerounais. Sommes-nous prêts à répondre à ces sollicitations quand le travail de base de mémoire a à peine été entamé ? Quel est le rôle du gouvernement, des autorités traditionnelles, des populations, mais surtout de la jeunesse camerounaise d’aujourd’hui? Ce n’est que dans une concertation d’ensemble entre la Présidence de la République, les ministères de la Culture, de la Recherche scientifique, de l’Enseignement supérieur, des Relations Extérieures, du Tourisme, de l’Economie, et d’autres structures concernées que le travail de fond pourrait être entrepris avec succès. Les structures traditionnelles, comme un peu amorcé dans le programme de la route des Chefferies avec des cases patrimoniales comme à Bamendjinda devraient se concerter de manière structurée et travailler en étroite collaboration avec les chercheurs et les universités.

La question de l’esclavage ne relève pas seulement du passé. Comme nous le constatons, le mouvement de la reconnexion avec le continent africain ne concerne pas seulement la diaspora qui est déjà représentée auprès de l’Union Africaine, nos jeunes Etats africains sont interpellés dans un contexte international qui ne leur laisse pas beaucoup de temps. Que l’exposition de Yaoundé « Routes de l’esclavage – Résistances et héros africains en Afrique, en Europe et aux Amériques » contribue un peu à nous réveiller pour que le travail de fond commence. Courage et persévérance à tous ceux qui vont s’y atteler !

Prince Kum’a Ndumbe III
Journalducameroun.com)/n

Le port négrier de Bimbia, oublié de l’histoire de l’esclavage

Ce port camerounais, rarement évoqué dans l’histoire, a representé plus de 10% de la traite négrière

Outre-Atlantique, ils seraient plus de 8 000 Afro-Américains à avoir identifié leurs origines camerounaises, dont les ancêtres esclaves seraient vraisemblablement partis du port négrier de Bimbia, au sud-ouest du pays. Parmi eux, le célèbre producteur de musique Quincy Jones ou encore l’ancienne secrétaire d’État Condoleezza Rice. De quoi faire revivre la mémoire de ce port oublié du Cameroun.

Grâce à ces révélations, les vestiges enfouis de Bimbia refont peu à peu surface. Le site a même été classé au patrimoine national de l’État camerounais et des projets d’aménagement commencent à voir le jour, notamment pour accueillir les touristes. Parmi les visiteurs, Je Ngo Nyemb : « Je suis très surprise parce que lors de nos cours d’histoire, on ne parlait jamais de l’esclavage au Cameroun, se rappelle-t-elle. Quand on parlait des sites d’esclavage, c’était toujours Gorée, Ouidah, la Gold Coast. Jamais le Cameroun », regrette-elle.

Si l’histoire de l’esclavage a retenu la célèbre île de Gorée au Sénégal, elle découvre tout juste l’existence du port négrier de Bimbia, au sud-ouest du Cameroun. Pourtant, parmi les centaines de millions d’hommes, de femmes et d’enfants victimes de la traite transatlantique des esclaves, plus de 10 % seraient partis de Bimbia. « La place du Cameroun dans la traite transatlantique n’a pas été bien estimée. Les dernières recherches et découvertes indiquent que plus de 10 % des esclaves seraient partis du Cameroun », souligne le professeur Stephen Fomin, historien, spécialiste de l’esclavage. Il participe aux recherches qui repositionnent le Cameroun dans l’histoire de la traite négrière.

Progressivement, les autorités se mobilisent pour faire revivre les vestiges de Bimbia, premiers témoignages archéologiques de la traite négrière au Cameroun. En mars dernier, l’inscription du site a même été soumise au patrimoine mondial de l’Unesco. En attendant, des projets touristiques voient le jour.

« Notre projet est d’aménager le site afin de le rendre visitable à travers une signalétique, qui indique au touriste où il se trouve, à quoi a servi la structure, explique Anita Kamga Fotso, directrice marketing du programme ‘Route des Chefferies’. C’est de pouvoir [.] dire aux gens partout dans le monde que dans l’histoire de la traite négrière, Bimbia existe, Bimbia a sa part d’histoire à raconter et vous pouvez la visiter ».


France24)/n

Ama Tutu Muna plaide pour l’inscription du Port de Bimbia au patrimoine mondial de l’humanité

La ministre des Arts et de la Culture a défendu ce point à l’ONU lors de la Journée internationale de la commémoration des victimes de l’esclavage

La ministre des Arts et de la Culture du Cameroun, Ama Tutu Muna, a participé le 25 mars 2014, au siège de l’Organisation des Nations Unies (ONU), à la Journée internationale de la commémoration des victimes de l’esclavage. Elle a rappelé le rôle et l’incidence de l’esclavage au Cameroun.

Comme on peut lire le compte rendu de cet événement sur le site de l’ONU, Ama Tutu Muna, a expliqué que le Cameroun a toujours contribué à la commémoration de cette Journée internationale parce qu’il a lui aussi souffert considérablement pendant ce chapitre sombre de l’histoire humaine.

Elle a rappelé un fait historique souvent ignoré: le port de Bimbia sur la côte camerounaise a, comme Mina au Ghana ou Gorée au Sénégal, joué un rôle majeur dans l’histoire et l’industrie du commerce transatlantique des esclaves, et ce, dès 1776. La ministre a déclaré que ce site fait désormais partie du patrimoine culturel du Cameroun qui envisage d’y mener des études scientifiques approfondies afin de le faire inscrire sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité établie par l’Unesco.

Bimbia est un petit village juché sur les hauteurs de Limbé, ville balnéaire dans le Sud-Ouest du Cameroun. Pour le moment, seuls la Réserve de la faune du Dja (régions Sud et Est du Cameroun), et le Trinational de la Sangha (complexe transfrontalier à cheval entre le Cameroun, le Congo et la République centrafricaine) font partie des biens inscrits au patrimoine mondial de l’humanité par l’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture (Unesco). La Réserve du Dja a été inscrit en 1987 tandis que le Trinational de la Sangha l’a été en 2012. Toutefois, d’autres sites sont déjà répertoriés par l’Unesco sur sa liste indicative

Cette Journée internationale a été commémorée pour la première fois le 25 mars 2007, année du bicentenaire de l’abolition de la traite transatlantique, qui a été pour beaucoup dans l’abolition de l’esclavage. Haïti, ancienne patrie d’esclaves, libérée et devenue indépendante en 1804, a été honorée lors de cette édition avec le thème à elle consacrée : « « Victoire sur l’esclavage; Haïti et au-delà »

Vestige: Canon installé à Bimbia
cameroontraveler.com/)/n

Yannick Noah et son épouse accusés d’esclavage

La nounou de leur enfant affirme avoir été sous-payée et licenciée abusivement. Une audience de conciliation a eu lieu ce mardi au tribunal des prud’hommes de Bobigny

Rabra Bendjebbour la nounou du couple Noah, les poursuit pour mauvais traitement. Selon elle, après s’être occupé pendant plusieurs mois de l’enfant d’Isabelle Camus elle a été licencié de manière abusive sans compté quelle ait été sous-payé. La nounou a d’ailleurs affirmé que le couple ne s’occupait pas personnellement de leur enfant. « Elle ne prenait son fils dans ses bras que pour sortir dehors, devant les gens ». « Yannick venait embrasser son fils une seule fois par jour, le soir, avant de le laisser dormir dans ma chambre et de me laisser s’occuper de lui comme si j’étais sa mère ». Cette femme d’une cinquantaine d’années raconte que le couple s’est comporté avec elle comme le pire des patrons voyous. «Je les ai suivis pendant trois mois, en tournée, puis en vacances, et je me suis occupée de Joalukas nuit et jour, du lundi au dimanche, pour 950 euros par mois.»

Tout commence en juin 2004. Rabra Bendjebbour avait l’habitude de faire quelques heures de ménage chez le directeur artistique des Enfoirés, qui souffle son nom au couple Noah-Camus quand celui-ci cherche une nounou. «Je suis arrivée chez eux dès la naissance du bébé, et dès lors je me suis retrouvée prise dans un tourbillon», raconte la nounou. Horaires à rallonge, aucun temps libre, liste de tâches à rallonge, salaire de misère, la nounou dresse un portrait calamiteux des parents du petit Joalukas. Leur collaboration s’achève finalement à l’automne 2004, après une dispute. «J’expliquais juste à Isabelle Camus que je n’étais plus prête à travailler jour et nuit! Elle m’a dit « dans ce cas-là, dégage ».» Pourquoi porter plainte seulement des années plus tard? La nounou affirme avoir traversé une période très difficile après cet épisode et avoir réalisé «combien elle était exploitée» en 2011. «Ma s ur a ouvert un restaurant, et j’en ai parlé à son comptable, qui m’a dit que j’avais été gravement sous-payée.» Joint par Le Figaro, l’avocat d’Isabelle Camus nous a dit que celle-ci ne souhaitait pas s’exprimer. Les deux parties se rencontrent au tribunal des prud’hommes de Bobigny mardi et Rabra Bendjebbour est déterminée à porter l’affaire au pénal pour «esclavage» et «abus de confiance» si elle n’obtient pas satisfaction.

Yannick Noah et son épouse accusés d’esclavage
l’express.fr)/n

Journée internationale pour l’abolition de l’esclavage, un jour ignoré au Cameroun

Et pourtant l’Afrique est en droit de demander des comptes.

Aucune manifestation n’a été prévue par les autorités camerounaises. Plus généralement, peu de camerounais le savaientt parce que personne ne leur en a parlé, mais mercredi 02 décembre dernier s’est célébré la Journée mondiale pour l’abolition de l’esclavage. Cette date commémore le jour de l’adoption par l’Assemblée générale de l’ONU, de la Convention pour la répression et l’abolition de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui qui a eu lieu le 2 décembre 1949. La célébration de cette journée, tout en s’inspirant de l’esprit de l’abolition de la traite des noirs, actualise le combat permanent contre toutes les autres formes d’esclavage moderne qui privent à de très nombreux êtres humains, leurs libertés et leurs droits les plus élémentaires à la dignité, au travail libre, à la vie tout simplement.

Le Cameroun victime de l’esclavage moderne
Alors Secrétaire Général des Nations Unies, Kofi Annam, dans son message du 02 décembre 2001, en rappelant l’abolition de l’esclavage, ajoutait que :  » Bien des gens pensent sans doute que ce traité n’a plus lieu d’être au XXIe siècle. Or il nous faut bien admettre que l’esclavage et la servitude restent encore trop fréquents, cachés sous les noms de travail obligatoire, travail forcé, exploitation de la main d’ uvre enfantine et traite des êtres humains « , marginalisation, exclusion des groupes sociaux. Une réalité que vit le Cameroun comme de nombreux pays, surtout dans le tiers monde. Des formes de traites tels que les abus sexuelles dont sont victimes les enfants, la prostitution des femmes. Le traitement discriminatoire des travailleurs migrants (cireurs de chaussure, gardiens de nuits pour la plupart originaires des pays d’Afrique de l’ouest), les agressions quotidiennes contre les droits de l’homme, la détérioration des termes de l’échange, le poids de la dette inique et injuste sont autant de formes de privation de libertés synonymes d’un esclavage de type moderne que connaissent malheureusement de nombreux camerounais.

Rétablir les responsabilités de l’esclavage
Ces dernières années, des initiatives militantes pour une réparation des torts de l’esclavage ont fait l’objet d’une grosse effervescence auprès de certaines associations et organisations dans la communauté internationale. alors que la nation juive a mis sur pied un cadre de réparation du préjudice subit au cours de l’holocauste, de nombreux observateurs ne comprennent pas que l’Europe se refuse aujourd’hui a payer pour les quatre siècles de souffrances infligées à l’Afrique durant la traite négrière, et plus proche de notre époque, pour l’exploitation gratuite de la main d’ uvre africaine pendant les périodes précoloniales, coloniales et post coloniales. Selon des chiffres reconstitués par des historiens le nombre d’africains morts au cours de la période de l’esclavage dépasse de loin celui des juifs pendant la guerre mondiale. Pourtant ces deux évènements dramatiques du point de vue de l’atteinte aux droits humains font l’objet d’un traitement différent.

Multiplier les initiatives
Les nations unies admettant le caractère profond du préjudice subit durant surtout la traite des noirs, célèbrent deux journées supplémentaires sur l’année, relativement à cette question. Il s’agit de la Journée internationale du souvenir des victimes de l’esclavage et de la traite transatlantique (25 mars) et la Journée internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition (23 août). D’un autre coté, l’UNESCO Dans le cadre du Projet pour combattre la traite des personnes en Afrique, mène des recherches sur les facteurs qui conduisent à cette traite en Afrique et organise des ateliers de formation destinés aux décideurs politiques, aux organisations non-gouvernementales, aux leaders communautaires et aux médias, afin de sensibiliser et d’inspirer des politiques pour combattre cette forme moderne d’esclavage. Autre action toujours à l’initiative de l’UNESCO, Le projet La Route de l’esclave accorde une importance particulière à l’élaboration de matériels pédagogiques permettant de renforcer l’enseignement de la traite négrière et de ses conséquences. Mais ces initiatives restent confinées dans un cadre précis, celui des actions de conservation. A défaut de prononcer des sanctions pénales, de nombreux observateurs admettent que l’Europe devrait au moins reconnaitre sa responsabilité pécuniaire, et à défaut de verser des sommes d’argent, arrêter au moins de percevoir le remboursement d’une dette dont certains pays africains ont déjà payé 4 voir cinq fois les montants initiaux.


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Message du Secrétaire général des nations unies, Ban Ki Moon

A l’occasion de la journée internationale du souvenir des victimes de l’esclavage et de la traite transatlantique des esclaves

La prestation de serment d’un fils de l’Afrique en tant que président des Etats Unis a été, pour beaucoup cette année, une étape importante du voyage épique, entamé il y’a plus de 400 ans. Dans les Amériques comme dans les Caraïbes, les descendants de la plus grande immigration forcée de tous les temps, ont lutté longtemps et durement, et continuent d’ailleurs à le faire. Pour la justice, l’assimilation et le respect.

La journée internationale du souvenir des victimes de l’esclavage et de la traite transatlantique des esclaves est l’occasion de rendre hommage aux millions d’africains qui ont été violemment arrachés à leur terre et réduits en esclavage. Si les estimations varient sur le nombre de millions d’hommes et de femmes qui ont été enlevés, il n’ y a aucun doute sur l’héritage de cette traite abominable. L’Afrique doit encore se remettre des ravages du commerce des esclaves ou de l’ère coloniale qui a suivi. Pas delà l’Atlantique, en Europe et ailleurs, les populations d’origine africaine se battent toujours au quotidien contre des préjugés très ancrés dans les mentalités qui les maintiennent, de manière disproportionnée, dans la pauvreté.
Malgré l’abolition officielle de l’esclavage, le racisme continue de polluer notre monde tout comme les formes contemporaines d’esclavage que sont la servitude, l’exploitation sexuelle, l’utilisation des enfants dans les conflits armés et le trafic des stupéfiants. Il est essentiel que nous nous exprimions avec force et clarté contre de tels abus. La Déclaration universelle des droits de l’homme stipule que Tous les hommes naissent libres et égaux en dignité et en droits. Le non respect de ce principe fondamental conduit directement à l’humanité de l’esclavage et à l’horreur du génocide.

Dénoncer est le thème de la commémoration de cette année. Nous devons briser le silence, tambour battant. Depuis l’aube de l’humanité en Afrique, les tambours ont marqué le rythme de l’histoire et ils continuent à nous aider à célébrer notre humanité commune.

Aujourd’hui je lance un appel à chacun de vous, partout dans le monde, pour que vous battiez les tambours et proclamiez que noirs ou blancs, homme ou femme, nous sommes un seul et même peuple. Quand les musiciens jouent ensemble, ils s’écoutent les uns les autres tout en jouant leur propre partition. Nous devons faire comme eux. Nous n’atteindrons l’harmonie que lorsque nous nous respecterons les uns les autres, que nous nous réjouirons de notre diversité et travaillerons à nos objectifs communs.

Ban Ki Moon, Secrétaire général des nations unies
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