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Cameroun: Comment Bolloré est entré au port de Kribi

D'après la télévision publique française, la proposition du patron du groupe Bolloré n'avait pas été retenue lors de l'étude des…

D’après la télévision publique française, la proposition du patron du groupe Bolloré n’avait pas été retenue lors de l’étude des offres; avant l’intervention de François Hollande

Le consortium franco-chinois Bolloré/CMA-CGM/CHEC (BCC), attributaire en août 2015 du contrat de concession du terminal à containers du Port de Kribi, n’aurait pas été retenu initialement lors de l’étude des offres, selon une investigation menée au Cameroun par les journalistes de France 2. Le public a pris connaissance de cette nouvelle hier, jeudi 07 avril 2016, lors de la diffusion d’une édition de Complément d’enquête, intitulée: «Bolloré, un ami qui vous veut du bien?»

L’émission, diffusée à 21h40 sur la télévision publique française, était consacrée au portrait de l’industriel français et sur des domaines dont l’homme d’affaires parle très peu: ses investissements en Afrique. Le continent absorbe 25% du chiffre d’affaires du groupe Bolloré et génère 80% de ses bénéfices.

Lobbying au niveau des chefs d’Etat
Dans le document publié hier, les journalistes de France 2 font parler à visage caché un responsable administratif camerounais qui assure avoir été à l’étude des dossiers d’appels d’offres des sociétés intéressées par la gestion du terminal à containers du nouveau port de Kribi, dans le sud du Cameroun.

«Il n’était même pas classé (.) son offre était devenue économiquement peu viable», déclare la source de Complément d’enquête. En avril 2015 en effet, quelques médias camerounais et des agences de presse avaient relayé les résultats, non officiels, de la commission gouvernementale chargée de recommander un gestionnaire du terminal à containeurs au port de Kribi. Le choix avait été porté ici sur le philippin ICTSI, et son associé Amp terminals, une structure de l’armateur danois A.P. Moller-Maersk. On apprenait alors que des «réserves» avaient été émises sur l’offre du consortium Bolloré-Cma-Cgm-Chec (BCC).

Seulement, le 03 juillet 2015, le président français, François Hollande, se rendra au Cameroun en visite d’Etat. Parmi les sujets évoqués, il ne sera nullement fait état, officiellement, du projet du port en eau profonde de Kribi. Et pourtant, tout se serait joué au cours de cette visite, d’après l’enquête de France 2 dont les auteurs indiquent qu’elle a été menée sur six mois.

Moins de deux mois après la visite de François Hollande, le consortium BCC porté par Bolloré se verra finalement attribuée le contrat de concession du terminal à containers de Kribi. «Il y a des intérêts qu’on ne maîtrise pas», déplore la source contactée par les journalistes de la télévision publique française.

Vincent Bolloré
gala.fr)/n

Au Cameroun, comme dans d’autres pays africains
La méthode aurait été la même en Guinée, autre pays choisi par les journalistes de la télévision publique française. Là aussi, dans des conditions peu transparentes, l’enquête montre comment la convention de concession du port de Conakry qui liait le pays au groupe français Getma/Necotrans fut résiliée au profit du groupe Bolloré. Groupe dont le PDG, Vincent Bolloré, est volontiers présenté par le président Alpha Condé comme «un ami».

Dans son lobbying, l’industriel français – parti comme il se présente dans l’émission d’une «entreprise familiale de 2 francs» à «un groupe de 15 milliards (d’euros)», peut compter sur des hommes politiques français de gauche ou de droite; et sur de nombreux chefs d’Etat africains. L’enquête met au gout du jour des stratégies de séduction envers les présidents africains, à travers des médias dont l’homme d’affaires est le propriétaire (la télé Direct 8, les gratuits Direct Matin et Direct Soir, et peut être bientôt Canal+; ou à travers le groupe Havas Media (spécialisé dans le conseil et l’achat d’espaces médias), dont il est le propriétaire.

Le groupe Bolloré est présent dans 55 pays dont 45 en Afrique.

«Défendre Bolloré en Afrique, c’est défendre les intérêts français», juge la journaliste et essayiste Sophie Coignard, co-auteur avec Alexandre Wickam du livre «la Nomenklatura française, pouvoirs et privilèges des élites» (P. Belfond, 1986). Elle était invitée à l’émission Complément d’enquête jeudi, 07 avril 2016.

«C’est l’un des 10 hommes les plus puissants de France», estime Sophie Coignard.

Vincent Bolloré et le chef d’Etat camerounais Paul Biya se sont rencontrés mercredi, 06 avril 2016, à Yaoundé. Au sortir de l’entretien entre les deux personnalités, les médias n’ont été édifiés que sur.ce que Vincent Bolloré a bien voulu dire.

Dans Complément d’enquête diffusée jeudi, le milliardaire breton annonce qu’il va prendre sa retraite le 17 février 2022, lorsque son groupe familial Bolloré aura atteint son 200ème anniversaire. La relève à la tête du Groupe devrait être alors être confiée à l’un de ses quatre enfants.

Outre les ports (Douala et Kribi) et les chemins de fer (Camrail), le Groupe Bolloré est aussi présent au Cameroun dans l’exploitation des palmiers à huile
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