CultureMusique




Cameroun: Cartes sur table avec le Pr Magloire Ondoa

L'agrégé de droit analyse la situation d'impasse actuelle qui pourrit les sociétés de droits d'auteurs Pourquoi avoir choisi de garder…

L’agrégé de droit analyse la situation d’impasse actuelle qui pourrit les sociétés de droits d’auteurs

Pourquoi avoir choisi de garder le silence depuis votre départ de la Cpmc le 05 mars 2008?
C’est une question de tempérament. En dehors des problèmes de moindre importance, je suis de ceux qui prennent le temps d’observer et d’écouter avant de se prononcer. Le temps de l’observation peut être plus ou moins long selon les cas. Remplacé à la tête de la Cpmc, j’aspirais au repos car je sortais de quatre années de travail intense. On oublie souvent de souligner qu’à l’époque du Ministre d’Etat Léopold Ferdinand Oyono, j’avais déjà exprimé le besoin de me retirer. Et lorsque Mme Ama Tutu Muna m’a donné cette occasion, je me suis senti soulagé. J’ai donc pris du recul par rapport au droit d’auteur pour davantage me consacrer à mes activités d’enseignement, de recherche et d’encadrement des travaux de mes nombreux étudiants. Croyez moi, ces activités sont accaparantes.

Vous n’en voulez pas à la ministre Ama Tutu Muna?
Absolument pas. Pourquoi lui en voudrais-je alors qu’elle a fait ce que je souhaitais ?

Pourquoi à votre avis vous a- t-elle remplacé?
Elle seule peut le dire; car vous le savez, la nomination est discrétionnaire. Je pense pour ma part qu’elle est arrivée au Ministère de la Culture avec l’obsession de changer le logiciel du droit d’auteur.

De l’avis de nombreux artistes et observateurs, les choses s’étaient pourtant nettement améliorées ?
Elle a peut être pensé que le départ du ministre d’Etat Léopold Ferdinand Oyono exprimait la condamnation de la politique qu’il avait impulsée à la culture. Elle voulait à mon sens absolument apporter quelque chose. Elle a seulement oublié que pour apporter quelque chose, il ne faut pas nécessairement changer les choses ; il suffit de faire avancer les choses. Mais faire avancer les choses est plus compliqué, puisqu’il faut d’abord observer et poser un diagnostic lucide, préserver les acquis ; cela exige du temps. Or elle était pressée et a donc choisi la voie du changement radical qui est facile, imprudente et faussement courageuse. Il se pourrait aussi qu’elle ait trop facilement cédé aux sirènes d’une minorité d’artistes à la recherche d’argent et de positions de pouvoir ; ou de fonctionnaires du Ministère de la Culture qui voyaient d’un mauvais il que le Ministre Oyono ait confié la conduite du droit d’auteur à des « intrus ». Le fait qu’elle ait trop hâtivement cédé à ces sirènes, en refusant d’écouter l’écrasante majorité qui lui recommandait la prudence, montre à loisir qu’elle voulait tout changer. Sa volonté rageuse de tout effacer sans discernement préalable, a pris le dessus.

La nouvelle équipe monopolise les antennes de la Crtv, répétant que rien n’a été fait avant elle. Qu’est ce que vous avez trouvé à votre arrivée?
Mon premier contact avec le milieu du droit d’auteur a lieu le 03 septembre 2003, lorsque le Ministre d’Etat Ferdinand Léopold Oyono me désigne pour co-présider, avec Francis Kingué, la réunion qui devait aboutir à la création de la Cmc. A cette époque qui faisait suite à la dissolution de la Socinada, seuls la loi du 19 décembre 2000 et le décret du 1er novembre 2001 existaient. De plus, la communauté artistique était engluée dans des querelles. Les musiciens étaient divisés entre trois organisations, notamment la Socim de Grâce Decca, la Socadrom de Ekambi Brillant et l’Amdc de Manu Dibango et Jacky Toto. Il y avait également trois branches de la Socidrap : celle légale de Muma John, la Socidrap consensuelle de Clément Tjomb et la Socidrap fondamentaliste de Ngwa Ayolo et Nomo Zanga. La Socadap n’existait que dans les sacs de Ondigui Onana avant que Mme Fouda lui prête provisoirement un deux pièces au carrefour Fouda. La Sociladra était également dans la tourmente : elle était logée au sous-sol de la Pharmacie du Marché au Marché Central ; la légitimité de son Président, Professeur Mono Ndjana était contestée ; on lui reprochait d’avoir utilisé les mémoires et des fausses procurations de ses étudiants à l’université pour être élu, avec la complicité de Mr Efoua Mbozo’o. Il n’y avait ni barème de perception, ni barème de répartition inter social, ni compte spécial de dépôt, ni Commission Permanente de Médiation et de Contrôle. Les tensions entre les artistes et le Ministre de la Culture étaient vives. Les répartitions n’étaient pas faites ; les relations avec les usagers étaient les plus mauvaises. Pour vous édifier, sachez que par exemple du 1er janvier au 30 juin 2004, toutes les sociétés de droit d’auteur n’avaient perçu que trente millions de FCFA ; et en décembre 2004, les cent millions de fcfa payés par la Crtv avaient été confisqués par la Cmc. En un mot, tout ou presque était à construire ; d’autant que le seul usager qui s’acquittait de la redevance du droit d’auteur était la Crtv. Personne ne pensait aux autres usagers.

Après avoir dirigé la Cpmc pendant quatre années que dire de votre bilan ?
Après l’entrée en fonction de la Cpmc le Ministre d’Etat Ferdinand Léopold Oyono avait défini les grandes orientations du travail à faire: l’élargissement de la base de perception, la sécurisation des redevances perçues, la mise en place des sociétés de droit d’auteur, l’élaboration des barèmes de perception et de répartition inter sociale, la mise en activité de la loi du 19 décembre 2000 et du décret du 1er novembre 2001, la création d’un climat de sérénité dans le milieu des artistes, etc. La mission était lourde. Pour mériter la confiance placée en elle, la Cpmc s’était mise au travail. Ce travail a aboutit à l’élaboration de soixante textes qui régissent encore la gestion collective du droit d’auteur, après d’âpres négociations avec les usagers. Certaines, comme celles avec le Gicam ont duré près de deux ans. Aucune des soixante décisions n’a été signée sans négociations et accords préalables avec les usagers concernés. Y compris les sociétés brassicoles et même la Crtv; car certains ont tendance à oublier que le Professeur Mendo Ze et M. Vamoulké ont tous négocié l’accord de la Crtv avec les sociétés de gestion collective du droit d’auteur. Par ailleurs, les sociétés de droit d’auteur ont été organisées et mise en place ; des assemblées générales ont eu lieu. Bref le cahier de charges prescrit par le Ministre d’Etat Ferdinand Léopold Oyono avait été rempli, à la satisfaction des sociétés étrangères, des organisations internationales (qui ont marqué leur satisfaction par écrit), de l’écrasante majorité des artistes, du chef d’Etat (interview à France 24).

Votre réponse est en rupture avec ce que disent l’actuelle Ministre de la Culture et votre successeur. Quelle est votre réaction ?
Quand on a pour seul programme d’action que le dénigrement de son prédécesseur, c’est qu’on ne sait pas quoi faire. La vérité c’est qu’il y a une volonté manifeste d’abuser l’opinion. Mais personne n’est dupe. Tous les soixante textes avaient été conservés et existent au cabinet du Ministre de la Culture, accompagnés des conventions qui avaient permis de les signer. Par ailleurs, lors des travaux du Comité d’Evaluation, ils avaient tous été examinés. Comment peuvent-ils avoir disparus dans l’intervalle ? De plus le Président de la Cmc les avait transmis au Ministre de la Culture. Enfin, tous les usagers, y compris le Gicam, la Crtv, les Brasseries du Cameroun ont chacun dans ses archives les conventions qu’ils ont signées avec les sociétés de droit d’auteur. Les faits sont là ; ils parlent d’eux-mêmes et aucun lavage de cerveaux ne réussira à les faire oublier. D’autant que la différence est nette entre ce qui se passait avant et ce qui se passe aujourd’hui. Qu’est ce qui est servi aux artistes aujourd’hui ? Ce sont les annonces, les accusations, les discours, les persécutions, les menaces. Sous Ferdinand Oyono, les répartitions étaient trimestrielles, régulières et conséquentes ; les artistes malades étaient pris en charge ; les artistes décédés étaient dignement inhumés ; la création artistique était encouragée par des aides issues du compte d’Affectation Spéciale et de la Cpmc ; le sourire et l’espoir étaient revenus dans les milieux des artistes ; il n’y avait pas deux sociétés de musiciens, mais une seule. Bien sûr, tout n’était pas parfait ; mais les conditions de vie des artistes s’étaient sensiblement améliorées. Aujourd’hui, elles se sont effroyablement dégradées et ce n’est un secret pour personne, malgré les discours. Même les plus fervents partisans de l’actuelle équipe le reconnaissent.

Magloire Ondoa
Journalducameroun.com)/n

La Ministre de la Culture a réuni les artistes pour vanter l’accord avec les Brasseries du Cameroun ; or on se souvient, qu’après de fortes négociations avec les sociétés brassicoles, la décision du 12 mai 2006 officialisant la retenue de 15fcfa par casier vendu était signée. Peut-on revenir sur les termes de cette décision ?
Je vous remercie de rappeler que la Cpmc à notre époque avait bel et bien négocié avec les sociétés brassicoles. Lesquelles négociations avaient dessiné des mécanismes simples. Il suffisait de connaître le nombre de casiers vendus par les Bars et Débits de Boisson et de multiplier ce nombre par quinze francs, pour obtenir le montant de la redevance à payer. Ce montant devait être retenu par les sociétés brassicoles et reversé trimestriellement aux sociétés de droit d’auteur. Ce mécanisme n’était pas seulement simple ; il était aussi juste, puisque le montant dû était proportionnel aux ventes. Lorsque je partais de la Cpmc, les sociétés brassicoles souhaitaient que les prélèvements soient faits sur les ristournes et non par majoration du prix des boissons. Elles souhaitaient également obtenir des pondérations et des abattements. Les négociations étaient quasiment terminées. L’Ucb attendait que les Brasseries du Cameroun donnent le ton pour effectuer les premiers paiements. Seule la société Guinness traînait le pas.

Quel commentaire vous suggère le nouvel accord ? Entre les deux accords quel est celui qui peut valablement profiter aux artistes ?
Mme Ama Tutu Muna a abrogé la décision des 15fcfa par casier. C’est son droit. Mais y’a-t-il eu un nouvel accord ? Je ne sais pas, puisque je n’ai vu ni un accord, ni une décision. Ce que j’ai vu, c’est une lettre d’information signée par la Ministre, le Président de la Cpmc, la Présidente de la Socam et le Président du Synédeboc. Curieusement, cette lettre d’information ne porte aucune signature des Brasseries du Cameroun. Si un accord existe pourquoi le cacher ? Je me demande encore si les Brasseries du Cameroun peuvent signer un accord avec une société dont l’agrément a été suspendu par la Cour Suprême. Quoi qu’il en soit, le mécanisme annoncé sent fortement le réchauffé. Il ressemble à s’y méprendre, à celui que nous avions refusé à notre époque. Après l’avoir expérimenté pendant quelques mois, Jean Claude Laurent, le Directeur Général de la Cmc avait conclu qu’il était sinon irréalisable, du moins très difficile à réaliser. Car il postule que les Bars et Débits de Boisson soient classés par catégories devant payer annuellement entre 29.000FCFA et 85.000FCFA. Et la Socam doit convaincre chacun des Bars et Débits de Boisson de signer un document autorisant les Brasseries du Cameroun à prélever ce montant sur ses ristournes. Les faiblesses de ce mécanisme apparaissent aisément. D’abord, seules les Brasseries du Cameroun semblent concernées ; ensuite, même les Brasseries du Cameroun doutent de la représentativité et de la capacité de mobilisation du Synedeboc, puisque d’autres syndicats existent qui ne se sentent nullement concernés par l’accord ; enfin et surtout, il existe entre trois cent et quatre cent mille Bars et Débits de Boisson (estimation des Brasseries du Cameroun) répartis sur les 475.000 km2 qui constituent la superficie du Cameroun. La Socam dispose t-elle de moyens financiers, humains et matériels lui permettant de faire le travail préalable des collectes de signatures ? En combien de temps ? Et en attendant que fera t-elle pour vivre ? C’est dire qu’en dehors des effets d’annonce, cet accord, c’est de la poudre aux yeux. J’ai entendu dire que selon le Président de la Cpmc, cet accord devrait produire un milliard dont à peu près trois cent millions de Fcfa en septembre. Attendons de voir.

Pourtant il se dit partout dans les milieux des artistes que le Premier Ministre a félicité la Ministre de la Culture pour cet accord.
Je ne crois pas que ce soit vrai. Il me semble surréaliste de penser que le Premier Ministre soutienne un Ministre en rébellion contre la justice, lui qui dirige un gouvernement dont l’un des axes politiques majeurs est la promotion de l’Etat de droit. Ne l’oublions pas, l’Etat de droit postule la soumission aux décisions de justice. Il oblige le gouvernement à prêter main forte à la justice pour l’application de ses décisions. Sauf s’il a été mal informé, il me semble également impossible que le Premier Ministre se satisfasse d’un accord aussi friable.

La nouvelle Ministre est-elle responsable du désordre actuel?
Soyons juste. La responsabilité de la crise actuelle du droit d’auteur n’incombe pas entièrement à Mme Ama Tutu Muna. Elle résulte d’une conjonction de facteurs dont l’un des plus importants est lié au fait que la Ministre de la Culture a manqué de prudence. Elle a commis une erreur de diagnostic qui a eu des conséquences désastreuses. Elle s’est laissée embrigader et manipuler par un petit groupe d’artistes, de fonctionnaires du Ministère de la Culture et de personnalités, qui n’avaient du droit d’auteur et du milieu artistique qu’une connaissance approximative. En ce sens, tous ceux qui ont transposé dans le milieu du droit d’auteur des problèmes personnels ; les artistes et les journalistes qui ont propagé et diffusé des contrevérités ; toute personne qui a saisi l’occasion de l’arrivée de Mme Ama Tutu Muna au Ministère de la Culture pour régler des comptes personnels ou assouvir sa soif de pouvoir, ont leur part de responsabilité dans la survenance de la crise actuelle.

La Ministre et son équipe ne veulent pas se soumettre aux ordonnances de la Cour Suprême. Comment faire ? Que peut faire La Cmc?
Il est regrettable que la Ministre de la Culture s’obstine à défier la justice. Nous sommes devant un cas typique de rébellion qui ouvre à une avalanche d’actions judiciaires : certaines contre les personnes concernées (rébellion, faute personnelle) et les responsables de la Socam (escroquerie) ; d’autres contre l’Etat (responsabilité pour inexécution d’une décision de justice, devant le juge judiciaire, avec substitution de responsabilité et action récursoire).

Comment en est -on arrivé à deux sociétés de droit d’auteur de l’art musical ?
Cette situation est due à l’incompétence des conseillers juridiques de la Ministre qui ont pensé à tort qu’un certificat de dépôt d’une demande de sursis avait la même valeur qu’une ordonnance de sursis à exécution. Les avocats de la Cmc leur avaient servi le certificat de dépôt le 07 juin 2008. Pensant que ce certificat de dépôt suspendait l’Assemblée Générale Extraordinaire de la Cmc qu’ils avaient convoquée, ils avaient décidé de transformer les travaux en Assemblée constitutive de la Socam. C’est cette faute juridique qui a mis la Ministre dans le pétrin actuel.

A votre avis qu’est ce qui va se passer au plan juridique à propos de l’affaire Cmc/Ministère de la Culture ?
Au plan juridique, la Cmc restera en position de force pendant encore à peu près deux ans. Il faut savoir que l’ordonnance de sursis du 17 décembre 2008 est devenue définitive, c’est-à-dire inattaquable, depuis l’échec du fameux recours en révision introduit par le Ministère. Cette ordonnance du 17 décembre 2008, qui suspend les décisions de la Ministre, restera en vigueur jusqu’à ce que le jugement au fond devienne lui aussi définitif. L’on se retrouve alors devant deux hypothèses : soit le jugement de fond est favorable à la Ministre, soit il est favorable à la Cmc. S’il est favorable à la Cmc, le débat est clos, sauf hypothétique et éventuelle infirmation en appel. S’il est favorable à la Ministre, il n’aura pas d’effet immédiat, puisque la Cmc peut provisoirement le neutraliser par la voie de l’appel. Car on le sait, l’appel est suspensif.

On n’est pas sorti de l’auberge alors ?
Absolument pas. Et les délais des jugements jouent contre le ministère.

Il y aura donc encore une société de musiciens légale (Cmc) et une autre administrative soutenue par la Ministre (Socam) !
Au plan juridique, il n’y a qu’une société de musiciens, c’est la Cmc.

Que dire de la Socam qui continue d’exhiber son agrément ?
La Socam n’a plus d’agrément ; ce qu’elle exhibe n’est qu’un papier sans valeur. Car si le juge n’a pas le pouvoir de donner un agrément, il a néanmoins le pouvoir de dépouiller un agrément de toute sa valeur, ou alors de restituer à un agrément toute sa valeur. C’est un pouvoir que lui confèrent la Constitution et les Lois de la République contre tous les actes des autorités administratives.

Mais la ministre et le président de la Cpmc disent que l’agrément de la Cmc a expiré le 15 septembre 2008…
Cet argument est spécieux. D’abord les décisions de justice ont un effet rétroactif. Dans le cas d’espèce, l’Ordonnance du 17 décembre 2008 prend effet à compter du 12 mai 2008, date de retrait de l’agrément de la Cmc. Cela signifie en droit que la décision retirant l’agrément de la Cmc est censée ne jamais avoir existé. La Cmc avait donc encore à peu près quatre mois de jouissance de son agrément, si la Ministre avait exécuté la décision du juge. Or elle ne l’a pas fait. De plus, même si elle l’avait fait, le décret d’application de novembre 2001 pose que tout refus d’agrément doit être motivé. En droit, l’obligation de motivation entraîne le contrôle du juge. En mots simples, cela signifie que la Ministre de la Culture doit expliquer pourquoi elle refuserait de renouveler l’agrément de la CMC. Si elle refuse de renouveler et n’explique pas son refus, le juge annulera sa décision de ne pas renouveler .Par ailleurs, si elle refuse de renouveler en expliquant son refus, le juge vérifiera si les raisons invoqués sont valables. En termes juridiques, on dit que le juge contrôle l’exactitude matérielle des faits, la qualification juridique des faits, l’erreur de droit et le détournement des pouvoirs. Sur la base de ces contrôles qui peuvent être cumulatifs, le juge peut annuler la décision de ne pas renouveler l’agrément de la Cmc.

La Ministre est donc obligée de renouveler l’agrément de la Cmc?
Oui. Absolument. D’autant plus que les raisons qui pouvaient valablement justifier le refus de renouveler sont celles que la Ministre a évoquées et qui auront été désavouées par le juge. D’autant plus par ailleurs, que depuis près d’un an l’agrément de la Sociladra, celui de la Socadap n’ont pas été renouvelés. Cela signifie que la Ministre a opté pour le renouvellement par tacite reconduction. Si elle empêche la CMC de travailler pour non renouvellement de son agrément, elle sera coupable de faire deux poids deux mesures. Sur la base du principe d’égalité, le juge annulera sa décision et même engagera la responsabilité de l’Etat.

A penser qu’on ne sera pas sorti de l’auberge avant à peu près deux ans comme vous le dites qu’est-ce qui va se passer sur le terrain ?
J’ai l’impression que la Ministre entend utiliser l’arme de l’usure en comptant sur un éventuel essoufflement de la Cmc, qui laisserait le champ libre à la Socam. Mais ce calcul est trop optimiste et quelque peu naïf. D’abord connaissant Sam Mbende, il ne lâchera jamais tant qu’une décision de justice ne l’y obligera pas éventuellement. Il est d’autant plus conforté dans cette posture que de nombreux artistes le soutiennent et l’encouragent à persister. Par ailleurs, la Cmc n’est pas menacée puisque son loyer est garanti jusqu’en 2012. Ce qui n’est pas le cas de la Socam qui désormais, est privée des ressources fondamentales que lui procuraient les bars et débits de boisson au quotidien. C’est dire qu’en réalité le prétendu accord signé avec les Brasseries du Cameroun n’est qu’une balle tirée dans les jambes de la SOCAM ; car la CMC n’étant pas concernée par cet accord et l’ayant fait savoir aux Brasseries du Cameroun, continue ses perceptions sur le terrain ; ce que ne peut pas faire la SOCAM qui est liée par ses engagements à l’égard des bars et débits de boisson.

Au cours de l’émission  » Politude  » diffusée aux antennes de la Crtv, poste nationale, le Professeur Minkoa She pense que la Cmc de Sam Mbende n’a pas qualité pour ester en justice parce que l’agrément querellé ne lui revient pas. Qu’en pensez-vous ?
J’ai en effet entendu parler de cette histoire de registre de commerce qui disqualifierait Sam Mbende. Pour moi, il s’agit d’une blague. Les avocats de la Cmc attendent que cet argument du registre de commerce soit invoqué devant le juge. Pour l’instant, il ne l’est pas. Lorsqu’il le sera, il recevra les répliques nécessaires. Je ne veux pas les dévoiler ici. Sachez seulement qu’un recours en annulation est un recours objectif. Et que par ailleurs tout artiste membre de la Cmc a qualité pour contester devant le juge un acte administratif portant retrait de l’agrément de sa société. A fortiori Sam Mbende qui est le Président du Conseil d’Administration de la Cmc. D’autant que l’élément permanent qui atteste de l’existence et de l’identité d’une société, c’est la dénomination sociale. C’est pour cela que la dénomination sociale et la durée d’une société sont intimement liées.

Au cours de la même émission, La Ministre a, par la voix du Professeur Minkoa She, agrégé de droit, affirmé que si la Cour Suprême annule la décision de retrait de l’agrément de la Cmc, ce sera une  » forfaiture « . Pour l’enseignant de Droit que vous êtes, n’est ce pas là un mépris et une incitation à la rébellion ?
Je préfère considérer que sa langue a glissé.

Toujours dans la même émission le Professeur Minkoa She a qualifié votre méthode de  » populiste « . Que répondez-vous à cette injure ?
Lorsqu’on insulte c’est qu’on a perdu son sang froid. Demandez au Professeur Minkoa She de se ressaisir ; le temps d’ouvrir son Dictionnaire de Science Politique pour y découvrir la signification du mot  » populisme « . J’ai une conception de la fonction de Président de la Cpmc qui est différente de la sienne. Je pense qu’on ne peut pas sérieusement prétendre servir les artistes à ce poste en étant loin, et au dessus d’eux. Il faut être très proche d’eux. Je pense aussi que la fonction de Président de la Cpmc requiert des qualités humaines, la souplesse, la générosité, la disponibilité. Elle ne s’accommode pas de l’outrecuidance. Si on ne peut pas se réveiller à minuit pour écouter un artiste en difficulté, ou manger, boire, rire et pleurer avec les artistes, on n’est pas Président de la Cpmc ; mais un bureaucrate au sens le plus froid et insensible du mot. Les artistes ont besoin de c ur, de chaleur humaine ; ils veulent se sentir aimés, suivis, assistés, aidés. Ce n’est qu’à cette condition qu’ils acceptent d’écouter et de se faire guider. Le Président de la Cpmc doit savoir se faire accepter. Si se faire accepter par les artistes c’est du populisme, alors je suis populiste et fier de l’être.

Que faut-il faire pour sortir le droit d’auteur de l’impasse actuelle ?
En un mot, je dirais que pour ramener la sérénité dans le droit d’auteur aujourd’hui, il ne faut pas faire ce que font la Ministre et la Président de la Cpmc maintenant. Leur attitude n’est pas celle des rassembleurs mais elle est plutôt celle de chefs de clans ou de factions. On ne rassemble pas en diabolisant l’une des deux parties. On écoute tout le monde ; on essaie de comprendre tout le monde ; on explique, on dialogue. Or, la demande d’audience de M. Sam Mbende adressée à Mme la Ministre depuis le mois de mai 2008 est jusqu’à présent restée sans réponse. Ce refus de recevoir M. Sam Mbende n’est pas de nature à promouvoir la paix, puisqu’il se sent rejeté, banni et en est choqué. Par leur attitude, la Ministre et le Président de la Cpmc ne prennent pas la hauteur et la distance que leur imposent leurs fonctions respectives. Ils ne sont pas au-dessus des combattants ; ils sont des combattants. La solution commande donc d’abord de se soumettre aux décisions de la justice en fermant la Socam. Ensuite organiser une assemblée générale élective à la Cmc ; élections auxquelles devront participer Sam Mbende, Odile Ngaska forcément. Et la Cmc devra être présidée par celui ou celle qui gagnera ; cela suppose au préalable des discussions sérieuses et profondes avec Sam Mbende et tous les leaders du milieu artistique. Après cette phase, le Président de la Cpmc devra rencontrer à nouveau les usagers, au moins les plus grands, pour les rassurer.

A qui revient le droit de convoquer cette assemblée générale de la Cmc ?
Au président de la Cmc bien sûr ; c’est à dire Sam Mbende.

Acceptera-t-il de le faire ?
Evidemment. J’en ai longuement discuté avec lui. Il est d’accord pour le faire, dans l’intérêt des artistes, si la ministre redevient républicaine en acceptant d’appliquer les décisions de la Cour Suprême.


Journalducameroun.com)/n