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Cameroun – crise alimentaire : Louis-Marie Kakdeu accuse le GICAM de faire du chantage

Cameroun - crise alimentaire
Louis-Marie Kakdeu, économiste

Dans une tribune publiée ce 11 novembre 2021, l’économiste s’insurge contre les plaintes du Groupement inter patronal du Cameroun (Gicam). Le GICAM déplore la flambée des prix à l’importation, le renchérissement exponentiel de leurs coûts qui peuvent aboutir à  une crise alimentaire dès janvier 2022. Ci-dessous l’opinion de Louis-Marie Kakdeu. 

 

 

 

 

Je défends la production nationale contre tout projet d’importation massive. Juste pour vous donner une figure, les importations du Cameroun sont passées de 700 à 1400 milliards de FCFA rien qu’en denrée alimentaire entre 2015 et 2020 (5ans!). On observe la même tendance dans le déficit de la balance commerciale qui a dépassé les 1400 milliards en 2020. Cette situation est intenable pour l’économie nationale et c’est dans ce contexte qu’intervient le chantage du Patronat à travers le GICAM. En effet, le patronat menace suite à sa réunion de concertation ce 9 novembre 2021 de cesser ses activités d’importation à partir de janvier 2022 c’est-à-dire dans un mois et demi.

Qu’est-ce que le patronat au Cameroun ?

C’est une association dominée par les commerçants c’est-à-dire des opérateurs économiques qui ne créent pas localement les richesses. Ils trouvent plus intéressants d’importer les produits fabriqués à l’étranger en vue de réaliser quelques fois jusqu’à 300% de marge bénéficiaire. C’est cela qui fait du Cameroun, une économie extravertie dont le total des importations a dépassée 3850 milliards de FCFA en 2019 (Plus de 4/5 du budget national à l’époque).

Le gouvernement ne doit pas céder

En économie, c’est le marché qui est souvent difficile à avoir. Or, au Cameroun, le marché est disponible et c’est l’offre (étrangère) qui fait le chantage. Cette offre ignore que c’est elle qui devait même payer le droit d’accès au marché comme c’est le cas dans les pays normaux. Au lieu de protéger son marché, le Cameroun l’avait indûment ouvert à outrance à travers des accords commerciaux mal négociés comme l’accord APE avec l’UE qui est défavorable à la production nationale. Si les patrons sont tant fâchés, ils n’ont qu’aller vendre un peu leurs produits importés à bas coûts aux USA.

Une opportunité pour le Made in Cameroon

Finalement, les défenseurs de la production nationale pourraient obtenir gratuitement la réduction des importations massives. Ce serait un joli cadeau de fin d’année ! S’il y a moins d’importations, la concurrence déloyale appliquée aux produits locaux prendra naturellement fin et l’on pourrait assister à une véritable éclosion de l’économie camerounaise. C’est une opportunité pour le made in Cameroon. Merci au GICAM!

Et quitte de la famine ou du renchérissement du coût de vie?

L’argument du chantage est de dire que les populations mourront de faim si les importations venaient à s’arrêter. Les associations des consommateurs accuseront donc le GICAM de vouloir affamer les populations. Soit! Mais, rien de grand ne s’est fait sans efforts. Il n’y a pas de réformes structurelles qui soient populaires à travers le monde. Certains Hommes politiques doivent apprendre à être impopulaires pour changer la société. Lorsque Tatcher reformait la Grande Bretagne pour lui permettre de vivre sans les colonies, la rue avait abondamment grogné. Mais, elle a réussi et ce pays arrive à vivre aujourd’hui sans la dépendance à l’extérieur, même pas de l’UE. C’est une question de vision!

A nous de choisir ce que nous voulons. C’est notre droit fondamental. Pour ma part, les populations ne mourront pas de faim. D’une part, les producteurs du monde entier qui ont besoin du marché se bousculeront aux portes du Cameroun. J’en connais déjà en Chine qui attendent l’opportunité. Cela permettra au Cameroun de rompre avec les vieux accords coloniaux et de renégocier les conditions d’accès à son marché.

En ce moment-là, nous aurons à dire! Par exemple, le Nigeria donne des avantages fiscaux aux importateurs proportionnellement au montant des investissements consentis dans une année à la production dans le pays. Ainsi, le pays sait qu’avec ces investissements rendus progressifs au niveau local, l’on tournera dans un avenir proche la page des importations massives. Pourquoi ne pouvons-nous pas faire ça au Cameroun ? Ensuite, je peux vous rassurer que la révolution agraire est possible en trois ans. C’est l’offre politique que portait Bernard Njonga. Nous n’avons qu’à essayer, non?

Par Louis-Marie Kakdeu, économiste


A SAVOIR

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