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Yvan Wouandji: «Je suis prêt à donner un coup de main au Cécifoot au Cameroun»

Le Franco-camerounais, médaillé d'argent aux Jeux Paralympiques de Londres avec les Bleus, donne quelques clés de son succès Vous êtes…

Le Franco-camerounais, médaillé d’argent aux Jeux Paralympiques de Londres avec les Bleus, donne quelques clés de son succès

Vous êtes peu connu du public camerounais, pouvez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Ivan Wouandji, j’ai 20 ans. Je suis non-voyant depuis l’âge de 10 ans. Je suis allé en France en 2003 pour me faire opérer et ça n’a pas marché. C’est ainsi que j’ai intégré une école pour les non-voyants, l’Institut national des jeunes aveugles à Paris. Là-bas, j’ai appris le braille, à travailler sur l’outil informatique, à me déplacer. J’ai appris tout ce qui était nécessaire pour ma vie quotidienne. J’ai aussi découvert le Cécifoot, le football pour les non-voyants.

Comment êtes vous arrivez en équipe de France ?
Ça fait trois ans que je suis à l’équipe de France avec laquelle j’ai fait plusieurs compétitions. Il faut savoir qu’au Cécifoot, il y a des compétitions tous les ans. L’année dernière il y avait les jeux Paralympiques. On a fini deuxième en perdant en finale contre le Brésil (0-2). Cette année on était au championnat d’Europe où on a perdu contre l’Espagne (0-1) en finale. J’espère qu’on va gagner la Coupe du monde l’année prochaine. Mais on a déjà un titre de champion d’Europe en battant l’Espagne en finale, il y a deux ans, en Turquie. L’année prochaine on a la Coupe du monde à disputer, ainsi que les championnats d’Europe et les qualificatifs pour les jeux de Rio. On s’entraîne toutes les semaines. C’est vraiment très structuré en France. Il y a un championnat d’environ dix équipes. Ce qui nous permet d’avoir les matches presque tous les mois. Ça commence à se professionnaliser ce qui fait qu’à côté on a un travail. On ne peut pas vivre de ce sport. Parfois on perçoit de l’argent, mais ce n’est pas un salaire régulier. C’est pourquoi on est obligé d’avoir un boulot. Je suis étudiant et je passe en classe de terminale série A. J’ai des coéquipiers qui sont informaticiens. Contrairement au football pour valide, il n’y a pas de catégories parce qu’on n’est pas nombreux. Je peux dire qu’on est tous regroupé dans le même panier. Ce qui fait que je joue avec des personnes plus âgées que moi et ça se passent très bien. Le plus âgé à 38 ans et je suis le plus jeune.

Vous avez dit tantôt que vous êtes élève en classe de terminale. Qu’envisagez-vous de faire après l’obtention de votre baccalauréat ?
Après mon baccalauréat j’aimerai bien faire le journalisme. Etre journaliste de sport, rédiger des articles et faire des interviews. J’aimerai aussi parler politique parce que ça m’intéresse. J’aime bien écouter l’actualité. J’aimerai toucher à tout, mais je souhaite commencer par le sport parce que c’est mon domaine de prédilection. J’aime bien ça, je m’y connais un peu et après je pourrais élargir mon champ d’action. Je n’aimerai pas rester spécialement dans le sport parce que j’aimerai bien me frotter à d’autres disciplines. Il y a des gens en France qui me soutiennent et je commence déjà à écrire même si ça ne paraît pas dans les grands quotidiens. Mais bon on dit souvent que petit à petit l’oiseau fait son nid et dans quelques années j’aimerai bien devenir journaliste mais pour ça il faut travailler. Quand on aime on ne compte pas et je suis près à beaucoup pour devenir journaliste.

Une grande partie du public a découvert le cécifoot lors des jeux paralympiques. Qu’est ce qui, selon vous, fait sa spécificité par rapport à son grand frère le football ?
Ce que j’aime particulièrement dans le cécifoot, c’est la capacité des joueurs non-voyants à pratiquer un véritable football. Je suis parfois moi-même stupéfait par ce qu’on arrive à faire. Les déplacements avec ou sans le ballon, les appels, les fausses pistes.Cela ne ressemble pas à un sport adapté à des personnes handicapées.

Parlons un peu de votre cécité. Depuis quand êtes-vous touché par ce handicap ?
Depuis l’âge de 10 ans. Mais les causes de ma cécité sont bien plus anciennes. Je suis né prématurément, au côté de mon frère jumeau Yvon. Nous avons été placés tous les deux en couveuse, mais nos yeux n’ont pas été protégés de la lumière ambiante. Mon frère et moi avons donc été myopes dès la naissance. A 10 ans, ma vision s’est troublée subitement. En moins d’une semaine, j’étais complètement aveugle. Mon frère, lui, avait été moins exposé à la lumière, il y a donc échappé.

Yvan Wouandji: «Je suis prêt à donner un coup de main pour le développement du Cécifoot au Cameroun»

La cécité vous a retiré la vue. Mais vous -a-t-elle apporté quelque chose ?
La cécité m’a permis de me reconstruire, autrement. Ma vie a recommencé à 10 ans. Si quelqu’un venait me proposer de recouvrer la vue, cela ne me ferait ni chaud, ni froid. En neuf ans, je me suis habitué à mon handicap. Il fait désormais partie de moi. Et puis, à choisir, la cécité n’est pas le pire des handicaps. On n’est pas coupé du monde, il y a juste un voile entre lui et nous. Je pense que j’aurais beaucoup plus souffert d’être sourd-muet, par exemple.

Au Cameroun on pratique bien le handisport, mais à un niveau très primaire et les camerounais ont participé aux Jeux Olympiques de Londres où vous y étiez mais il n’y a pas de compétitions comme en France. Selon vous, comment la Fédération camerounaise des sports pour handicapé peut-elle s’organiser pour se rapprocher un peu du niveau de la France où vous vivez.
C’est une très bonne question. Tous les jours je me pose cette question. Comment pourrais-je faire pour que le Cameroun puisse être à notre niveau. Parce que le niveau où on est, on n’est pas comme des non-voyants. On a tous nos droits. Déjà je ne vous cache pas que pour les valides ici au Cameroun, c’est la guerre. J’ai eu la chance de parler un peu avec Patrick Mboma, si ce n’est pas facile pour les valides ça veut dire c’est très dur pour les handicapés. Avant qu’ils pratiquent ce sport, il faudrait déjà la base qui se développe ici, au Cameroun. Il faut déjà qu’ils puissent se déplacer, qu’ils aient un épanouissement personnel. Parce que demain quand ils auront un pied cassé en sortant d’un match de foot il faudrait qu’ils aient une roue de secours. Ce que je veux dire c’est que la base pour l’instant ce n’est pas le handisport. Le handisport ce sera un plus, on le fera après. La base c’est déjà de voir avec les structures. Qu’est ce qui est fait dans les écoles ? Est-ce le braille est bien utilisé ici, est ce qu’ils ont les machines, des outils et autres, est ce que les droits des handicapés sont respectés comme pour tout le monde ? Je pourrais énumérer un milliard de questions. C’est la base aujourd’hui. Qu’est ce qu’un jeune de mon âge peut faire au Cameroun? Qu’est ce qui est proposé pour lui ? Il a quoi comme diplôme ? Il a quoi comme opportunité ? Il faut qu’on n’oublie pas un paramètre. Pour réussir il n’est pas obligé de faire que l’école. Un non voyant, qu’est qu’on lui propose en dehors de l’école ? Est-ce qu’il peut entrer dans une école tout de suite ? Est ce qu’il peut être intégré ? Est-ce qu’il y a des outils ? Il y a toute cette préformation à faire. Après on arrivera sur le stade du sport et je tiens à préciser toute chose c’est qu’il n’y a pas que du Cécifoot, il y a d’autres disciplines. Il y a la natation, l’athlétisme, le judo et autres. J’avais entendu parler qu’il y avait une équipe nationale de Cécifoot qui se mettait en place, mais il y a un problème d’argent, de terrain ce qui fait que les joueurs ne peuvent pas s’entraîner. Moi je suis prêt à leur donner un coup de main. S’il faut que je m’entraîne un peu avec eux il n’y a pas de soucis.

Yvan Wouandji et son frère jumeau

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