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Cameroun: Bamenda, comme une éclaboussure!

Par Suzanne Kala-Lobe Sur le drapeau du Cameroun, strié de vert rouge jaune, des éclaboussures suintent comme des crachats d'un…

Par Suzanne Kala-Lobe

Sur le drapeau du Cameroun, strié de vert rouge jaune, des éclaboussures suintent comme des crachats d’un rejet. Bamenda s’insurge ! Du moins une partie d’elle et le mouvement a fait date. De la rébellion des avocats, aux marches des étudiants, les villes, dont une partie des citoyens se réclament de l’anglophonie, ces mouvements sociaux exhument dans leur confusion, le mépris l’histoire politique des uns et d’une sublimation de soi par les autres.

Bamenda saigne donc avec ces blessures purulentes, des plaies mal pansées. Elle se greffe à une histoire coloniale qui a ravagé les intelligences au point qu’un pays indépendant et ses citoyens se laissent convaincre d’appartenir à une identité morcelé, fragmentée par l’ire impérialiste. Mais à Bamenda on se fiche un peu de cette histoire-là, pour se fixer à un présent qui semble flou et glauque. La violence des manifestations d’hier, stigmatise le désamour. Elle témoigne aussi d’un désarroi. Un malentendu. Une mésintelligence.

Des Camerounais du sud-ouest et du nord-ouest, s’identifient à une langue et font de leur territoire, une nation, sans que l’histoire ne le justifie entièrement. Ils revendiquent et s’assimilent à un séparatisme qui n’a jamais fait honneur au Cameroun. Le fédéralisme, dont certains semblent vouloir se référer pose un problème d’efficience et d’efficacité politique, avec des entités aussi faibles géographiquement, avec si peu de disparités…. Buea. Douala. Bamenda. Bafoussam. Où sont les différences de culte ? De langues ? De cosmogonie. Peut-on valablement au 21 siècle se réclamer

d’une partition conjoncturelle, qui fut essentiellement guidée par de sombres calculs et revendiquer un état nation et souverain sur des bases aussi fausses que farfelues ?

Les mouvements dans les rues de Bamenda, de Buea, ont ému de jeunes camerounais qui se sentent solidaires de cette révolte. Ils ont touché une partie de citoyens qui refusent d’être des citoyens de seconde zone et qui exigent à l’état d’accomplir ses missions régaliennes et d’appliquer sa Constitution. Egalité, équité entre les citoyens. Quelle que soit leur race. Leur classe. Leur sexe. Leur religion !!!!

Mais il y a un hic. Et c’est sans doute là où le bât blesse. La confusion des termes de la revendication. Son ossature et ses fondements. Le reproche juste d’un autoritaire et fortement centralisé, est fondé. Le jacobinisme est un héritage des deux colonies. Le gouvernement empêtré dans ces atavismes culturels a du mal à se résoudre à la décentralisation. Il n’arrive pas effectivement à donner aux régions leur autonomie politique par ce qu’il a du mal à proposer un projet global pour le Cameroun. Une charte. Un contrat social. Un Manifest Destiny. Car au-delà des programmes économiques pour l’émergence en 2035, il manque au Cameroun, une utopie salvatrice pour unifier les nationalités. Il lui manque ce consensus qui est une construction, qui intègre l’ensemble des problèmes.

Cependant, il est une chose qui me turlupine. C’est quoi la question anglophone dans un pays traversé par tant de cultures ? Avec des peuples qui se sentent abandonnés chacun dans son coin ? Comment un député peut-il prendre que l’autre partie de son pays veut le coloniser en lui imposant dit-il une autre langue coloniale ? Comment peut-on se revendiquer en ce troisième millénaire, de culture anglo-saxonne ou française, en vivant sous les flancs du Mont-Cameroun ou sur le long des côtes de l’Océan Atlantique? Le fait de parler une langue, notamment celles coloniale que sont le français et l’anglais, dans des circonstances qui n’ont pas toujours été le summum de l’équité culturelle, fait-il de nous des sujets de la reine d’Angleterre ou des descendants de Robespierre ?

Bamenda, est une blessure. Une éclaboussure sur le drapeau national. Une déchirure, révélatrice des malentendus idéologiques et politiques. Comme un amalgame aussi.

Car tout a commencé grâce à plan un machiavélique. La SDN décide de partager le Cameroun, en distribuant contre la volonté de son peuple une partie de son territoire à la France et à l’Angleterre, après la défaite de l’Allemagne. La vérité tout le monde la connait ! Il s’agissait juste d’une question d’équilibre entre les possédants afin que chacun s’octroie la part du gâteau que constituent les richesses de notre sous-sol.

Après l’histoire s’emballe au profit des calculs politiques prolifiques et des hésitations de la bourgeoisie commerçante camerounaise. On l’appelait alors – dans la terminologie marxiste- la bourgeoisie compradore. Les choses se figent, parce qu’aucun projet national ne nait, ni ne se construit.

Le Cameroun politique est brisé et ploie sous les coups de boutoir d’une répression féroce. Cette situation va favoriser la dissémination des marqueurs d’identité. La Nation est floue et ses contours sont estompés par les inégalités, le chômage et la pauvreté !!!Il y a alors comme une cristallisation autour d’une identité éphémère et difficilement stable. Outre les tribus qui crient famine et veulent exister comme nation, voilà que nait la nation allophone qui s’autoproclame Ambazonie, sous la houlette du SNCC, qui rejette le vert-rouge-jaune, et hisse le sien comme mouvement nationaliste. L’autre nation !!!!Il a le soutien et la sympathie d’une bonne partie de l’opinion qui se refuse à comprendre l’incongruité à se réclamer francophone ou anglophone, en pleine aire linguistique bantoue.

Le pouvoir quant à lui, multiplie les gaffes en oubliant des pans entiers de la nation. De régions enclavées. Des villages isolés. Sans eau, ni électricité. Mais alors pourquoi la révolte «anglophone» ? Pourquoi ce raz-le bol mené par des avocats en robe et des étudiants aux pieds nus ? Parce qu’il y a un arrière fond politique. Qui date de cette proximité avec le Nigeria, de cette guerre du Biafra. Autant de faits historiques qui ont convaincu des compatriotes, que nous n’étions pas du même pays. Parce que ne parlant pas la même langue coloniale .

Le ton est monté. La mayonnaise n’a pas pris. Et la rue a été de nouveau ensanglantée portant sur son linceul de goudron des corps piétinés.

Bamenda était comme une voie rouge. Une ville éclaboussée. Habillée par les meurtrissures d’une histoire qu’elle a du mal à avaler. Secouée par des malentendus et par les remugles d’une culture politique pétrie dans l’amalgame et la confusion. La partition du Cameroun est une affaire d’un autre temps. Les camerounais Nord-ouest et du Sud-ouest, sont définitivement camerounais. Ils vivent les tares d’une société sous-développée, comme les autres. Ils ne sont ni plus ni moins maltraités que les autres camerounais, de ce territoire serti de son drapeau vert-rouge -jaune et de ses 475 milles kilomètres carrés, dont les plans de redressement peinent à permettre l’épanouissement de chacun. Un développement séparé des dix provinces ? Non ! C’est plutôt les inégalités qui divisent les riches et les pauvres et non les «francophones» contre les «anglophones».


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