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Affaire Dieudonné: Le CRESPOL contre la démission de la pensée critique

Par Thierry Amougou, Fondateur et animateur du CRESPOL, Cercle de Réflexions Economiques, Sociales et Politiques Alors que nous étions habitués…

Par Thierry Amougou, Fondateur et animateur du CRESPOL, Cercle de Réflexions Economiques, Sociales et Politiques

Alors que nous étions habitués au seul prénom Dieudonné dans les médias français depuis des années, grande a été notre surprise de remarquer le matraquage du nom d’origine camerounaise Mbala Mbala dans cette affaire comme si la France voulait renvoyer son citoyen à ses références camerounaises, mieux africaines. Et pourtant, les médias français ont beau claironner Mbala Mbala au point de rappeler l’écho ancestral du rythme saccadé d’un tam-tam africain, l’affaire Dieudonné n’est pas la peur d’un mal d’origine africaine qui frapperait la France malgré elle, mais bien la peur que la France à d’elle-même, de son double dont Dieudonné est le produit et la caisse de résonance. Le Cercle de Réflexions Economiques, Sociales et Politiques (CRESPOL) fait ici une réflexion contre la démission de la pensée critique.

Pour l’Africain moderne et souffrant par atavisme du sort que l’impérialisme occidental infligeât à la race noire via le commerce triangulaire et la colonisation du XVème au XXème siècle, l’antisémitisme et les crimes contre l’humanité subséquents ne sont pas difficiles à comprendre. La responsabilité altruiste, une des grandes caractéristiques de la culture africaine profonde, permet aux ressortissants de ce continent, contrairement à la responsabilité individualiste des Occidentaux, d’avoir une grande capacité d’empathie. Celle-ci est à la fois culturellement et historiquement fondée par la souffrance ineffable des nègres au contact des théories spirituelles et raciales fondant la matérialisation de « la mission civilisatrice » en Afrique.

L’Africain a en effet une longue mémoire du sort peu enviable que l’impérialisme réservât à près de 40.000.000 de ses ancêtres déportés via la traite négrière. Il mesure bien, parce que sa race a vécu un drame historique de même nature que la Shoa, ce que peut représenter l’antisémitisme et/ou le négationnisme sur le plan de la mémoire d’un peuple. De même, cet Africain mesure aussi le caractère insultant à l’égard de sa mémoire des tentatives récentes de faire passer à l’Assemblée Nationale française une loi exaltant les bienfaits de la colonisation française en Afrique, malgré l’existence de la loi Taubira faisant de l’esclavage un crime contre l’humanité. Comme quoi, en mettant sur la balance de la justice historique, d’un côté une école construite par la France dans une colonie africaine et, de l’autre, 200 têtes d’indigènes coupées dans la même colonie, plusieurs députés français pensèrent, sous Sarkozy, que la balance penchait positivement du côté de l’école construite pour civiliser les nègres. Et pourtant, pays des Droits de l’Homme, la France devrait être encline à penser qu’une seule tête coupée en Afrique pendant la colonisation pèse négativement plus que toutes les écoles qui y ont été construites. C’est le monde intellectuel qui contesta farouchement cette proposition de loi révisionniste. Les historiens français ont en effet fait valoir le fait scientifique suivant lequel ce n’est pas le politicien qui fait l’histoire mais bien l’historien. La mémoire douloureuse de l’Afrique échappa ainsi au viol grâce à la pensée scientifique.

Cela étant, si des propos dits antisémites existent dans le spectacle de Dieudonné, le passé douloureux de l’Afrique et des Africains ne peut les cautionner. Il appartient à la loi française de faire son travail en s’appuyant sur son arsenal répressif contre de tels propos. Cela est manifestement le cas car Dieudonné a déjà été jugé, acquitté plusieurs fois, mais aussi condamné à plusieurs reprises par ladite loi française. Ce que la conscience nègre peut regretter est le deux poids deux mesures qui règne en maître dans ce que la circulaire du ministre français de l’intérieur appelle l’atteinte à la dignité humaine. Démontrons-le par quelques exemples contemporains :

Un autre humoriste français et de race blanche du nom de Michel Leeb passe le plus clair de son temps depuis quelques années à se moquer tant des Noirs dont il compare le nez à des lunettes, la démarche à celle d’un singe que des Chinois dont les yeux, selon lui, auraient été l’objet d’un lifting. Une militante du Front National a traité Taubira de sauvage et de singe il y a quelques mois alors qu’elle est un ministre de la République. Et un élu UMP a récemment regretté le fait qu’Hitler n’eût pas tué assez de Roms. L’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo a dessiné, il y a quelques temps, le prophète Mahomet avec une bombe sur la tête sans que le courroux des musulmans de France n’empêche l’Etat français de défendre becs et ongles la liberté d’expression.

Ces atteintes à la dignité humaine ne sont pas devenues des affaires d’Etat comme l’affaire Dieudonné. Michel Leeb n’a jamais été inquiété une seule fois ni remis à l’ordre. Manuel Valls n’a pas saisi le conseil d’Etat contre le Front National et encore moins contre le député UMP toujours à son poste. Ce sont des exemples qui montrent que les Français noirs et d’autres communautés n’ont pas réussi à faire de leur mémoire un instrument de combat politique parce que non organisés en lobbies puissants pour cette cause comme. Cela doit être signalé même si ce n’est l’objet principal de notre analyse.

Ce dont nous voulons vous entretenir ici est relatif à des questions que l’intellectuel africain que nous sommes se pose avec pour objectif de ne pas cautionner la démission de la pensée critique dans des affaires qui nous concernent en tant que citoyen du monde : la circulaire du ministre français de l’intérieur et la décision du Conseil d’Etat ne sont-elles pas des marqueurs d’une France qui devient un petit pays via son retour à l’ordre de l’Ancien Régime ? La chasse à Dieudonné et à son spectacle le Mur n’est-elle pas la peur que la France à d’elle-même, c’est-à-dire de son double ? Qu’est-ce qui donne à un geste, la quenelle en l’occurrence, une signification et/ou un fondement antisémite ? L’antisystémisme et l’antisémitisme se rencontrent-ils automatiquement ?

Le retour de la France à l’ordre politique de l’Ancien Régime

Avant l’avènement de la République et de la démocratie comme modes de sanction des conflits politiques et de gouvernance de l’espace public, c’est l’arbitraire du plus fort qui régna en France lors de l’Ancien Régime. Les Français n’étaient pas maîtres de leurs destins, ils ne faisaient pas leur histoire. Celle-ci était faite par les désidératas et les satisfécits des rois et de leur cours. La curialisation des rapports sociaux, économiques et politiques qui prévalait à cette époque faisait que la parole du roi était l’incarnation de la loi et même du droit. C’est le roi qui commandait aux intellectuels et penseurs ce qu’il fallait écrire, comment l’écrire et à la gloire de qui le faire.

En dehors de quelques esprits rebelles très tôt exilés, jetés au cahot ou éliminés, l’ordre de l’Ancien Régime se caractérisa aussi par la mainmise du roi sur la culture et la création artistique. L’humour et le théâtre eurent principalement pour fonction d’égayer le roi et d’amuser la cour. Le peuple français a combattu cet Ancien Régime via une révolution dont la fonction, malgré ses dérives comme dans toute révolution, était de conquérir sa liberté. Ce peuple y tenait tellement qu’il mit fin à la royauté en France. Il y cru tellement qu’il coupa la tête à son roi pour signaler la fin des privilèges et des abus de pouvoir. La France se présente aujourd’hui comme le pays des Droits de l’Homme à travers le monde grâce à cette histoire où son peuple a manifesté par des actes parfois très violents son ardent désir de liberté.

Aujourd’hui, la circulaire de Manuel Valls et la décision du Conseil d’Etat de suspendre le spectacle de Dieudonné font de la France un grand pays redevenu un petit pays. En effet, non seulement le pays des Droits de l’Homme a peur d’un humoriste et de la liberté d’expression, un de ces Droits de l’Homme fondamentaux, mais aussi, l’interdiction du spectacle d’un humoriste au motif que celui-ci entraînerait des troubles à l’ordre public alors que le spectacle a déjà été joué à Paris plusieurs fois sans aucuns troubles, marque le retour de la France à l’ordre politique et arbitraire de l’Ancien Régime. C’est la police des corps, du langage et des esprits qui réapparaissent comme à la triste époque de « la Sainte Inquisition ». Autrement dit, comme les rois d’antan, c’est le roi actuel, ministre de l’intérieur, qui doit dicter ce que doit jouer un humoriste, ce qu’il doit écrire et ce qu’il doit penser. Ce ne sont plus des faits concrets de trouble à l’ordre public qui entraînent l’interdiction d’un spectacle mais la possibilité ou la probabilité qu’il puisse troubler l’ordre public suivant le jugement d’un ministre.

Par conséquent, la liberté individuelle qui a vu la tête du roi tomber sous la guillotine sous le regard décidé des sans culottes se voit à son tour guillotinée par des calculs politiciens de ceux qui visent à devenir les nouveaux rois de France en intégrant l’Elysée. C’est une honte universelle car la France régresse ainsi dans ce qu’elle représente aux yeux du monde et des hommes avides de liberté au sens positif et non exclusivement négatif de ce terme. Le Ministre français de l’intérieur ne voit que la liberté négative alors que c’est la liberté positive la plus importante dans la liberté d’expression car c’est elle qui fonde la responsabilité individuelle via ce que le philosophe Emmanuel Kant appelle « l’autocontrainte », c’est-à-dire la capacité de se donner des ordres à soi-même. C’est ce que vient par ailleurs de faire Dieudonné en changeant son spectacle via un retour aux sources d’une culture africaine plus altruiste qu’antisémite. Néanmoins son bras de fer avec le ministre français de l’intérieur met en évidence d’autres leçons.

C’est le cas du délicat équilibre que toute démocratie doit trouver entre la liberté négative et la liberté positive car lorsque le troisième Reich, dans un autodafé public, brûlât par tonnes les livres scientifiques, les tableaux de grands maîtres et les romans, c’est la liberté négative définie par ce régime immonde qui bouffa sa dimension positive. Cela donne raison au philosophe John Locke qui disait qu’il fallait se rebeller contre l’Etat dès qu’il embrigadait les hommes malgré le fait qu’il soit au départ le Léviathan (Thomas Hobbes) grâce auquel les hommes sortent de la jungle de l’Etat de nature pour être libres en respectant leurs propres lois.

L’autre leçon est l’instrumentalisation que l’entrepreneur politique moderne peut faire de la mémoire dans le but de récolter des dividendes politiques de la part des communautés qui la défendent. Il en résulte que l’opportunisme politique fait autant de mal à la mémoire que des propos révisionnistes car il ne la respecte pas non plus en la transformant en un instrument de conquête de pouvoir. L’entrepreneur politique fait ici deux pierres trois coups car il lutte officiellement contre l’antisémitisme mais utilise à la fois l’antisémitisme et ceux qui en souffrent comme escabeaux pour son ascension politique.

Il en résulte l’enseignement suivant lequel la démocratie est très fragile comme système politique car si Hitler arriva au pouvoir via elle pour ensuite l’annuler par des mesures d’exception, la circulaire de Manuel Vals et la décision du Conseil d’Etat sont aussi des mesures d’exception qui concourent à l’autocensure de la pensée et de la créativité qu’elles soient de mauvais goût ou non. Avec de tels dispositifs répressifs, c’est l’ordre de l’Ancien Régime qui pointe à nouveau le bout de son nez en France au lieu de faire confiance au droit qui fonde la démocratie. La démocratie française serait-elle si fragile ? Cette question est cruciale car ce qui fonde l’Etat de droit démocratique dans l’histoire française, voir occidentale, est aussi le moment où les juges ont acquis une réelle indépendance face à l’arbitraire royale et ont fait du droit et non des circulaires ministérielles le fondement de la démocratie et de l’Etat.

L’Etat Français et la peur de son double

Alors que nous étions habitués au seul prénom Dieudonné dans les médias français depuis des années, grande a été notre surprise de remarquer le matraquage du nom d’origine camerounaise Mbala Mbala dans cette affaire comme si la France voulait renvoyer son citoyen à ses références camerounaises, mieux africaines. Il est cependant évident que le succès qu’il rencontre, en dehors de la publicité que lui a faite le ministre français de l’intérieur, montre l’autre côté de la France, sa face obscur. La France n’a-t-elle pas finalement peur de son double ? Qu’est ce double ?

Mettre en évidence ce double nous mène à la seconde guerre mondiale où le gouvernement de Vichy collabora avec le troisième Reich et participa à la déportation d’hommes, de femmes et d’enfants juifs dont plusieurs morts dans les camps de concentration nazis. l’événement historique le plus lugubre de cette dérive antisémite de l’Etat français est la tristement célèbre rafle du vélodrome d’hiver. Si François Mitterrand a toujours refusé de reconnaître ce sombre épisode de l’Etat français, Jaques Chirac après lui puis François Hollande récemment l’ont fait à haute et intelligible voix. François Mitterrand, autre président socialiste, fut bien sûr résistant mais il eut aussi des rapports étroits avec René Bousquet, exécuteur des basses uvres de Vichy à l’encontre des populations juives. L’Etat français – et non la France et encore moins les Français- a donc déjà été antisémite dans son passé. Il a déjà entraîné dans la folie haineuse une grande partie du peuple français. C’est le premier aspect du double de la France qui fait peur à l’Etat français. Dieudonné et son spectacle le Mur représentent ainsi la peur de ce retour possible du refoulé.

L’autre aspect du double de l’Etat français est la faillite de l’intégration des français issus de l’immigration africaine. Le succès de Dieudonné est moins la preuve du caractère antisémite de ses milliers de fans blancs-blacks-beurs, que le besoin qu’ont plusieurs français laissés-pour-compte d’un exutoire pour leur ras le bol du déclassement social qu’ils subissent. Avoir peur de cette emprise qu’a Dieudonné sur ce public-là est la reconnaissance par la France que cette colère contre l’Etat et ses autorités existe réellement et peut devenir un danger national : c’est le deuxième double de la France dont l’Etat français a peur.

En conséquence, Dieudonné, son spectacle et son interdiction sont les révélateurs d’un pays qui a peur de son ombre, un Etat qui a peur du reflet sur le miroir de son image passée par rapport à la question juive, et présente par rapport à la fracture sociale. Le philosophe Alain Finkielkraut parlerait d’un pays à « l’identité malheureuse ». Les médias français ont donc beau claironner Mbala Mbala au point de rappeler le rythme saccadé d’un tam-tam africain, l’affaire Dieudonné n’est pas la peur d’un mal d’origine africaine qui frapperait la France malgré elle, mais bien la peur que la France à d’elle-même, de son double dont Dieudonné est le produit et la caisse de résonance.

Qu’est-ce qui fonde le caractère antisémite d’un geste?

La quenelle, le mot et le geste ont fait le tour du monde. Une question que nous nous posons par rapport à cette quenelle désormais classée geste antisémite par certains est celle de savoir ce qui fonde le caractère antisémite d’un geste. Est-ce le ministre de l’intérieur d’un pays ? Est-ce la communauté qui défend sa mémoire et se sent viser par les spectacles de l’humoriste ? Est-ce l’Etat français ? Sont-ce les journalistes ou des actes et des discours de ceux qui conçoivent un geste de ralliement ?

Ces différentes questions doivent être posées car ne pas les traiter de façon approfondie peut ouvrir la boîte de pandore à la chasse aux sorcières du moyen âge où il suffisait qu’on vous désigne sorcier pour être livré à la vindicte populaire.

Ce qu’il faut noter comme point de départ à notre raisonnement est que sachant clairement la funeste histoire de l’antisémitisme, un geste contemporain ne semble pouvoir être taxé et classé d’antisémite que si les éléments qui permettent de fonder son caractère antisémite sont crédibles, concordants, sans ambigüité et considérés comme tels à l’unanimité dans l’histoire à la fois longue et/ou immédiate. Tel n’est pas le cas de la quenelle. Il existe manifestement ici deux types d’entendements. D’un côté, tous les fans de Dieudonné, y compris les stars internationales du ballon rond, du basket et de la musique, disent que la quenelle est un geste antisystème.

De l’autre côté, le ministre français de l’intérieur et certains français d’ascendance juive disent que c’est un geste antisémite. Ce double discours suivant le positionnement montre que l’unanimité par rapport au caractère antisémite de la quenelle n’est pas faite même dans l’histoire immédiate de l’affaire Dieudonné. Dans le cas d’espèce, c’est la parole de Dieudonné et de ses fans contre la parole du ministre français de l’intérieur et de la communauté juive. Il en résulte une divergence de regards entre deux victimes : les uns victimes de la l’antisémitisme et les autres victimes du système élitiste français qu’ils dénoncent en soutenant Dieudonné. Le doute raisonnable qui en résulte montre que le fondement de la quenelle comme geste antisémite à partir de la parole de certains acteurs d’une même société où d’autres y voit un geste antisystème n’est pas totalement crédible.

Une autre façon de chercher ce qui fonde le caractère antisémite d’un geste peut revenir à dire que ce sont des actes posés par un antisémite qui polluent directement son geste de ralliement. Dans ce cas, le salut nazi est automatiquement antisémite car le Reich et Hitler étaient fondamentalement antisémites. La quenelle serait ainsi antisémite parce que, d’après le ministre français de l’intérieur, Dieudonné se moque des juifs et attisent la haine contre leur communauté. Là encore le débat n’est pas clos car Dieudonné est un humoriste et ce statut en fait un citoyen dont le discours n’est pas à mettre au même rang que ceux d’un homme politique à la Jean-Marie Le Pen ou d’un maire UMP du Var qui dérape sur les Roms. Coluche humoriste français qui fut par ailleurs candidat à une élection présidentielle en France disait bien que les Portugais venaient en France disputer le pain des Arabes sans que les uns et les autres crient à l’atteinte à la dignité humaine.

Le lexique utilisé par la presse française sur cette affaire ne facilite pas les choses car les journalistes et autres commentateurs ont parlé de la quenelle et du spectacle le Mur via une aporie langagière qui ne brille ni par son unité signifiante, par son entendement univoque: « dérapage humoristique », « dérapage raciste », « dérapage antisémite », « geste semi nazi », « geste antisystème », « dérapages verbaux » sont quelques-uns des vocables utilisés alors qu’ils veulent pas dire la même chose et ne peuvent servir de critères pour fonder de façon indiscutable le caractère antisémite de la quenelle et de ses auteurs. Qui plus est, une des choses qui fonderaient le caractère antisémite du spectacle le Mur est que Dieudonné y dit considérer le Général Pétain comme son président français préféré. Encore une fois le caractère antisémite semble être abusif et dévalué par rapport à ce qu’il revêt historiquement comme drame. En fait, si Vichy et Pétain furent incontestablement antisémites, il ne faut tout de même pas aller très vite en besogne car Pétain est aussi le Héros de Verdun dans la guerre 14-18.

En conséquence lorsqu’un Français, et ils en existent encore beaucoup aujourd’hui, avoue un culte à Pétain, c’est très souvent par rapport à ses exploits à Verdun que par rapport à son rôle à Vichy. Le Général Pétain, dans l’histoire de la France n’évoque pas que de l’antisémitisme. Il évoque aussi le Lion de Verdun, la victoire et, pour certains irréductibles pétainistes, il évoque aussi celui qui servit de bouclier pour que De Gaulle puisse brandir l’épée contre l’Allemagne nazie.

Le dernier angle d’attaque que nous examinons est celui qui revient à dire que l’antisystémisme correspond à l’antisémitisme.

Par rapport au caractère antisystème de la quenelle, il est à mettre en évidence le fait que le procédé de combattre Dieudonné par le ministre français de l’intérieur peut confirmer son caractère anti systémique auprès des fans de l’humoriste car c’est bel et bien un système qui s’est ligué contre lui. Mais qu’est-ce qu’un système si ce n’est, pour faire simple, une organisation avec des instruments, des croyances et des pratiques y afférentes. Cela fait de Dieudonné lui-même, de ses fans et de ses spectacles un autre système qui s’oppose au système étatique. Or le système étatique n’est rien d’autre qu’une organisation politique édifiée dans l’histoire longue et toujours en construction dans l’histoire immédiate. Or ce qu’est l’histoire pour les Français héritiers des Lumières si ce n’est un laboratoire dans lequel le présent doit s’inspirer pour organiser la cité.

Dans cette optique, le caractère historique des lois françaises contre toutes formes de racisme dont l’antisémitisme peut parfois faire coïncider antisystémisme et antisémitisme car l’histoire fait obligatoirement de l’antisémitisme une partie intégrante du système étatique en termes de droits qui fondent la liberté et des lois qui régulent la société. Nous disons bien parfois mais pas toujours car l’antisystémisme a plusieurs formes et seules certaines de celles-ci peuvent coïncider avec l’antisémitisme. Prenons deux exemples, ceux de Louis-Ferdinand Céline et d’Emil Cioran, deux écrivains brillantissimes dont l’ uvre exceptionnelle souffre encore aujourd’hui des amalgames entre l’homme, son uvre, sa plus ou moins grande sympathie à l’égard du nazisme puis les regards systémiques et anti systémiques des uns et des autres. Le respect de la mémoire mérite mieux que ces amalgames qui finalement la dévaluent.

Thierry Amougou, Fondateur et animateur du CRESPOL
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