Par Thierry Téné, Directeur de l’Institut Afrique RSE
L’un des grands débats de la rencontre sur « les enjeux de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) pour les Gestionnaires des Ressources Humaines dans le contexte africain » organisée par le Syndicat des Industries du Cameroun (SYNDUSTRICAM), l’Association des Gestionnaires des Ressources Humaines du Cameroun (AGRHU) et l’Institut Afrique RSE, le 13 février 2014 au siège du GICAM à Douala, portera sur l’évolution de la fonction de DRH et son rôle de locomotive de la dynamique de RSE au sein des organisations. Pour occuper une place primordiale dans l’implémentation de la RSE en Afrique, les DRH présents à Douala pourraient s’inspirer de leur homologue marocain Mohammed Ait Benzaider, DRH de Holding Ménara. Ce dernier vient de recevoir des mains de S.E. Abdeslam Seddiki, Ministre de l’Emploi et des Affaires Sociales le prix très envié de « Meilleur Employeur au Maroc » dans la catégorie des grandes entreprises. Cette récompense est à saluer doublement. D’abord parce qu’il s’agit d’une entreprise de BTP. Un secteur d’activités où les enquêtes démontrent que « les relations et conditions de travail » sont très loin d’être exemplaires. De plus, comme le rappelle L’Economiste, premier quotidien économique du Maroc, du 27 janvier 2014 « le programme des meilleurs employeurs concerne une centaine de pays dans le monde. Basé sur l’environnement de travail, l’enquête, qui a duré 6 mois, est établie via différents questionnaires administrés à un échantillon très large de collaborateurs. Leur perception de la politique Ressources Humaines et ses outils, de la culture de l’entreprise, des conditions de travail, de l’évolution et de la reconnaissance professionnelles et de la rémunération, est l’unique baromètre. » Combien de DRH africains peuvent se prévaloir d’un soutien aussi important des salariés ?
Dans la dynamique de la RSE en Afrique, le département RH pourrait jouer un rôle essentiel. Mais pour l’attribution de la fonction RSE dans le contexte africain, le département RH est aujourd’hui en concurrence avec celui HSQE (Hygiène, Sécurité, Qualité et Environnement) et surtout la direction communication. Ainsi, les postes de « Responsable Communication et RSE » deviennent de plus en plus courant en Afrique. Il y a pourtant une grande différence entre la communication sur la RSE et la communication RSE. La première consiste à la sensibilisation des parties prenantes sur les enjeux de la RSE alors que la communication RSE doit rendre compte. Il ne s’agit pas dans ce dernier cas d’évoquer un catalogue de réalisations mais de fournir des informations complètes, compréhensibles, exactes et équilibrées (ne pas omettre les impacts négatifs ou les points qui restent à améliorer) sur l’impact des décisions et actions de l’organisation sur la société et l’environnement. Le département communication peut être un moteur de la RSE dans le contexte africain si il utilise son expertise pour la mobilisation des parties prenantes autour du projet fédérateur de développement durable porté par l’entreprise.
En matière de RSE, le challenge pour le département RH est de trouver la convergence entre les intérêts divergents de la direction qui est intéressée prioritairement par la rentabilité financière et ceux des salariés qui souhaitent qu’on améliore la question centrale « relations et conditions de travail » et profiter du partage « équitable » de la valeur ajoutée. Le défi pour le département communication par rapport à la RSE est de retenir « l’ardeur » de la direction qui souhaite très vite exploiter via la communication la moindre opération philanthropique de l’entreprise sous couvert de RSE. Est ce que les responsables communication réussiront à sensibiliser la direction sur les risques d’une communication « philanthropique » pour l’orienter vers une réelle communication RSE ? Cette dernière nécessite, en effet, que l’entreprise élabore une réelle politique RSE, mette en place des actions et enfin communique sur les résultats obtenus. Malgré leur journée de travail déjà remplie, les départements RH et communication ont hérité de la fonction RSE parfois sans réelle formation ou renforcement des équipes. Ce qui interpelle sur l’intérêt que le top management accorde à la Responsabilité Sociétale des Entreprises. La transversalité de la RSE est sa spécificité. Sa réussite dépend donc du portage et du soutien important de la direction. Lors de l’implémentation de la Responsabilité Sociétale d’une Organisation, le dialogue parties prenantes est la colonne vertébrale de la démarche. Quel service est donc mieux outillé dans le contexte africain pour conduire ce processus ? est ce le service RH, communication, RSE ou directement la direction de l’entreprise ? Quelque que soit l’option retenue, si une entreprise envisage d’utiliser la RSE comme boussole de son business model, le bureau du responsable RSE ne doit pas être éloigné de celui du Directeur Général.

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