Militante du SDF, la présidente de Servitas parle de son combat pour une meilleure représentation des femmes lors des élections au Cameroun
Parlez nous de l’activité « Femmes, Elections municipales et Législatives- Cameroun 2013 »
Femmes, élections municipales et législatives Cameroun 2013 est une activité qui se situe dans la mise en uvre du Plan Stratégique, Genre et Elections, initié en 2012 par Elections Cameroon (ELECAM), Onu Femmes et le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD). Ce plan tend à accroître le taux de participation des femmes au processus électoral au Cameroun.
Quelles sont les associations et organisations qui portent le projet ?
Servitas Cameroon qui porte le projet s’est fait entouré de Cawoled et Courage2D. Ce sont des organisations camerounaises qui font partie du réseau de Servitas au Cameroun. Servitas Cameroon est une ONG qui a un statut consultatif auprès du Conseil Economique et Social (ECOSOC), dont l’un des objectifs est de favoriser l’égalité homme femme dans la gouvernance. Elle a un réseau national et sous régional. Ces 2 organisations ont particulièrement été identifiées compte tenu de leur implication au programme Genre et Développement.
Quelles sont les activités menées jusqu’ici ?
Nous avons sensibilisé et mobilisé les femmes pour qu’elles s’inscrivent sur les listes électorales, nous les avons incité à se porter candidates, nous avons contacté les partis politiques pour leur parler de l’importance d’investir des femmes comme candidates, nous avons incité les femmes à retirer leur carte électorale, afin d’améliorer leur quotidien à travers le vote.
Comment avez-vous procédé ?
Il y’a d’abord eu une séance d’identification des associations féminines à visiter. Au Cameroun, le milieu des femmes est très bien organisé. Elles sont regroupées en associations, appelés vulgairement réunions ou tontines. Ce sont soit des liens de famille, de village, d’amitié, d’activité ou de quartiers qui regroupent ces femmes. Ces associations fonctionnent très bien et ont des jours et heures définis pour les rencontres. Nous avons donc identifié ce genre d’associations. Il y’en a tellement qu’on ne pouvait pas aller partout et notre sélection s’est faite parmi celles qui regroupent un minimum de 100 femmes afin de toucher le maximum. Ce nombre n’a pas toujours été respecté, notamment quand il s’est agi de sensibiliser les groupes vulnérables, des femmes handicapées ou vivant avec le VIH. Leurs cercles sont souvent réduits et pour ce type d’associations, même pour 25 membres nous faisions le déplacement.
Dans quelles villes vous – êtes vous déployés ?
Au départ, on avait pour ambition de couvrir le territoire national car on pensait avoir un appui des organisations mères. Il tardait à venir et nous nous sommes repliés dans la région du Littoral. Nous n’avons toujours pas cet appui et nous nous sommes rabattus dans le département du Wouri. Heureusement que nous avons revu nos ambitions à la baisse, car le travail sur le terrain est intense et immense. Nous avons choisi ce département parce que premièrement nos trois organisations y sont basées, donc plus facile et moins coûteux sur le plan de la gestion logistique et du personnel d’appui. Deuxièmement le département du Wouri est un département très actif sur le plan économique et politique.
Est – ce que vous irez au-delà des élections du 30 septembre?
Ceci fait partie de notre objectif dans la mesure où l’élaboration et la présentation de notre rapport d’activités après le 30 septembre va certainement déboucher sur au moins un projet qui sera la suite de l’activité que nous menons actuellement. Nous nous sommes rendu compte qu’ayant commencé notre activité au mois de mars 2013, Nous avons été confrontés à une difficulté due à la non maîtrise du calendrier électoral, ce qui a perturbé la programmation des séances d’informations, d’éducation et de formation des femmes. En principe, ces séances devraient s’étendre sur plusieurs mois avant la convocation du corps électoral. Mais nous allons rattraper tout ceci à travers le regroupement des femmes candidates ou engagées en politique après le 30 septembre.
Il s’agit bien des femmes de tous les bords politiques ?
En effet, puisqu’au bout de ce regroupement, nous comptons réactiver une plateforme dénommée Le CRI, crée en 2004 par des femmes camerounaises engagées en politique. Ce genre de plateforme est capital pour l’avancement de notre combat dans un environnement où les partis politiques représentent des barrières face à la solidarité entre les femmes qui est un élément important pour l’atteinte d’un objectif commun.
Est-ce que vous espérer aller au-delà du département du Wouri ?
Bien sûr. C’est un projet national et nous comptons approcher les bailleurs à cet effet. Pour le moment, ce sont nos partenaires médias qui relaient nos actions et nos messages destinés aux femmes sur l’ensemble du territoire camerounais, mais il faut des ressources pour mener à bien ce type de projet. Il y’a de nombreux journalistes, qui à titre privé qui nous suivent, au-delà des médias partenaires. Notamment Henriette Ekwe qui nous appuie dans ce domaine et a modéré notre dernière conférence de presse.
Et Elecam qui gère les élections au Cameroun, avez-vous trouvé porte close ou vous n’avez pas frappé à la porte ?
Nous avons frappé à la porte d’Elecam dès le départ. Notamment pour leur dire que nous avons pris très au sérieux ce Plan Stratégique et que nous aurions besoin de leur collaboration sur le plan technique. Lors de nos descentes, Elecam nous a accompagné pour faciliter l’inscription des femmes sur les listes électorales séance tenante et la collaboration a été effective. Mais par la suite, nous n’avons pas été formellement invité à certaines rencontres importantes initiées par Elecam comme l’ont été les autres acteurs de cette mise en uvre que sont les partis politiques, les médias et certains départements ministériels, alors qu’au cours de ces rencontres certaines informations sont importantes pour notre activité dont le but est d’accroitre le taux de participation des femmes au processus électoral dans notre pays. Le processus électoral comporte plusieurs étapes et nous comptons voir l’implication d’un grand nombre de femmes à toutes les étapes de ce processus. Nous avons sélectionné et mis à la disposition d’Elecam 50 noms de femmes pour qu’elles soient impliquées aux opérations de vote à travers les différentes commissions locales le 30 septembre, jour du double scrutin et nous espérons qu’Elecam tiendra compte de cette demande. Les femmes doivent être également nombreuses dans l’implication de la gestion des opérations de vote à tous les niveaux pour ne pas les cantonner dans leur rôle d’électrices; ceci fait partie des messages que nous diffusons et qui s’adresse à tous. Afin d’apprécier le degré de cette implication, nous avons également opté pour une observation genre le jour du vote et ce sera la première fois au Cameroun de faire une observation spécifique genre le jour du scrutin, comme c’est également la première année électorale dans notre pays où des listes de candidats ont été rejetées à cause de la non prise en compte du genre dans la composition de la liste. Nous saluons cette avancée, mais la loi n’a pas défini un quota pour cette représentation du genre, et nous espérons qu’un quota de 50% sera adopté avant les prochaines élections pour permettre à notre pays d’être en phase avec ses engagements dans l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement.
On va terminer par le Sdf. Quels sont vos rapports aujourd’hui avec M. Joshua Osih, que vous avez battu il y’a un an en Afrique du Sud lors de la conquête d’une place au présidium de l’Internationale Socialiste?
M. Osih est non seulement un camarade de parti, mais le premier vice-président national du parti. A ce niveau de responsabilité, une vision globale des défis actuels du monde politique est capitale pour les actes que l’on pose et les choix que l’on fait. Lorsqu’au sein d’un parti politique l’on mène des combats pour les libertés comme je le fais, j’intègre l’existence des freins, mais reste fixé sur l’objectif.
Quelle suite avez-vous de « briser le silence » que vous avez publié lors de la journée de la femme ?
Briser le silence, c’était d’abord pour moi. Il fallait que je parle des violences subies au sein de mon parti politique, cela a été un soulagement pour moi malgré les représailles. Cela a aidé beaucoup d’autres femmes, j’ai eu des retours des femmes, mais aussi des hommes et j’étais très surprise du soutien des hommes et de la manière dont ils abordaient le sujet. Des femmes engagées en politique et occupant des positions importantes m’ont contacté pour me raconter leurs épisodes… Et aujourd’hui, plus qu’hier, je suis convaincue qu’il faut briser le silence pour arrêter la violence.