Dix ans après sa promulgation, cette loi est loin d’avoir atteint ses vrais objectifs
La Loi sur la croissance et les opportunités en Afrique, plus connue sous son acronyme anglais AGOA (African Growth and Oppotunity Act), a réussit à survivre aux changements de régime aux Etats-Unis. Elle avait été initiée par le président Bill Clinton et promulguée le 18 avril 2000 pour, selon la formule libérale du trade, not aid, c’est-à-dire une forme de partenariat qui vise plutôt à stimuler les échanges entre les Etats-Unis et l’Afrique subsaharienne plutôt que de privilégier l’aide au développement.
Elle a été mise à exécution par les Républicains, avec l’autorisation accordée à quelque quarante pays de l’Afrique subsaharienne d’exporter une gamme de 6800 produits naturels et industriels sur le marché américain, en franchise de douane et sans restriction quantitative, mais surtout sans contre engagements de réciprocité du style de ceux imposés par les Accords de Partenariat Economique(APE). Les observateurs ont cru qu’avec le retour des démocrates aux affaires doublé de la crise que traversent les Etats-Unis d’Amérique, l’AGOA devait souffrir au mieux d’une désuétude, ou d’un retrait. Mais Barack Obama s’est récemment prononcé pour son renforcement.
L’AGOA n’est en principe, ouvert qu’aux pays étant ou s’efforçant d’être une économie de marché, un Etat de droit et une démocratie plurielle. Ils doivent s’évertuer à combattre la corruption, à protéger la propriété intellectuelle et à éliminer les entraves à l’investissement américain en leur sein, notamment. L’article 104 de ladite loi, leur dicte de ne pas se mettre en porte-à-faux avec les intérêts et la politique étrangère des Etats-Unis s’ils veulent préserver leur accès à leur marché.
Le dernier rapport sur le commerce et les investissements américains en Afrique subsaharienne, soumis au Congrès en avril 2008, qui porte sur les résultats obtenus jusqu’en 2007, présente des données très encourageantes. Les importations américaines en provenance de l’Afrique subsaharienne ont triplé pour atteindre près de 70 milliards de dollar. Dans ce cadre, les importations des Etats-Unis sous le régime de l’AGOA (plus de 98% du montant total de ses achats aux pays éligibles) ont, à elle seules, atteint 51,1 milliards de dollars en 2007, soit six fois plus que leur montant de 2001, année de la pleine entrée en vigueur de la loi américaine. Les exportations minières extractives comme le pétrole sont la raison de ce boum des importations américaines. Le pétrole brut représente 93% de ses achats africains sous le régime de l’AGOA. Les autres produits agricoles, industriels et artisanaux n’y comptent que de manière résiduelle, pour 3,4 milliards de dollars. L’AGOA n’a profité réellement qu’à un nombre restreint de pays exportateurs de pétrole, le Nigeria, le Gabon, l’Angola, la Guinée équatoriale, le Congo, le Tchad, le Cameroun. L’Afrique du Sud y tirent quelques avantages à travers ses exportations de platine, de diamant, de produits ferreux, de véhicules et de pièces détachées, de convertisseurs catalytiques, d’agrumes, de vin, de textile, etc. Il en est également ainsi, mais dans une moindre mesure, pour l’Ouganda, le Lesotho, le Botswana, le Kenya (textile), Madagascar (habillement et vanille), le Ghana (artisanat) ou la Namibie (raisin) avec, à la clé, la génération d’assez nombreux emplois. Dans ces pays, comme dans le plus grand nombre qui ne profite pas des opportunités d’exportation ouvertes par l’AGOA, les entreprises en rade sont généralement petites ou informelles ; elles travaillent en ordre dispersé, sans la stratégie, ni les moyens financiers pour aller conquérir des débouchés extérieurs. Il s’y ajoute que même les plus grandes entreprises se heurtent, à l’entrée du marché américain, à des barrières non tarifaires liées à la rigueur des exigences sanitaires et phytosanitaires dont les exportateurs africains n’ont pas la maîtrise. Un exemple, des tonnes de T-shirts produits avec du tissus fabriqué au Cameroun ont du être retournés, parce qu’il manquait des indications sur la quantité de polyester, le mode idéal de lavage, etc…
Les subventions américaines, continuent également, à contre-courant de l’AGOA, de freiner la dynamique productive et exportatrice de bien des secteurs économiques africains liés à l’agriculture, la filière cotonnière et textile notamment. De même, l’AGOA est loin d’avoir stimulé les investissements américains en Afrique subsaharienne, alors que ce sont les investissements étrangers directs qui manquent le plus à cette partie du continent pour son développement. Au total, les effets de l’AGOA restent mitigés. L’ouverture plus large du marché américain aux exportations africaines que cela suppose, pourrait être dommageable à son engagement de créer massivement des emplois pour ses compatriotes, à faire davantage produire et consommer prioritairement américain. L’économie américaine risque d’être encore plus protectionniste, dans sa quête actuelle de sortie de la récession.
Quoi qu’il en soit, les régimes commerciaux préférentiels qui subsistent encore seront éliminés inéluctablement, conformément aux nouvelles règles du commerce international. Dans les années à venir, les échanges internationaux ne se feront plus que sur la base de la symétrie et de la réciprocité des avantages consentis, à l’image du projet d’Accord de partenariat économique et de libre-échange, actuellement au centre d’âpres négociations entre l’Union européenne et les pays ACP. L’AGOA, qui expire en 2015, ne sera sans doute pas renouvelé, pas tel quel en tous cas. Les pays africains doivent s’y préparer, très rapidement.