La chargée principale des opérations de cette institution au bureau de Yaoundé, fait le bilan de l’année d’intervention, marquée par de nombreux succès, mais aussi et encore des défis
En fin d’année fiscale du bureau de la Banque Mondiale au Cameroun, combien de projets et pour quelle quantité d’argent vous avez accompagné le gouvernement de ce pays?
Au cours de cette année fiscale qui va du 1er juillet 2011 au 30 juin 2012, le Conseil d’administration de la Banque Mondiale a approuvé quatre projets au profit du Cameroun. Il y a le projet de la centrale thermique à gaz de Kribi, où la Banque a accordé une garantie partielle pour faciliter l’implication des investisseurs locaux dans le financement à hauteur de 82 millions de dollars (40 milliards de FCFA environ ndlr). En décembre 2011, la Banque a approuvé un accord de financement sur un projet d’assistance technique au secteur minier d’un montant de 30 millions de dollars (environ 15 milliards de FCFA) et en mars 2012 le projet du barrage de Lom Pangar, préparé depuis longtemps a été également approuvé. Nous y sommes engagés avec plusieurs partenaires du gouvernement camerounais, pour ce qui nous concerne avec une contribution de 132 millions de Dollars US (environ 65 milliards de FCFA ndlr). Le dernier projet approuvé au cours de cette année fiscale, c’est un don de 4,5 millions de dollars pour contribuer à la préservation forestière dans la localité de Ngoyla Mintom.
Vous venez de nous présenter un tableau avec beaucoup d’interventions, pourtant au sein d’une certaine opinion et même au regard de la réalité, on a aujourd’hui l’impression que la Banque Mondiale est supplantée au Cameroun comme partout ailleurs en Afrique, par la Chine, dans le financement du développement. Comment est-ce que vous vivez cela?
Pour ma part et du reste pour la Banque Mondiale, ce n’est pas vraiment une compétition où nous faisons des comparaisons avec la Chine ou tout autre partenaire au développement des pays africains. Le Cameroun n’échappe pas à la règle. Les besoins de financement sont tels que nous ne pouvons déjà prétendre tout seul, y apporter une satisfaction. Le Cameroun a tout un programme de développement à mettre en place, un programme important pour le pays. La manière dont son gouvernement envisage de financer ce programme d’investissement est décidée de manière souveraine par ses membres. Nous au niveau de la Banque, nous essayons d’appuyer ce programme par rapport aux moyens dont nous disposons. Donc, il n’y a vraiment pas lieu de se comparer à la Chine, le défi c’est plutôt de s’assurer que les investissements rentrent dans les priorités du pays, qu’ils sont efficaces et que les populations et la nation camerounaise en bénéficient pleinement et de façon optimale. Notre responsabilité à nous est d’accompagner le gouvernement dans ces différents choix de développement, en lui permettant d’accéder aux facilités offertes par l’Agence de Développement internationale (IDA).
On trouve dans les interventions de la Banque, une orientation très corporatiste, dont la tendance est d’avantage l’implantation et/ou l’expansion de grosses multinationales dans le domaine notamment des mines ou de l’agro-industrie. On semble retrouver de moins en moins la Banque dans des domaines comme la santé, l’éducation, au profit des domaines à forte rentabilité, qu’en dites-vous?
Je ne crois pas personnellement que nos interventions sont corporatistes, et focalisées sur les besoins des investisseurs et du monde des affaires en général. L’aspect pauvreté est au centre de tout engagement de la Banque mondiale et c’est un aspect sur lequel nous insistons beaucoup, et qui revient à chaque fois dans le cadre du dialogue que nous avons avec le gouvernement, notamment dans la préparation du projet Lom Pangar. Mais notre position a toujours été celle de s’assurer que la construction de cette infrastructure puisse aider effectivement à améliorer l’accès des populations à l’énergie électrique et à moindre coût. – et donc avoir un effet positif sur la pauvreté et pour les populations. Comme vous le savez peut-être Lom Pangar est un barrage régulateur qui permettra d’augmenter et de stabiliser la production d’énergie hydroélectrique dans la Sanaga. Et là, il s’agit de la production actuelle ainsi que de la production à venir. Lom Pangar va quand même générer de l’électricité, et cette électricité va surement bénéficier aux populations. D’un autre côté, la Banque Mondiale a plusieurs autres projets qui sont orientés directement au profit des populations. Nous avons ainsi des projets dans le secteur de l’éducation. Dans la santé nous avons un projet très innovant d’ailleurs au Cameroun, celui d’un financement basé sur les résultats, les centres de santé sont payés par rapport aux services et la qualité des services fournis. Nous préparons aussi un projet de mise en place de filets sociaux, pour accompagner les personnes les plus démunis ou les plus à risque à l’extrême pauvreté. Je peux aussi citer des projets liés au développement urbain et au développement local, ainsi que des projets et des investissements identifiés par les populations et qui appuient également le processus de décentralisation en cours. Dans ce cadre, nous avons apporté des financements aux petits projets, comme la construction des salles de classe, des points d’eau et autres. Nous avons enfin un important projet pour l’accroissement de la compétitivité agricole, que nous soutenons aussi. Ce projet appui plusieurs filières agricoles de façon directe ou à travers des GIC. Là aussi les résultats sont supposés bénéficier directement aux populations.

Parlant des résultats, au terme de cette année fiscale d’accompagnement de la Banque au Cameroun, qu’est-ce qui a marché et qu’est-ce qui constitue encore un défi selon vous?
Je pense et c’est un sentiment général au niveau de la Banque, que la plus grande réussite aura été l’approbation de l’accord de financement de notre intervention dans le projet de construction du Barrage de Lom Pangar. C’est un partenariat qui intervient finalement après plusieurs années de préparation. Aujourd’hui le projet de Lom Pangar a été qualifié par un des administrateurs de la Banque Mondiale comme un « best practice », c’est-à-dire un exemple que l’on peut répliquer dans d’autres contextes de préparation de projet d’infrastructure, avec un volet très clairement orientés vers le plus grand bénéfice des populations.
Je vais aussi peut-être citer un projet éducatif qui a très bien marché et qui a permis de financer le paiement des salaires des enseignants non fonctionnaires, qui compte pour une grande partie des enseignants dans les écoles camerounaises et qui contribue à la formation de base des jeunes et qui comme on l’a vu, a permis d’améliorer le taux de scolarisation des jeunes durant ces dernières années. Même si le ratio élèves-enseignant reste élevé, le projet a permis de ne pas le creuser d’avantage, malgré l’accroissement du nombre des élèves.
Parlant des défis nous devons encore faire des efforts pour expliquer l’intervention de la Banque. Comme vous l’avez relevé, nos résultats ne semblent pas encore complètement visibles pour tout le monde. On nous voit encore comme une structure corporatiste, ce qui n’est pas vrai. Nous travaillons beaucoup pour le développement direct et nous voulons le faire savoir. En 2011, nous avons travaillé sur notre communication, mais cela reste encore perfectible, nous irons plus loin encore pour mieux se comprendre les uns et les autres et mieux nous faire comprendre. Il ne faut pas voir dans ce projet de communication une volonté de faire de la publicité, mais une manière pour nous de rendre compte aux populations camerounaises, qui sont en droit de savoir selon nous, comment et sur quoi sont utilisées leurs ressources, – car les ressources Banque mondiale sont – en effet – les ressources du Cameroun.
[b Pout le monde dit que vous faites pression sur le gouvernement pour qu’il prenne un choix qui risque d’augmenter le prix des produits pétroliers, à quel niveau de la discussion êtes-vous aujourd’hui?
J’imagine que vous faites référence aux travaux et publications effectués par la Banque Mondiale durant les six dernier mois. En réalité, le travail que nous avons commencé était celui de voir clair dans ce que coûtent les subventions du prix de l’essence à la pompe pour le pays et sa population. À notre avis un tel examen préalable permet juste de fournir des informations à l’Etat et au peuple qui ensuite prend les décisions. Maintenant, une fois les informations disponibles, on ouvre le dialogue avec les différentes parties prenantes, pour voir ce qu’il faut faire. Est-ce qu’il faut continuer de subventionner le carburant, même si cela profite également aux plus riches et que la durabilité d’une telle politique n’est pas garantie ? Est-ce qu’il faut arrêter les subventions et tirer profit des ‘économies des fonds réalisées, pour améliorer certains secteurs sociaux, attaquer la pauvreté ou encore investir? Nous à la Banque pensons et sommes convaincus que c’est une décision du gouvernement et du peuple camerounais. A notre niveau, nous partageons l’expérience des autres pays qui ont géré les mêmes contraintes en rapport avec la subvention des prix du carburant.
Quel est le message que vous donnez au Cameroun et à ses populations, un Cameroun en chantier et qui certainement nourrit encore plus d’attentes de la Banque mondiale. Est-ce qu’on va vivre une réduction des accords de financement pour accompagner ce partenaire qui vise «l’émergence à l’horizon 2035»?
Sans publicité, nous sommes fortement engagés au Cameroun. Au cours des cinq dernières années, la part de notre intervention a connu une augmentation importante – de 12 à 17 projets dans un portefeuille – avec un montant total de financement approuvé pour le Cameroun d’un milliard de dollars US environ, soit 500 Mds Fcfa. Le message que je souhaite passer c’est que la Banque mondiale a besoin de tout le monde pour réussir. Nous, nous avons besoin d’un partenariat fort élargi, – non seulement au Gouvernement, mais aussi au secteur privé, à la société civile, aux jeunes, aux femmes pour réussir. Le travail au niveau de l’Etat est également important – qu’on continue à identifier les besoins et les priorités des investissements – avec les personnes qui doivent en bénéficier et que ces décisions soient mises en uvre.
