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Cameroun – Affaire Lydienne Eyoum: Confusion au sommet de l’Etat

Par Shanda Tonme, président de la commission indépendante contre la corruption et la discrimination

Dans son édition du mercredi 13 juin 2012, le quotidien gouvernemental Cameroon Tribune, publie un « Droit de réponse » attribué au « Ministre Directeur du Cabinet civil » adressé au journal français Libération, relativement à l’affaire Lydienne Eyoum. Cette nouvelle sortie de monsieur Bélinga Martin Eboutou, fait suite à une tribune publiée par le canard parisien dans son édition du 18 mai 2012. Si la substance de la déclaration du « Ministre » ne fait aucun problème et ne préoccupe d’ailleurs point, sa qualité, ses titres officiels et fonctions, sont de nature à semer un doute important quand à la détermination des attributions, la définition des prérogatives, la gestion des rôles et des statuts au plus haut niveau de l’Etat et de la république. La Commission indépendante contre la corruption et la discrimination observe que depuis un certain temps, et particulièrement depuis les nouvelles interpellations intervenues dans le cadre de l’opération Epervier, une certaine fébrilité propice à des confusions sur les rôles, s’est installée dans le pays. L’impression d’ensemble, est devenue celle d’une foire anarchique, où profitant d’une relative liberté ou d’une savante orchestration du désordre teintée de doute et de peur, de nombreux saltimbanques se livrent au jeu du pouvoir, au jeu du massacre, au jeu des accusations, au jeu des usurpations, au jeu des missions de mercenaires commandités dans les médias.

Dans le cas d’espèce, la Commission craint vivement que le Directeur du Cabinet civil ait agit dans un domaine, dans un contexte, et pour une affaire très loin de ses prérogatives primaires, primitives, et institutionnelles. En fait, le chef du cabinet privé du président de la république est-il fondé à parler au nom de l’Etat et de la république, pour exprimer la position du pays, dans une situation impliquant la mise en cause de son image, sa crédibilité et ses intérêts internationaux? La Commission rappelle en outre, que la représentation du pays au plan international échoit dans l’ordre:
– Au président de la république, chef de la diplomatie
– Au Premier Ministre, chef du gouvernement
– Au Ministre des affaires étrangères, chef de l’outil de mise en oeuvre
– Aux ambassadeurs, Consuls et assimilés

Exceptionnellement, toute autre personne spécialement mandatée, pour des raisons techniques établies, et disposant pour cela, de pouvoirs de représentation de circonstance limités dans le temps, sur l’objet, le lieu, les termes d’exécution et d’usage, et nanti par ailleurs d’un document à cet effet délivré par le Ministère des affaires étrangères. Dans le cas d’espèce, s’agissant de la réponse à une tribune parue dans un journal étranger, c’est à notre ambassadeur dans le pays concerné, qu’il revenait de poser un acte quelconque revêtant soit la forme d’un communiqué, d’une déclaration, d’une conférence de presse, pour faire connaître la version du gouvernement de son pays, après avoir été régulièrement instruit par les voies appropriées de l’outil diplomatique qu’est le ministère des affaires étrangères. Par ailleurs, au plan interne, s’agissant d’une affaire pendante devant la justice, en l’absence d’une action du premier ministre, en l’absence d’une action du ministre de la communication porte parole du gouvernement, c’est, en désespoir de cause, au ministre de la justice qu’il serait revenu de commettre un droit de réponse. Dans tous les cas, rien dans l’ordonnancement des organes institutionnels, l’opérationnalité constitutionnelle, l’agencement politique, n’autorise, ne favorise, ne présage une latitude du collaborateur privé du chef de l’Etat, plus connu pour s’occuper des affaires familiales et des missions secrètes, de remplacer le gouvernement, de s’arroger les prérogatives du principal architecte d’exécution de la mission de représentation qu’incarnent le ministère des affaires étrangères et ses démembrements. La Commission indépendante contre la corruption et la discrimination observe que cette nouvelle entorse dans le fonctionnement normal des institutions, la répartition des prérogatives et la validation des actes diplomatiques et politiques, crée un véritable malaise voire une confusion dans la communauté nationale, et suscite de multiples interrogations et surprises dans la communauté diplomatique présente sur le sol camerounais. La Commission craint particulièrement, que ce qui est de toute évidence un dérapage, n’installe finalement le pays dans une relative méconduite, une certaine mésintelligence, alimentant au passage des commentaires tendancieux sur la succession à la tête de l’Etat.

La Commission observe enfin, que les dérapages de toute nature, se sont accentués, depuis les dernières interpellations dans le cadre de l’opération Epervier. Des citoyens ordinaires, des commis de l’Etat, des familles entières, des universitaires de renom, des capitaines d’industrie, des banquiers, sont intentionnellement et sans doute gratuitement, accusés de mille combines, d’activités criminelles, de complots sans preuves. La Commission, rappelle enfin, s’agissant du cas de l’affaire Lydienne Eyoum, qu’il n’est pas judicieux, à moins de rechercher un résultat opposé, que des personnalités au plus haut niveau de l’entourage du Chef de l’Etat et des services organiques de la présidence de la république, s’expriment en premier, pour répondre aux exploits d’un journal étranger, car alors, aucune stratégie d’ultime degré, ne reste possible pour une démarche de réplique. Se taire tout court eu été manifestement la meilleure conduite, à défaut d’une réaction autorisée et institutionnelle de l’Ambassadeur du Cameroun à Paris. Enfin, le Cameroun est connu, pour entretenir avec la presse internationale, certes à des coûts onéreux, des relations régulières de promotion d’image, à l’instar du « prestigieux quotidien Le Monde », et de commander régulièrement les services de certains grands cabinets, à l’instar de celui que représente une certaine madame Balme. Ces relations auraient pu être mises à profit, pour éviter au pays, l’embarras et la distorsion institutionnelle, la confusion politique, et les interrogations inquiétantes qu’entraîne « la mise au point » somme toute claire et précise au fond, de « Son Excellence Monsieur le Ministre Directeur du Cabinet CIVIL du chef de l’Etat »

Shanda Tonme, président de la Comicodi


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