OpinionsNon classé, Opinions, Tribune




Avis de péril sur les médias à capitaux privés

Par Noé Ndjebet Massoussi, secrétaire général du SNJC Un vent mauvais souffle depuis quelques semaines sur les professionnels des médias…

Par Noé Ndjebet Massoussi, secrétaire général du SNJC

Un vent mauvais souffle depuis quelques semaines sur les professionnels des médias à capitaux privés au Cameroun. Il est caractérisé par des tracasseries en tout genre, des intimidations, des arrestations et même des emprisonnements, donnant l’impression soit d’une tentative de reprise en main, soit d’un rétrécissement des espaces de liberté, ou encore d’une incitation à l’autocensure.
Le 20 octobre 2014, le directeur de publication du journal Le Zénith, Flash Ndiomo, a été placé en détention provisoire à la prison centrale de Yaoundé, après une semaine de garde à vue à la police judiciaire. Il avait été convoqué sous le motif de «diffamation» à l’encontre du secrétaire général du ministère des Finances, Urbain Ebang Mve. L’accusation s’est ensuite muée en «chantage» et «menaces de mort». Sans même rentrer dans le c ur du problème, c’est davantage les méthodes utilisées dans la procédure qui questionnent.

Le 21 octobre 2014, c’est le grand reporter Guy Bertin Nsigué, en service au site mboafootball et Radio Sport Info (RSI, la première radio de sport au Cameroun émettant depuis Douala), qui était happé par une vieille connaissance de la gendarmerie qui lui annoncera, au cours d’un échange dans l’enceinte du secrétariat d’Etat à la Défense (SED), qu’il est sous le coup d’un mandat d’amener. Après une nuit en cellule, il sera présenté au procureur près le tribunal de première instance de Yaoundé-centre administratif. Et, alors qu’un collègue, Steve Djouguella (de mboafootball et RSI) l’a rejoint au parquet pour la même cause, il s’entendra reprocher de n’avoir pas déféré à des convocations à la gendarmerie à la suite d’une plainte pour «diffamation» du président du Comité de normalisation de la Fédération de football (FECAFOOT), Joseph Owona et de son vice, Minkoa She. Les deux prévenus réussiront à convaincre le magistrat de ce qu’ils n’avaient jamais été notifiés d’une quelconque convocation qui, apprendront-ils, vise également le responsable du site et de la radio, Martin Camus Mimb.

Renvoyés au SED, ils sont longuement auditionnés le 24 octobre sur un dossier qui vise en réalité six journalistes de mboafootball poursuivis pour avoir interpellé les dirigeants de la FECAFOOT quant à leur gestion pour le moins opaque de la chose publique. Les confrères Mimb, Nsigué et Djouguella ont été laissés libres à l’issue de leur audition, et la suite des événements est attendue avec beaucoup d’angoisse au sein de la corporation.

Ce même 24 octobre 2014, le correspondant du quotidien Mutations pour le Sud, Guy Roger Mvondo, est convoqué à la délégation régionale de la Santé publique pour avoir, quelques jours plus tôt, relayé une pratique courante à travers le pays lors des Journées de vaccination : des agents vaccinateurs, employés temporairement par des sous-traitants (généralement des responsables de centres de santé), se débarrassent dans la nature de doses de vaccin en accusant leurs employeurs de quelques jours de sous-paiement, de non paiement et d’abus divers. Ses interlocuteurs, après des menaces verbales, indiqueront avoir décidé d’en référer à leur hiérarchie à Yaoundé aux fins d’introduction d’une procédure judiciaire pour «diffamation».
Ce même 24 octobre 2014, le secrétaire général des rédactions de la South Media Corporation (SMC), par ailleurs président du Bureau exécutif du Syndicat national des journalistes du Cameroun (SNJC), Félix Cyriaque Ebolé Bola ainsi qu’un confrère du quotidien Le Messager, reçoivent individuellement des assignations d’huissier dans lesquelles, en tant qu’«inculpés», ils sont convoqués à comparaître le 28 octobre à 9 heures au cabinet d’instruction du Tribunal militaire de Yaoundé. Il leur est reproché, «courant juillet-août 2014, en tout cas dans le temps légal des poursuites, en temps de paix, de n’avoir pas averti les autorités militaires, administratives ou judiciaires de toute activité de nature à nuire à la défense nationale, faits prévus et réprimés par les articles 74 et 107 du code pénal».

Ces faits ne constituent pas l’exhaustivité des cas vécus par les journalistes des médias camerounais à capitaux privés ces dernières semaines. En questionnant juste les procédés utilisés, tout laisse croire à une stratégie visant à instiller la psychose au sein de la corporation.

Face à ce qui précède, le SNJC :
Prend l’opinion publique nationale et internationale à témoin quant à la mauvaise publicité que certaines procédures en cours engendrent sur le Cameroun ;

Constate que les personnes actuellement inquiétées ne jouissent pas d’une justice équitable ;
Rappelle qu’en matière de délits de presse, la mise aux arrêts doit constituer l’exception et non la règle.

En conséquence, le SNJC :
-Appelle les journalistes du Cameroun à la plus grande vigilance, s’agissant des man uvres diverses tendant à restreindre leur champ des libertés chèrement acquises ;
-Appelle les journalistes du Cameroun à plus de solidarité, de responsabilité et de professionnalisme ;
-Invite les journalistes du Cameroun à résister à toute(s) forme(s) de pression(s), d’où qu’elle(s) vien(nen)t, tendant à les dévier de leur mission sociale.


Droits réservés)/n