La défense de l’ancien chef de guerre congolais dont le procès pour crime contre l’humanité a débuté hier a relevé la non comparution des ex dirigeants centrafricains
La défense relève la manipulation politique
Le procès de Jean-Pierre Bemba s’est ouvert comme prévu ce lundi 22 novembre 2010 devant la Cour Pénale Internationale (CPI) de La Haye. L’ancien chef rebelle et vice-président de la République Démocratique du Congo est accusé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Jean-Pierre Bemba, âgé de 47 ans, est selon l’acte d’accusation responsable de meurtres, de viols et de pillages commis par les hommes de sa milice, le MLC (Mouvement de libération du Congo) envoyés en Centrafrique en 2002 pour appuyer le régime de l’ex-président Ange-Félix Patassé. Durant le procès dont une vidéo est disponible sur Youtube, on remarque qu’à la lecture de l’acte d’accusation Jean-Pierre Bemba est resté calme. C’est son avocat Maître Nkwebe qui a annoncé qu’il plaidait non coupable pour les faits qui lui étaient reprochés. La défense va par la suite s’attaquer l’enquête du procureur elle-même, la qualifiant de partiale et de bâclée. Elle affirmera aussi que l’accusation a ignoré les responsables centrafricains alors qu’elle a reconnu que le gouvernement de Bangui avait le soutien de troupes et groupes armés qui agissaient sous un commandement unique. Une argumentation que l’avocat de Jean-Pierre Bemba avait déjà annoncé lors de la conférence de presse d’avant procès. Prenant la parole en cette circonstance, l’équipe de défense de Jean-Pierre Bemba composée de Me Nkwebe Liriss, Me Aimé Kilolo Musamba et M.Nick Kaufman a soutenu que l’état centrafricain, sous la présidence de Ange-Félix Patassé, avait la libre disposition des troupes congolaises de l’administration du MLC, qui combattaient sous leur drapeau et répondaient de leurs actes. Elle estime ainsi que si leur client n’est responsable que du fait de son statut de responsable d’organisation alors tous les responsables alliés à l’époque devraient aussi être à la barre.
L’accusation affirme avoir des preuves solides
Cette ligne de défense était envisageable par de nombreux experts, elle aura pour principale conséquence de rendre le procès long et complexe. Ange Félix Patassé par exemple qui avait fait appel aux troupes de Jean-Pierre Bemba n’est pas inquiété par la justice et est même en course pour la présidentielle. Pourtant l’accusation semble conserver sa ligne offensive. Le procureur Luis Moreno Campo a affirmé en ouverture de procès, qu’il allait démontrer que Jean-Pierre Bemba disposait du pouvoir de prévenir des campagnes de viols et de meurtres de masse, qu’il disposait aussi du pouvoir de punir les auteurs de ces crimes et qu’il ne l’a pas fait. Un commandant, a fait savoir Luis Moreno-Campo, est cent fois plus dangereux qu’un violeur individuel. Jean-Pierre Bemba a utilisé une armée entière comme un instrument pour violer, piller et tuer des civils en République centrafricaine. Aujourd’hui, il est appelé pour rendre compte du fait qu’il n’a délibérément pas empêché, réprimé ou puni les atrocités de masse commises par ses hommes en RCA, a déclaré le procureur de la CPI lors de sa prise de parole en conférence de presse d’avant procès. Un procès qui sera long et tout le monde le sait aujourd’hui, mais autant du coté de l’accusation que des victimes, on est prêt à le suivre jusqu’au bout. L’enjeu est énorme pour l’accusation et plus largement pour la CPI. C’est le premier procès qui traite de la responsabilité d’un supérieur hiérarchique dans des crimes qu’il n’a pas commis directement et personnellement.

Un procès malgré tout indispensable
Jean-Pierre Bemba Gombo serait pénalement responsable pour avoir effectivement agit en qualité de chef militaire au sens de l’article 28-a du Statut de Rome, de crimes contre l’humanité (meurtre et viol) et de crimes de guerre (meurtre, viol et pillage) qui auraient été commis sur le territoire de la République centrafricaine au cours de la période comprise approximativement entre le 26 octobre 2002 et le 15 mars 2003. Le greffier de la Cour, Madame Silvana Arbia, a affirmé que seul un procès équitable permettra à la justice de remplir son rôle dans l’établissement d’une paix durable et de lutter efficacement contre l’impunité des crimes qui [.] touchent l’ensemble de la communauté internationale et heurtent profondément la conscience humaine. Les victimes méritent que justice soit rendue et surtout qu’elles y participent a affirmé Madame Arbia. Les représentants légaux des victimes ont, à leur tour, souligné le rôle de la Cour pour mettre fin à l’impunité et empêcher la répétition des atrocités du passé. Plus jamais ça, a affirmé Maître Marie-Edith Douzima-Lawson, représentante légale des victimes, alors que Maître Assingambi Zarambaud a avancé que quelque soit la longueur de la nuit, le jour finira par paraître. Maître Paolina Massidda, conseil principal du Bureau du conseil public pour les victimes qui soutient les équipes représentant les victimes a souligné que les aspirations des victimes sont de briser leur silence et briser le silence du monde sur les évènements terribles auxquels elles ont été confrontées, ce qui constitue un premier pas vers l’établissement de la vérité et vers un accès à la justice.
