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A quoi pourrait-on comparer le forum des vaincus de la dernière présidentielle?

Par Eric Essono Tsimi, écrivain Le forum qui s'est tenu à Bamenda le 24 août dernier, en l'absence de leaders…

Par Eric Essono Tsimi, écrivain

Le forum qui s’est tenu à Bamenda le 24 août dernier, en l’absence de leaders du collectif du G7, Kah Walla, Adamou Ndam Njoya et Bernard Muna, était un forum pour rien. Une foire verbale, un forum pour le plaisir de voir voltiger les mots, dans des salles à moitié vides du Ntarikon Palace. Une réunion pour faire fuser les concepts, et les confier au passage à des rédacteurs monochromes, des experts qu’on croirait tous issus de germains. Le destin de leur code électoral « alternatif » est le placard. Au lieu de propositions qui soient des contestations, les Camerounais attendent des propositions qui seraient de vraies innovations. Il faut, si l’on veut lui arracher le pouvoir, surprendre le RDPC, le prendre de court, et le G7 n’en prend pas le chemin.

Que va-t-elle chercher dans cette galère ?
Kah Walla a-t-elle claqué la porte du SDF pour le réintégrer par la fenêtre du G7 ? Kah Walla a du talent, celui-ci l’a portée à un niveau de popularité respectable. Depuis lors, elle a oublié de se réinventer, elle a sabordé les qualités les plus susceptibles de lui profiter et ne s’est plus mise en tête que de se servir de sa notoriété, allant jusqu’à la brader dans un concubinage inattendu avec des opposants du quatrième âge, garantis d’époque, que les citoyens de 18 ans qu’elle veut avoir comme électeurs ne s’attendent plus à trouver que dans les livres d’histoire. Ben Muna, Fru Ndi, Ndam Njoya, Garga Haman Adji, on dirait le casting d’une croqueuse de dots : qu’a-t-elle besoin de courir leur héritage quand elle a su se constituer un capital à la Dangote ? Son score en trompe-l’ il à la présidentielle l’a fait douter et rejoindre ceux qu’elle croyait au même niveau. C’est « derrière » elle (de préférence à « avec » elle) que cette unité devait se constituer. Une chance qu’elle n’ait pas jugé opportun de se présenter à Bamenda ! En posant ses valises dans le G7, lentement mais surement, surement c’est-a-dire irréversiblement, une femme de haute valeur, Kah Walla, emprunte la pente de son déclin. L’opposition du G7 moins 4 (Momo Jean de Dieu, Kah Walla, Ndam Njoya, Ben Muna, ca fait un peu beaucoup) prend la peine de déguiser sous des prétextes d’intérêt public (préservation de la paix) son ambition pressante du pouvoir. Préserver la paix, n’est-ce pas ce que Paul Biya fait depuis 30 ans avec plus ou mois de succès ?

Il n’y a pas deux Cameroun, celui des opposants et celui des dirigeants, il ne peut y avoir deux codes électoraux, celui de Bamenda et celui de Yaoundé
Le G7 n’a pas une communauté d’idéal pas plus qu’une unité d’âme : on leur a demandé de s’unir, ils ont créé une espèce de bureau des pleurs, est-ce la même chose ? Certes, on voit se libérer une énergie latente, mais vaut mieux pour Kah Walla se poser auprès de l’animateur politique, l’avocat récemment exclu, plutôt que de compter avec un cadre et un point d’appui bâtard que lui offre ce G7 où ils ne sont même plus 7. S’ils ne sont portés par aucun mouvement social, s’ils n’arrivent pas à susciter une vague de sympathie, c’est parce qu’il s’agit d’une union libre. En amour comme en politique, les Camerounais sont vieux jeu, ils veulent des mariages, pas des « viens, on reste ». Pas plutôt arrivées d’ailleurs, les élections feront imploser ces tractations souterraines et ces pactes passés dans le dos des militants. De proche en proche, on convient de la noblesse de leur combat pour leurs idées, mais on n’en saisit toujours pas le sens : voudraient-ils voir Etoudi appliquer leurs plans pour le Cameroun ? Le consensus est-il atteint une fois que le code électoral est rédigé sans le RDPC ni les autres partis de l’opposition ? Leur code électoral n’est donc pas plus consensuel que celui du RDPC. Et puis, le consensus n’est pas l’unanimité. Qu’est ceci dans les sociétés libres ? Il faut se transporter en Corée du Nord pour voir un peuple qui pense à l’identique.

L’opposition camerounaise tarde à se prêter à la loi d’évolution
Ce débat sur notre loi électorale, qui était tardif dès sa discussion au lendemain de la présidentielle est devenu imbécile au lendemain de son adoption par le parlement. À l’heure où tout le monde se plaint du train de vie somptuaire de l’Etat, de sa proverbiale inertie qui paralyse tout espoir, alors que les Camerounais craignent pour leurs conditions de vie qui se dégradent chaque jour davantage, en pleine hausse des prix de l’énergie et des hydrocarbures, que proposent nos valeureux opposants ? Un forum sur le code électoral : très inspiré. Mieux, un forum sur la paix : avec les encouragements du RDPC. René Emmanuel Sadi a dû instruire son corps préfectoral dans la Mezam et le Nord-Ouest de veiller à ce que rien ne vienne troubler une réunion aussi conforme à l’obsession du gouvernement auquel il appartient. L’opposition, dans sa recherche d’idées originales pour occuper l’espace médiatique, doit garder présent à l’esprit que les formules les plus simples sont les plus efficaces, les Camerounais seront surtout frappés par les sujets qui les concernent au premier chef, comme des propositions sur les mécanismes de péréquation des recettes pétrolières, une revalorisation financière de la condition des travailleurs et une vigilance plus accrue vis-à-vis des employeurs qui ne respectent pas notre législation du travail, etc. Le G7 parle-t-il de paix pour dire que la guerre est une option, au cas où leur code électoral à eux ne serait pas adopté ? La dernière chose à faire pour l’opposition c’est d’envisager la guerre, parce que de toute manière le régime d’Etoudi y est préparé et cela consacrerait une succession politique ordonnée. Si néanmoins le G7 est convaincu que des Camerounais les suivraient dans la rue, qu’ils investissent cette rue au lieu de proférer des menaces jamais suivies d’effet, au lieu de prendre à témoin les Camerounais de leur gesticulation.

Le « code électoral alternatif » des laboratoires de Bamenda est sans objet
Il existe une belle et grande démocratie, en Amérique du nord. Dans cette démocratie, qui plus est parlementaire, tous les sénateurs sont nommés par le gouverneur général qui n’est rien mois qu’un monarque délégué, nommé lui-même par la reine d’Angleterre. Dans cette démocratie qui fonctionne, le scrutin se passe sur le mode uninominal à un tour. Et à certains endroits, les territoires du Nunavut, les partis politiques ont été dissous depuis plus d’un siècle. Dans cette démocratie, les scrutateurs ne sont pas désignés par les partis politiques. Et le chef du gouvernement y est désigné par les appareils. Elections Cameroon se serait directement inspiré de cette démocratie, inventrice d’Elections Canada. Le problème n’est pas les lois, mais ceux qui seront chargés du contrôle et de l’application de ces lois, les Camerounais eux-mêmes. L’opposition du G7-4 entend des voix qui lui disent qu’elle a été choisie depuis le ventre sa mère, pour diriger le Cameroun. Et vu qu’elle croit, comme les « trois jouvenceaux » de la fable de La Fontaine, qui se moquaient d’un octogénaire, vu qu’elle croit que l’avenir est échu parce que Paul Biya va péniblement sur ses 80 ans, elle décrète et légifère. Cette opposition-là pratique dès à présent le sectarisme et la sorcellerie. Après les shadow cabinets, on a droit aux shadow pacts, et aux shadow projects. Si l’opposition, de manière générale, indispose les Camerounais, c’est parce qu’elle est brouillonne et, à force, pose ceux-ci en situation de défenseurs du régime. Le G7 est trop facilement attaquable dans ses démarches. La stratégie de la grogne n’est pas la plus performante, la revendication des droits ne les montre pas suffisamment conquérants. Que Kah walla fasse donc de la politique et dise merde au G7, en emmenant au besoin Alice Sadio de l’AFP, qui n’est pas mal non plus.

Rencontre du G7 à Bamenda le 24 août 2012
Camer.be)/n

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