La Camerounaise Djaïli Amadou Amal dans le dernier carré du prix Goncourt 2020

“Les Impatientes” figure parmi les quatre œuvres finalistes du prestigieux prix littéraire français, dans la liste publiée ce 27 octobre. Annonce du lauréat 2020 le 10 novembre

 

Ce mardi 27 octobre, l’académie Goncourt a publié la liste des quatre auteurs finalistes de l’édition 2020 de son prix.

La Camerounaise Djaïli Amadou Amal (Les impatientes, éditions Emmanuelle Colas), retenue dans ce dernier carré d’écrivains, passe ainsi la troisième sélection du Prix, après une première sélection qui avait permis de retenir son oeuvre dans une liste de 15 titres en septembre; et une seconde sélection qui avait réduit la compétition à 08 titres en octobre.

Les impatientes (éditions Emmanuelle Colas, septembre 2020) est la version rééditée en France du livre Munyal, les larmes de la patience. Publiée la première fois en 2017 au Cameroun aux éditions Proximité, le roman a permis à Djaïli Amadou Amal de remporter le Prix Orange du livre en Afrique 2019 et le Prix panafricain de littérature 2019. Le livre dénonce les violences conjugales, physiques et morales liées à la condition de la femme dans le Sahel.

Djaïli Amadou Amal est en course pour le Prix Goncourt 2020 face à d’autres auteurs: Hervé Le Tellier (L’anomalie, Gallimard), Maël Renouard (L’historiographe du royaume, Grasset) et Camille de Toledo (Thésée, sa vie nouvelle, Verdier).

L’annonce du lauréat 2020 est prévue le 10 novembre par l’académie Goncourt.

La mention “Prix Goncourt” permet aux maisons d’édition et écrivains de s’assurer de bons revenus, estimées en moyenne à 400 000 ventes, selon l’académie.

Voyage dans l’univers des femmes avec la Camerounaise Léonora Miano

Dans son roman «Crépuscule du tourment» l’auteure traite de la condition féminine, à travers l’histoire d’un homme qui a été témoin des violence conjugales dont était victime sa maman

Certains parlent pour ne rien dire, Léonora Miano écrit pour dire quelque chose. Faire sens est primordial. À l’instar de ses anciens romans, « Crépuscule du Tourment », son dernier ouvrage, ne fait pas exception. Un portrait de femme qu’elle a mûri pendant plusieurs années.

« Depuis 2008, j’avais en tête cette galerie de portraits. Je savais que je ferai un roman sur des femmes », explique l’auteure franco-camerounaise Léonora Miano. Ce roman succède à « La saison de l’ombre » (prix Femina 2013, aux éditions Grasset), un recueil de témoignages de celles qui ont perdu leur enfant du temps de l’esclavage. Déjà un roman de femmes.

« Crépuscule du Tourment » est un roman féminin plus que féministe car aucune cause particulière n’y est défendue. Ce n’est pas un essai mais une fiction. L’artiste y développe au-delà de l’exercice de style, dans une langue d’orfèvrerie, où aucun mot ne s’égare, chacun gagne sa juste place. Un roman choral féminin mais sur la masculinité. Des histoires qui s’entrelacent dans un récit façonné avec brio. Car si les quatre personnages sont des femmes, il y est question d’hommes. D’un homme. Le portrait d’un homme fragile, fait à l’image d’un tableau d’un impressionniste grâce au concours de quatre femmes. C’est un homme faible, fragile, infantilisé, victime et souffrant de violence qu’a vécue sa mère, incapable d’aimer. La violence de son père envers sa mère a tué toute velléité d’amour en lui.

D’abord il y a la mère, dénommée « Madame », incarnant la mère, la matrone dans toute sa splendeur africaine. La mère, une femme triste, emplie de colère, au c ur sec, une fille de la haute bourgeoisie d’une ville africaine, vivant avec son mari, une vie banale de femme bafouée, et battue, mais qui ne peut s’imaginer quittant ce dernier. La seule chose qui la retient, ce sont ses enfants, qu’elle adore. D’elle se dégage une mélancolie infinie, pour elle, « sous ces latitudes où le ciel n’est ni un abri ni un recours, être une femme, c’est mettre à mort son c ur. Si l’on n’y parvient pas, il faut au moins le museler. Qu’il se taise. Le tenir en laisse. Qu’il ne nous entraîne pas où bon lui semble. Le dresser à n’obéir qu’à la raison ». Un portrait de femme qui résonne sur ce continent mais aussi en écho à travers le monde, tant le propos est universel.

« Être femme, en ces parages, c’est évaluer, sonder, calculer, anticiper décider, agir, assumer », soutient le personnage de Madame.

Puis, vient l’ex-compagne, Amandla. Avec son prénom de guerrière, elle marche dans la vie comme dans un champ de bataille, parée. Son arme est la culture. Puiser dans l’Histoire, l’égyptologie afin de renouer avec ses ancêtres et comprendre l’origine de ses racines, celle qui est une ultra-marine. Le troisième personnage est une africaine de la diaspora, une autre façon d’être une femme africaine. Ixora est une femme que ses fêlures poussent à prendre de mauvaises décisions. C’est ainsi qu’elle devient la nouvelle compagne du personnage masculin. La dernière femme est la s ur de l’homme, Tiki, position supposée plus enviable pourtant, elle ne sait pas quelle position occuper. Voir la souffrance de sa mère a anesthésié son c ur, rendant impossible tout rapport intime apaisée avec les hommes.

Avec ces quatre personnages, Léonora Miano dresse une galerie de personnages qui sont quatre façons d’être femme. Pour elle, il faut se battre contre les stéréotypes dont les femmes sont victimes qui devraient « apparaître comme des fleurs dont rien ne gâte la délicatesse, la légèreté. La plupart découvre la vie à travers une humiliation dont il faut se relever ». Pour Miano, les femmes ne sont vraiment pas des choses fragiles ! Et ce roman entend bien le prouver.

Le rêve américain décrit par l’auteure Imbolo Mbue

Dans son roman «Voici venus les rêveurs» la Camerounaise raconte les heurs et malheurs d’un couple de migrants qui ont quitté leur passé et leur famille dans l’espoir de réaliser le rêve américain

Présentée par son éditeur américain comme la prochaine Naipaul, l’Américaine d’origine camerounaise Imbolo Mbue publie son premier roman, plein de bruits et de fureur. La romancière a puisé dans son expérience d’immigrante de fraîche date aux Etats-Unis pour raconter les heurs et malheurs d’un couple de migrants qui ont quitté leur passé et leur famille dans l’espoir de réaliser le rêve américain. Mais si ce rêve n’était qu’illusion ?

Voici venir les rêveurs, de la Camerounaise anglophone Imbolo Mbue, est sans doute l’un des romans étrangers les plus attendus de cette rentrée littéraire 2016. Le buzz a commencé il y a deux ans lorsqu’à la Foire du livre de Francfort les enchères pour les droits du pré-achat du manuscrit ont atteint la barre d’un million de dollars, du jamais vu pour un premier roman.

L’éditeur américain Random House qui a acheté les droits, fait depuis, une campagne marketing intelligente, livrant au compte-gouttes des informations sur l’auteur et l’ uvre. On a rarement connu un tel suspense pour le premier roman d’une personnalité totalement inconnue au bataillon littéraire. Si le livre qui sort ces jours-ci en librairie n’est pas tout à fait le grand roman du siècle tant vanté par l’éditeur, il n’est pas dénué de qualités littéraires et se lit avec un bonheur certain.
D’une écriture fluide, il raconte l’épopée d’un couple d’immigrants camerounais venus aux Etats-Unis dans l’espoir de faire fortune. Or, le rêve américain n’est pas à la portée de tous, même si le voyage au pays de l’Oncle Sam se révèle être extrêmement instructif pour le couple Jende et Neni, surtout grâce à leur rencontre avec un couple de riches Américains qui deviennent leurs employeurs et dont les vies sont le miroir à travers lequel l’Amérique contemporaine se révèle à eux dans toute sa force et ses fragilités.

Le cadre blanc et le chauffeur noir
«L’idée de ce roman est née un jour de printemps 2011, raconte Imbolo Mbue, lorsque je marchais dans les rues de New York, à la recherche d’un job. Un attroupement d’hommes africains habillés en uniforme de chauffeurs en face de la porte d’entrée d’un immeuble a attiré ma curiosité. Ils bavardaient entre eux en attendant leurs patrons, pour la plupart du temps des cadres blancs tirés à quatre épingles, qui descendaient précipitamment les marches à la sortie de l’immeuble avant de s’engouffrer dans leur berline luxueuse. Le voiturier n’avait pas le temps de fermer la porte que la voiture était repartie. Il m’a semblé qu’il y avait quelque chose à creuser dans la relation entre le cadre blanc et son chauffeur noir.»

Le roman de Mbue s’ouvre sur l’entretien d’embauche de Jende pour un poste de chauffeur personnel, à Manhattan, dans le bureau au vingt-huitième étage de l’un des grands patrons de la banque d’affaires Lehman Brothers. Chaudement recommandé par une connaissance commune, Jende décroche le job et devient le chauffeur de Clark Edwards.

Celui-ci exige de lui fidélité, fiabilité et ponctualité et ne s’attarde pas sur son statut administratif au grand soulagement de l’intéressé. Pour Jende, c’est la fin de trois années de petits boulots et la vie précaire qu’il mène à Harlem avec son épouse Neni et son fils Liomi venus récemment le rejoindre.

Réparti en courts chapitres, le roman progresse en entremêlant étroitement les vies des richissimes Edwards et celles de Jende et de Neni. «Malgré les différences de classe qui séparent les deux familles, explique l’auteur, elles ont beaucoup en commun. Clark et Jende rêvent tous les deux de réussir pour eux-mêmes et pour les générations futures. Quant à leurs épouses, elles s’inquiètent de l’avenir de leurs enfants. Ils partagent aussi cette confiance infinie dans la terre d’opportunités que sont les Etats-Unis pour les riches comme pour les pauvres.»

Au fur et à mesure que l’intrigue va de l’avant, les rê ves et les convictions des uns et des autres sont mis à rude épreuve par les turbulences de la vie. Quelques-unes des plus belles pages du livre sont consacrées à la dérive psychique et émotionnelle de Cindy Edwards qui, dans la solitude de sa maison de campagne, se confie à Neni, convoquant les fantômes de son enfance miséreuse. Elle souffre aussi des infidélités de son mari et des cruautés de la haute société dont elle fait partie, de son goût immodéré pour l’apparat et le clinquant.

Alors que les Edwards plongent dans des tragédies existentielles, les Jonga se voient confrontés à des problèmes administratifs de plus en complexes liés à leur statut d’immigrés clandestins, avec l’épée de Damoclès de l’expulsion vers le Cameroun au-dessus de leur tête, menaçant à tout moment de réduire à néant leur rêve américain.

Le rêve américain
«C’est un rêve auquel je crois encore, mais après vingt ans de vie américaine, j’ai appris à faire la part des choses entre le rêve et les illusions», nuance Imbolo Mbue qui est arrivée aux Etats-Unis en 1998. Diplômée de l’université de Columbia, elle a connu elle aussi son lot de frustrations et de déceptions, surtout lorsqu’elle s’est retrouvée sans travail à cause de la récession qui a frappé le pays au début des années 2000.

L’écriture sera sa porte de salut. Rien de tel pour son protagoniste qui est ballotté par les tourbillons de l’histoire et de la vie. Jende est d’autant plus amer qu’il a surpris des conversations de son patron sur le scandale des subprimes qui va conduire à la faillite de Lehman Brothers, entraînant par ricochet chômage et misère pour les Jonga. Pour le migrant, réduit à son illégalité, l’Amérique n’est plus «le meilleur pays du monde», au contraire, «c’est un pays plein de mensonges et de gens qui aiment entendre des mensonges». Défait professionnellement et sur le plan administratif, Jende ne peut plus rêver d’un avenir américain pour lui-même ni pour les siens.

Pour autant, le roman d’Imbolo Mbue ne se termine pas sur des larmes et le désespoir. La fin originale et surprenante permet à l’auteur de renouer avec le thème de l’exil et de la «migritude» (néologisme combinant migration et négritude) au c ur des questionnements de la diaspora africaine des Etats-Unis, qui a donné sous la plume des Teju Cole, des Dinaw Mengestu et des Chimamanda Adichie, pour ne citer que ceux-là, quelques-uns des plus beaux textes de la littérature américaine de ces dernières années.

C’est peut-être parce que «Voici venir les rêveurs» aborde la question de la migration sous son aspect uniquement social et politique, oubliant le brouillage identitaire et la nostalgie qui sont les lots des migrants, que ses personnages nous paraissent monolithiques malgré leur vitalité. Ils manquent de profondeur et d’intériorité, empêchant les lecteurs d’adhérer pleinement à leurs élans. Dommage.

Imbolo Mbue
Droits réservés)/n

André Ekama: Il a écrit «Etre Noir sous les cieux blancs»

L’écrivain camerounais s’insurge contre la xénophobie et je prône la tolérance, l’acceptation de l’autre…

Pouvez-vous vous présentez à nos lecteurs?
Je suis originaire du Cameroun, du Nkam plus précisément, né en 1968 à Lolodorf au Sud. Mathématicien et économiste, promoteur culturel, président de l’ONG Africa Culture Rhein-Neckar à Mannheim et adepte du dialogue interculturel, deux fois primé meilleur auteur Africain d’Allemagne en 2007/2009 par la Fondation Jeunesse Africaine de Bonn.

Est-ce que votre passage des mathématiques à la littérature a été facile?
J’ai étudié les Mathématiques du secondaire à l’université mais j’ai une passion pour la littérature. C’est un don un peu comme un artiste qui aime jouer à son instrument. Pour moi la littérature s’assimile un peu à cet outil dont je me sers pour exprimer ma pensée et me mettre en communion avec le public, le monde dans son ensemble. Quand j’étais tout jeune, j’aimais lire les encyclopédies de mon père, enseignant. Je les apprenais même par c ur et récitais leur contenu parfois sans comprendre vraiment la signification. Après la classe de 3ème je serais orienté en C et vais donc prendre plus goût des mathématiques. Seulement je vais renouer avec cet amour pour la littérature en l’occurrence d’abord pour la poésie pendant mes heures libres. Chaque fois que j’écrivais des poèmes, je les faisais lire à des amies, lesquelles s’exclamaient que je touchais leur c ur. Dans ma chambre d’étudiant, j’ai toujours rassemblé beaucoup de personnes et tous ont toujours admiré le caractère profond de ma pensée lors des discussions. Nous passions parfois des heures durant à débattre et reprenions sans nous fatiguer. Beaucoup me disent toujours que c’est très intéressant de discuter avec moi. On a comme l’impression de baigner dans un lac où l’on est tenté de vouloir tout donner pour convaincre, de choisir méticuleusement ses mots sans toutefois oublier de les peser et leur donner une priorité. Cette façon de prouver, d’argumenter, je l’ai de part mon raisonnement mathématique et mon esprit analytique. C’est peut-être cela le secret de ma captivité dans cet espace littéraire qui regorge de talentueux.

Comment est-ce que vous arrivez en Allemagne ou plutôt qu’est-ce qui vous a amené en Allemagne?
J’arrive en Allemagne pour des études de Mathématiques supérieures. D’abord en Allemagne de l’Est avant de m’installer à l’Ouest dans le Baden-Württemberg professionnellement.

Et en germanophone avisé, vous choisissez d’écrire en Allemand. Du coup, les francophones, notamment les camerounais se sentent lésés. Est-ce par conviction ou par contrainte que vous le faites?
Si j’ai choisi l’allemand comme langue littéraire, c’est dû au milieu et au contexte donné. Comment puis-je prétendre m’adresser aux allemands en une autre langue ? Comment puis je leur exprimer ce que je vois et comment je perçois la société sans qu’ils me comprennent ? Comment puis-je me faire accepter dans cette nouvelle société si je ne montre pas que je maîtrise leur langue ? Ces questions donc vont peser dans mon esprit. Je devais choisir entre faire une littérature de proximité pour les communautés africaines francophones si je vis en Allemagne ou pour le grand ensemble des lecteurs. Vous savez que l’Allemagne est l’un des pays du livre par excellence, qui chaque année accueille des millions de visiteurs dans les foires du livre de Francfort ou de Leipzig. Donc mon choix fut aussi motivé à ce niveau. Maintenant que j’ai des uvres en allemand, lesquelles sont publiées par des éditeurs allemands, je peux aussi les faire traduire en français pour les francophones. C’est ainsi que mon premier livre «Schwarzer sein im weißen Himmel», 2007 est donc disponible aujourd’hui en français après traduction «Etre Noir sous les cieux blancs». Ensuite viendront d’autres titres:
-Im Spinnennetz der Privilegien, 2007 (Dans le cercle fermé des privilégiés) pas encore traduit
-Der einsame Kandidat, 2008, (Le candidat solitaire), pas encore traduit
-Die Schätze von Obramkuza, 2009, (Les richesses d’Obramkuza), pas encore traduit
-Im Wandel der Blicke, 2009, (Dans la metamorphose des regards), pas encore traduit
-Eine Reise nach Goree,2009, (Un voyage à Gorée), pas encore traduit
-Un Camerounais militant dans sa nouvelle Patrie, 2010, en français chez Harmattan
-Kameruner in Deutschland-Eine lange Geschichte, 2011, en allemand et en francais dans le même livre

Donc je travaille maintenant pour que toutes ces uvres non traduites le soient mais comme je ne peux pas les traduire moi-même de peur de modifier leur contenu, je ne peux que rechercher toutes celles et ceux qui le désirent pour ce travail afin de permettre aux francophones du monde de pouvoir comprendre les richesses qui y sont cachées.

Quels sont les thèmes que vous développez dans vos uvres?
Dans mes uvres, je traite beaucoup des problèmes des migrants, je m’insurge dans mes textes contre la xénophobie et prône la tolérance, l’acceptation de l’autre qui a d’autres caractéristiques de couleur, de croyance, etc.., bref j’exhorte au dialogue et à la rencontre.

«Etre Noir sous les cieux blancs», c’est donc le titre de votre dernier roman traduit de l’allemand au français, qu’est-ce qui se cache derrière ce titre que certains trouvent un peu anachronique?
Il se cache en effet le problème de choc culturel et sociologique quand on débarque en Europe ou quand on y vit, et s’y installe, quand on y fait des enfants, quand on côtoie son environnement au quotidien. On a parfois du mal à se ranger avec tous ses nouveaux défis que l’on rencontre mais qu’on ne connaissait pas dans son pays. Ce challenge donc j’essaie de le peindre dans 10 histoires pour traduire les réalités et donner une âme aux migrants pour ce qu’ils endurent et comment ils s y prennent pour réussir dans leur nouvelle société…

L’auteur et son livre
Journalducameroun.com)/n

Quel est le feed-back que vous avez, est-ce que ce nouveau roman se porte bien sur le marché?
J’écris d’abord pour exprimer quelque chose qui me taraude l’esprit. Les ventes c’est aux éditeurs de faire du marketing. Un écrivain est un penseur. Aux vendeurs la vente ! Aux lecteurs de se rapprocher des uvres car elles traduisent toujours quelque chose de neuf ou permettent de comprendre par l’auteur certains problèmes ou de les éviter également.

André Ekama, dans vos récits, vous vous insurgez contre la xénophobie et l’intolérance. Vous en avez été victime?
J’ai aussi été parfois victime dans les trains en route ou aux portes des discos des injustices des repoussements. Mais je crois que ce qui compte c’est non seulement de savoir surpasser cela mais aussi de faire comprendre sa position à autrui. Une riposte peut aussi être faite de manière intelligente sans violence pour démontrer à ceux qui dénigrent l’homme noir que ce monde en soi est à nous tous. Nous ne sommes pas que des demandeurs mais aussi des êtres qui donnons. D’où vient ce café que l’on consomme à longueur de journée en occident ? N’est ce pas d’Afrique?

Après «Etre Noir sous les cieux blancs», à quoi est-ce que vos lecteurs peuvent s’attendre à court ou à moyen terme?
A court terme je compte me lancer dans le roman. J’ai un projet en ce moment mais je travaille encore dessus donc je ne voudrais pas tout étaler. J’aime bien surprendre quand le produit est là!

Un dernier mot?
Je remercie votre Journal pour son travail. J’aime bien lire les succès stories qui y sont toujours présentés. Mon appel à tous ceux qui sont plongés dans les sciences et se demandent comment un mathématicien peut passer à la littérature: Je dirai si les mathématiques sont la mère des sciences, alors même en littérature nous pouvons nous exprimer. Il faut du courage, de l’abnégation et surtout de l’inspiration si on veut s’y lancer.

Le prof André Ekama
Journalducameroun.com)/n

Note de lecture: «Ville morte» de Baba Aoudou Hervé

Ce livre appel à un examen de conscience collective

Ville morte est un roman de neuf chapitres qui raconte dans un langage simple et rationnel, la douleur d’un homme qui a fait les frais des saccades de ces années de balbutiements de la démocratie au Cameroun. En effet, c’est l’histoire d’une famille qui vit à Bertoua (Est-Cameroun) dont le père et personnage principal s’appelle Samaki. Propriétaire d’une moto (seul source de revenu de la famille de six personnes). Un matin, Esther femme de Samaki s’oppose au fait que son mari aille au travail parce qu’elle a entendu parler des villes mortes. Obstiné, Samaki s’en va puisqu’il a des arriérés de loyer ainsi qu’un fils à nourrir (Roger). Nous sommes au lendemain du multipartisme et des hommes politiques continuent d’être muselés. C’est le cas de Ngari, homme politique de l’opposition. Face à cette situation, certains expriment leur ras-le-bol, d’autres montent des gangs de jeunes en leur promettant de meilleures conditions de vie. On assiste ainsi à des pillages, des vols, des meurtres. Des pneus de motos ou de voitures sont enlevés et alignés pour barrer les routes. Ils sont aussi entassés les uns sur les autres pour brûler des gens vifs, à l’intérieur. Malheur à ceux qui ne respectent pas le mouvement de grève.

La fin ne sera pas agréable, car le personnage (Samaki), embarqué dans un engrenage infernal, finit par perdre non seulement son enfant malade faute d’argent qu’il ne réussira pas à récolter, à cause des actes de violence dans la rue, mais également sa moto, sa seule source de revenu. Cette situation plonge la famille entière dans une grande désolation et les obliges à rentrer au village. Face à ces tristes circonstances, Baba Aoudou Hervé appelle à un examen de conscience collective et invite aussi bien les pouvoirs publics que les populations à faire preuve de maturité et de responsabilité dans la gestion des affaires d’intérêts généraux. Baba Aoudou Hervé vient de Bétaré-Oya, région de l’est du Cameroun. Licencié en philosophie, il est contrôleur des régies financières-trésor, diplômé de l’Ecole Nationale d’Administration et de la Magistrature (ENAM). Il prépare un autre roman sur la thématique controversée de l’exploitation de l’or dans sa région natale.

Extrait:
-Tout ça est trop bête. Finalement, nous autres on ne comprend plus rien à ces histoires. Au début on parlait de démocratie, on nous disait que désormais, on pouvait faire tout ce qu’on veut sans que personne ne nous demande quoi que ce soit. Puis le multipartisme, et chacun pouvait avoir son parti politique. Aujourd’hui, c’est la ville morte qu’on nous donne: n’allez pas au travail, et demain tout ira mieux. Tu crois, toi, à tout ce qu’ils racontent ?
-Je n’en sais rien. Tout ce que je sais, c’est que ce n’est pas en empêchant les gens d’aller au travail qu’on vivra mieux demain.
– Et s’il se trouve que c’est vrai, nous aussi on pourra peut-être travailler un jour. D’ailleurs tout ça est bête. On ne sait pas trop qui a raison et qui a tort

«Ville morte» de Baba Aoudou Hervé
Journalducameroun.com)/n

Cameroun: Le Pr. Laurent-Charles BOYOMO dans «Le chaudron des sorciers qui tiennent le crayon long»

Le livre peint les travers d’une société dans laquelle les citoyens ont écarté la norme et normalisé l’écart

La scène se déroule principalement à Petit-Ville avec son lot de folklore : des hommes politiques éternels, une police tracassière avec de grands soldats fortement basanés aux visages striés de balafres qui rappellent l’ethnie Sara du Nord Cameroun. Devenue bête-noire des habitants de Petit-Ville, cette police cogne sans frein les honnêtes citoyens avant de leur poser la moindre question. Les vieilles factoreries coloniales surprises dans leur délabrement par le tourbillon des indépendances tout comme leurs propriétaires avec des noms pour le moins interpellateurs comme Kléopas, Exploidopoulos, Profitapoulos, Rançonnamidès ou encore Kleptomanias font aussi parti du folklore de Petit-Ville.

Hormis Petit-Ville, les scènes se déroulent aussi dans des endroits dont les noms sont plus proches de la réalité que de la fiction. On a par exemple des noms tels que Bidjoka, Ndibi, Bafou (dont les habitants ne payent jamais leurs impôts) ou encore la Briqueterie et Ongola qui rappellent la capitale politique camerounaise. Une capitale presque coupée de l’inter land du fait de la piètre qualité des voies de communication. A titre d’illustration, un insolite voyageur qui enfourche son vélo à partir de Petit-Ville arrive souvent à Ongola bien avant les cars de transport grotesques dans lesquels « on cale ses fesses contre celles du voisin ». Mais qu’à cela ne tienne, la horde de citadins de Petit-Ville se saigne toujours pour avoir droit à un espace où caser son postérieur ou ses deux pieds dans ces taxi brousse qui ont l’habitude de transporter « des cargaisons de nègres ».

Désormais affranchi par l’indépendance, le petit peuple de Petit-Ville finit par réaliser que les espoirs qu’il avait engraissés s’étaient crevés comme une vessie de chèvre au soleil. Pour ces habitants de Petit-Ville, la vie n’est réduite qu’à une succession de plats de garis salis par la poussière du voisin, le tout arrosé du bon arki de chez nous ou du kpata, l’essentiel étant de savoir toujours débusquer la termitière parmi les tas de caca. Car dit-on souvent, l’homme du pays de nos ancêtres est comme le sisongho : ni l’incendie, ni le soleil ne peut en décliner toute la génération et il y en aura toujours jusqu’à la fin des temps.

Lorsque les bons de caisse ou les virements arrivaient enfin à Petit-Ville surtout aux approches des vingt cinq du mois, on pouvait voir déferler la horde de courtisanes, qui pour percevoir le bon de fesses, qui pour percevoir l’impayé du plat de couscous ou encore le dérisoire cadeau d’anniversaire. C’était aussi là, une manière pour le petit peuple de Petit-Ville de survivre en faisant le tour des services administratifs. Et l’auteur de dire que L’indépendance nous a apporté la colonisation tout comme la colonisation jadis nous apporta l’indépendance. Finalement, notre assemblée est devenue une meute de loups affamés de pouvoir et d’argent, quand ce n’est pas une cohorte de moutons approuvant à l’avance ce que dit l’exécutif.
Heureusement ou malheureusement, les sand sand boys qui sont des jeunes à la recherche de leur pitance se sont érigés en avant-garde dans le combat qui devrait permettre la destruction des privilèges exorbitants que se sont octroyés les administrateurs des indépendances, ces sorciers qui tiennent le crayon long. Face à cette injustice sociale et à toutes ces inégalités, les sand sand boys sont devenus une véritable terreur pour ces nouveaux riches, ces leaders qui n’ont pour seul souci que de virer toujours plus de fonds publics dans leurs comptes secrets en Occident, jusqu’au jour où le Putsch intervient pour mettre un terme à cette situation. C’est le renversement de la situation. Les jeunes deviennent des sortes de professeurs de politique parce qu’ils tiennent eux aussi le crayon long. Ils sont devenus les nouveaux sorciers, ceux qui ont le book dans la tête.

L’ouvrage intitulé Le chaudron des sorciers qui tiennent le crayon long est un roman à caractère satirique de 221 pages paru aux Presses de l’Université Catholique d’Afrique Centrale à Yaoundé en Août 2010. Il compte sept actes que sont Le Putsh, Père inconnu, Sand Sand boys, La disparition, Les tractations, L’assassinat et la visite.


Journalducameroun.com)/n

Biaga Chienku Magnus: « La polygamie a forgé ma personnalité »

Journaliste de formation et auteur d’un premier roman, « wisdom of polygamy », il nous en parle dans un entretien exclusif.

Vous faites, avec ce premier roman, votre entrée dans le cercle des écrivains. Qu’est-ce qui vous à poussé à l’écriture?
Mon enfance a été marquée par un contexte polygame assez particulier. J’ai été très affecté par les conflits d’intérêt au sein de ma famille. J ai écrit ce roman pour partager mon expérience avec d’autres personnes.

Vous avez maintenant 35 ans, pourquoi n’avez-vous pas écrit plus tôt?
C est vrai que j’aurai pu écrire plus tôt, mais je n’avais pas assez de temps et d’inspiration. Le fait d’avoir renoué avec les études (de journalisme après un tour dans le monde des affaires, Ndlr) m’a donné l’opportunité et les conditions pour écrire.

Pourquoi ce titre « wisdom of polygamy »?
J’ai choisi ce titre parce que dans la polygamie tout n’est pas toujours mauvais. C’est vrai qu’il y a des conflits d intérêts, la calomnie, la jalousie, et la haine mais, à quelque chose malheur est bon. La polygamie a forgé ma personnalité. La polygamie m’a donné du courage très tôt dans ma vie. J’ai appris à me prendre en charge et à lutter pour me faire entendre et respecter. Honnêtement, si je n’étais pas d’une famille polygame je ne serai peut-être pas l’Homme que je suis aujourd’hui. Ma vie au quotidien dans un foyer polygame était une école de sagesse (wisdom). C’est ce qui justifie le choix de wisdom of polygamy.

Pouvez-vous nous résumer l’histoire que vous racontez dans ce roman?
C’est l’histoire d’un petit garçon très précoce et parfois mal compris par son entourage. Un enfant né après une longue attente de 5 ans par sa mère au grand plaisir de sa rivale. Je décris l’ambiance qui règne au quotidien dans notre famille. J’insiste sur les intrigues de la calomnie et la jalousie de mes mères. Mon père, faible de caractère, qui essaie tant bien que mal de faire régner de l’ordre, la paix, et l’harmonie dans sa maison. Mon père, intellectuel qu’il était, essaye de donner la meilleure éducation possible à ses enfants. En fait, mon roman est une sorte de photographie des réalités qui prévalent dans les foyers polygame dans nos sociétés.

En général, les premiers romans des écrivains reflètent un peu leurs propres vies. « Wisdom of polygamy » est-il donc strictement votre histoire personnelle?
Oui, c’est une réminiscence de mon enfance, une forme d’autobiographie.

Certains couples polygames s’en sortent très bien. Est-ce que ce n’est pas par égoïsme de certains époux ou épouses que les problèmes se posent dans les foyers polygames?
En effet, dans la polygamie le père est plus considéré comme une vache à lait par ses épouses. Les femmes se préoccupent plus de leurs enfants au détriment du père. Je prends l’exemple de mes mères qui faisaient tout pour tirer le maximum de ressources de mon père pour positionner autant que possible leurs enfants respectifs. Ce n est pas une question d’égoïsme mais, une question de réalisme parce qu’il y a toujours la peur des femmes de voir leur mari prendre une autre épouse. Ce qui diminuera d’avantage les ressources dont elles peuvent bénéficier. Pour être franc c’est « le sauve qui peut ». Elles se focalisent sur leurs enfants sachant que leur bonheur plus tard viendra d’eux.

« Wisdom of polygamy « 
Journalducameroun.com)/n

Vous avez choisi de publier votre roman aux éditions CLE. Qu’est-ce qui justifie ce choix?
J ai choisi CLE premièrement, parce que dans le domaine de l’édition, ils ont fait leurs preuves. C’est la plus ancienne maison sur notre territoire, connue pour son professionnalisme et son sérieux. Deuxièmement, CLE est une maison de DIEU. C’est un centre évangélique et, en tant que enfant de DIEU, je me suis naturellement senti proche de CLE. Notre père nous a inculqué la crainte de DIEU.

La dédicace de votre roman a lieu ce jeudi 12 novembre 2009 à l’hôtel Hilton de Yaoundé. Quelle signification accordez-vous à cette cérémonie?
C’est une cérémonie importante. Vous savez, c’est mon premier livre. C’est l’occasion pour moi de remercier tous ceux qui ont contribué à ce que cette idée prenne forme. C’est aussi l’opportunité de faire connaitre le livre par les médias d’ici et d’ailleurs dans un échange que je veux fraternel.

Votre roman est écrit en anglais. Avez-vous conscience du handicap que cela constitue dans un pays largement francophone comme le Cameroun ? Que comptez-vous faire pour atteindre le lectorat francophone?
Nous sommes conscient de ce fait et l’éditeur a déjà commencé la traduction en langue française. Si tout se passe bien, nous l’aurons avant la fin de l’année.

Où et à quel prix peut-on se procurer votre roman?
Les lecteurs pourront acheter ce livre à la librairie des éditions CLE ou dans d’autres librairies à travers le territoire national. En ce qui concerne le prix, nous avons pris en compte le faible pouvoir d’achat des camerounais. Le livre sera vendu à 2500 Francs CFA.

Biaga Chienku Magnus
Journalducameroun.com)/n

Calixthe Beyala de retour en librairie!

« Le roman de Pauline » est le dernier livre de la romancière camerounaise

Pauline a 14 ans et vit à Pantin entre une mère qui la néglige et un frère délinquant. Sa mère tient un salon de coiffure. Livrée à elle-même, elle se rend au collège quand ça lui chante, plutôt sous la pression de l’assistante sociale. Elle préfère vivre dans la rue et suivre son petit ami et son frère, petits dealers, qu’elle va régulièrement récupérer au commissariat. Elle ne va plus à l’école, passe ses journées dans la rue jusqu’à sa rencontre avec Mathilde, prof de français d’un type spécial qui décide de l’héberger. Et Pauline, fille de banlieue ordinaire, à la fois soumise et révoltée, se met à découvrir un monde autre que la violence: la complexité des sentiments et la difficulté d’aimer. Calixthe Beyala en restitue l’itinéraire, les drames et les attentes avec humour, tendresse et une liberté de ton qui en rend le destin attachant et incomparablement vrai.

Née à Douala en 1961, issue d’une famille des plus modestes, Calixthe Beyala passe son enfance au Cameroun avec ses onze frères et soeurs. Loin de ses parents, c’est sa soeur aînée qui se charge de son éducation. Calixthe se découvre une véritable passion pour les mathématiques. Elève ambitieuse, elle étudie au Cameroun jusqu’à l’âge de 17 ans, avant d’aller à Paris. Elle passe alors son Bac, se marie et se consacre à des études de gestion et de lettres. S’imprégnant de la culture ambiante, Calixthe Beyala se sensibilise également aux civilisations environnantes : l’Europe, l’Afrique… Elle s’installe avec son mari à Malaga puis en Corse. Inspirée, elle s’adonne à l’écriture, entreprise qui se verra récompensée à moult reprises : Grand Prix Littéraire de l’Afrique Noire pour son roman ‘Maman a un amant’, Grand prix du roman de l’Académie Française pour ‘Les Honneurs perdus’, Grand Prix de l’Unicef pour ‘La Petite fille du réverbère’. Calixthe Beyala cumule les titres et non les moindres, elle est consacrée Chevalier des arts et des lettres, consécration ultime. Mais ces gratifications ne tarissent en rien sa volonté première: militer en faveur des femmes, et des droits des Minorités Visibles. Elle est d’ailleurs la porte-parole de l’association le Collectif Egalité.


Journalducameroun.com)/n