Une trentaine d’avocats commis à la défense de Julius Ayuk Tabe et ses compagnons ont décidé de se rétracter lundi, après une énième polémique sur la suspension de la procédure devant le Tribunal militaire de Yaoundé.
Trente avocats, membre du conseil de la défense de Julius Ayuk Tabe et neuf leaders ambazoniens, se déconstituent dans le dossier opposant ces personnes à l’Etat du Cameroun pour terrorisme. Hier, lundi, 19 août 2019, ils ont signifié leur rétraction au Juge Misse Njone, en charge de l’affaire, après une vive polémique liée à la récusation des magistrats.
Le tumulte qui s’est produit lundi au Tribunal militaire de Yaoundé est née d’une demande de la défense de surseoir la procédure en attendant une décision de la Cour suprême sur sa requête en récusation des magistrats pour leur impartialité supposée. Pour appuyer sa demande, le conseil de la défense a tenté de fournir à la Cour une notification de la procédure engagée en dernier ressort devant la Cour suprême. Ce à quoi le juge s’est fortement opposé.
« Si on nous récuse, on doit déposer une copie de l’acte de notification au Tribunal et une deuxième doit être adressé au magistrat avant l’audience. Or jusqu’à ce que nous entrions dans cette salle aujourd’hui, nous n’étions même pas au courant qu’une telle procédure existe. En attendant donc que la procédure indiquée soit respectée, nous allons continuer le procès », a déclaré le juge appuyé dans cette logique par le commissaire du gouvernement qui estime qu’ « il ne revient pas à la défense de décider si le tribunal doit continuer la procédure ou non ».
C’est cette décision du juge Misse Njone qui aura mis le feu aux poutres. Julius Ayuk Tabe et les autres membres du premier gouvernement éphémère d’ambazonie ont réagi en se levant, prêt à quitter la salle. Ordre a été donné de les maintenir dans les lieux. Ils se sont alors mis à hurler dans la salle, perturbant la poursuite de l’audience.
Une joute verbale a eu lieu entre le commissaire du gouvernement et les inculpés, puis entre ceux-ci et le juge qui tentait de reprendre autorité. Cela a duré une dizaine de minutes avant que le juge, conseillé par ses accesseurs, ne décide de procéder à l’audition des témoins du ministère public au milieu de ce tumulte.
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Les accusés criaient à tue-tête « Juge impartial non », sous l’impulsion de Julius Ayuk Tabe. Ils couvraient de leurs voix les paroles du témoin qui a été convié par le greffier en chef à sortir du boxe pour prêter serment. Cet acte a de nouveau irrité les leaders ambazoniens qui ont fait de même, causant de nouveaux éclats de voix. Cela a encore pris une dizaine de minutes pour les contraindre à retourner dans leur boxe avec l’appui des gendarmes appelés à la rescousse.
Des avocats taiseux face à l’humeur expansive de leur clients ; une Cour qui tente d’ignorer le brouhaha que font des accusés dans la salle ; des détenus bien décidés à poursuivre leur contestation et un témoin qui peine se faire entendre, c’est dans cette ambiance que s’est déroulée l’audition de l’adjudant-chef Dieudonné Mboutou. Il revenait sur l’escalade de la violence enregistrée dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest entre septembre et décembre 2017.
« Tous nos avocats nous abandonnent. En ce moment, nous n’avons plus d’avocats. Donnez-nous du temps pour reconstituer une autre équipe », a plaidé Ayuk Tabe, interrompant les cris de protestation de ses compagnons. Nouveau refus de la Cour. Celle-ci a estimé que tous les avocats ne se sont pas déconstitués – uniquement ceux absents à l’audience – et que la procédure pouvait suivre son cours. Reprise des cris des accusés qui ont profité de cette brèche pour se désaltérer. Leur tollé a duré toute l’après-midi.
La déconstitution des avocats enregistrée lundi prendra véritablement effet dans un mois. La loi camerounaise a fixé ce délai afin de donner du temps au justiciable de se constituer une nouvelle défense. Cette disposition annule donc la possibilité d’une suspension immédiate de procédure la procédure pendante.