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Aider les réfugiés centrafricains au Cameroun à surmonter les traumatismes

Par Philippe Lévêque, Directeur général de l'ONG CARE Deux ans après le coup d'Etat en Centrafrique, près de 450.000 personnes…

Par Philippe Lévêque, Directeur général de l’ONG CARE

Deux ans après le coup d’Etat en Centrafrique, près de 450.000 personnes ont fui les combats et les massacres pour se réfugier dans les pays voisins. 138.500 Centrafricains ont rejoint le Cameroun. Beaucoup souffrent de traumatismes liés aux violences dont ils ont été témoins. Les équipes de l’ONG Care ont rencontré Jamila et son fils Paul*, réfugiés dans le site de Timangolo. Ils reçoivent une aide psychosociale de Care.

Jamila, professeure, et son fils Paul de 16 ans ont dû fuir leur maison en Centrafrique, abandonner leurs proches et tous leurs biens pour échapper à la mort :

« Je venais de perdre mon mari lors d’affrontements lorsque notre maison a été attaquée. Des hommes armés ont tiré sur moi et mes trois fils. Paul a vu son petit frère mourir dans ses bras. Mon autre fils a également été tué. Les hommes armés s’apprêtaient à brûler notre maison quand nous nous sommes échappés sous les balles et les coups de machette. »

En racontant son histoire, Jamila lance plusieurs regards à sa main gauche et ses trois doigts amputés.

« J’ai été touchée d’une balle avant de passer la nuit dehors, cachée, à quelques kilomètres de ma maison. J’ai perdu conscience. Le lendemain, on m’a emmenée à l’hôpital. »

Paul, lui, a le regard tourné vers le sol. Il a du mal à expliquer les atrocités qu’il a subies.

« Nous avons été séparés lors de notre fuite. Mon fils a reçu plusieurs coups de machette à la tête, aux bras et aux mains. Il est tombé dans un trou très profond et nos agresseurs l’ont laissé là pour s’attaquer à d’autres familles. Il est resté dans ce trou pendant 12 heures. C’est une équipe chargée de récupérer les corps des victimes qui l’y a trouvé, pétrifié et ensanglanté », explique Jamila.

Cette cache lui a sauvé la vie mais ne l’a pas protégé du traumatisme. Il garde en mémoire l’image de ses frères sans vie ainsi que la douleur physique et les cicatrices.

Après s’être retrouvés, Paul et Jamila ont pris part à un convoi humanitaire avant de terminer leur fuite vers leur Cameroun à pied.

Ils sont désormais pris en charge par des psychologues de l’ONG Care, qui les aident à réapprendre à vivre et à gérer ces scènes de violences qui les hantent nuit et jour. Jamila est soulagée d’avoir quelqu’un qui l’écoute, qui l’aide à surmonter le deuil de ses fils et à évacuer ce traumatisme qui la ronge.

« Je voudrais rejoindre mon frère et les demi-frères et s urs de Paul, réfugiés dans d’autres sites au Cameroun. Je voudrais retrouver une vie de famille ainsi qu’un travail. Mon fils, lui, souhaiterait juste retourner à l’école. »

Philippe Lévêque, DG de l’Ong CARE
arte.tv)/n