Le deuxième album de ce talentueux chanteur camerounais est un concentré de ses nombreux voyages et rencontres à travers le monde
Voila déjà plusieurs années, une vingtaine à peu près, qu’il est sur les routes du monde. A traverser pays et continents pour proposer sa musique et en connaitre d’autres. De son Cameroun natal, il est parti pour la France, plaque tournante de la musique dite «du monde». Dans son premier opus «Leman», il affichait déjà, et fièrement, ses ambitions de «grand curieux musical», notamment à travers sa rencontre d’avec le monde mandingue. Le nouvel album «Hongo Calling» est la suite logique de cette quête du monde, dépassant la seule sphère africaine pour effleurer d’autres rivages musicaux dont Rio de Janeiro, où ce disque a été en partie enregistré, et cela se sent. Festif, comme le Hongo lui-même, ce rythme traditionnel de la région Bassa, qui accompagne les gens dans tous les événements de la vie, pendant les séances de guérison… On le retrouve au Sénégal, au Cap-Vert, au Brésil. Je me suis demandé comment ce son avait voyagé, très probablement avec la route des esclaves explique Blick.
Un journal de voyage
Sur ce quinze titres, où rythmes, instruments et voix cohabitent en toute harmonie, il s’est arraché des personnalités de tout bord, d’Afrique et d’ailleurs. A grand renfort, le Brésil du très pointilleux bassiste Arthur Maia et du flamboyant chanteur-guitariste Lenine, lesquels magnifient Ndjeck de vifs mélanges et intonations afro-folk. Ici, comme sur Bolo mo, l’excellente et sensuelle voix de la béninoise Fafa Ruffino se pose subtilement pour produire un effet à la fois vibratoire et tendre. La majeure partie des percussions de l’album est assurée par l’un des plus vieux copains de Blick, Marco Suzano, qui avec son «Cuica», le tambour à friction des Bantous devenu l’emblème musical du Brésil, donne la preuve que la musique brésilienne et celle du Cameroun peuvent former une seule. Ajouter à ces ténors l’accordéoniste malgache Régis Gizavo, Sékou Kouyaté à la Kora, Samaké Harouna au Kamaléngoni, Marcelo Martins à la flute, Mamadou Koné à la calebasse.
Les volutes mélodiques de son Cameroun y sont répercutées, notamment à travers les réjouissantes percussions de Guy Nwogang, les solides notes de basse de Guy Nsangue, mais surtout de Richard Bona, lequel assure à lui seul la basse et les percussions sur le titre Likanda. L’humanisme de Blick ne se démontre pas qu’avec ces rencontres, mais aussi à travers ses thèmes. Il parle d’amour (Je te yamo), reçoit la bénédiction des ancêtres (Liké), rencontre un fou (Fala Português), relate les déboires des sans abris (SDF) et fait l’éloge de la patience (Sabada), cette vertu de nos ancêtres, trop oubliée aujourd’hui, savoir attendre et avancer calmement, posément. Avec «Hongo Calling», Blick Bassy offre la pleine mesure de son talent, un disque dont il est lui-même l’arrangeur et dans lequel il exprime au grand jour la fierté de ses rencontres à travers le monde. Un «road movie musical» qui peut laisser croire à certains que l’auteur n’est plus dans le registre dans lequel on l’a connu. Il a juste voulu créer une danse collée-serrée entre deux terres. Un beau voyage.