Ils sont le premier maillon sur lequel s’appuient les autorités pour gouverner les populations
2 000 chefs traditionnels venus des quatre coins du Cameroun ont participé les samedi 27 et dimanche 28 mars 2010 au Palais des congrès de Yaoundé, au premier forum des chefs traditionnels du Cameroun. La manifestation était présidée par le président de l’Assemblée nationale, Cavaye Yeguie Djibril, lui-même lamido de Mada dans la région de l’Extrême-Nord. Il garde par ailleurs la casquette de président d’honneur de l’association nationale des chefs traditionnels du Cameroun. De nombreux responsables et anciens hauts responsables de l’administration qui occupent les places de chefs traditionnels dans leurs régions d’origine, étaient présents. Jacques Fame Ndongo, ministre de l’Enseignement supérieur et chef traditionnel de Nkolandom (Sud du pays), Martin Belinga Eboutou, Directeur du cabinet civil de la présidence de la République et chef traditionnel de Nkilzok (sud du pays). Egalement présents, Ibrahim Mbombo Njoya, le sultan des Bamoun, Camille Mouthé à Bidias chef de Byamessè (région du centre) Alim Hayatou le lamido de Garoua.
Les observateurs relèvent une manipulation
Officiellement, le motif de la rencontre était de créer un cadre qui puisse permettre de faire un état des lieux de la chefferie traditionnelle au Cameroun et mettre sur pied le conseil national. Dans les différentes prises de paroles, les interventions avaient plus des allures de précampagne en faveur du président Paul Biya, affirme une source proche de l’évènement. Les chefs traditionnels doivent apporter tout leur soutien au président de la République, son excellence Paul Biya, pour une victoire à la prochaine élection présidentielle de 2011, a affirmé le président Cavaye Yeguie Djibril. L’implication d’un nombre important de chefs traditionnels dans l’atteinte des objectifs politiques n’est pas une première au Cameroun. Les administrations coloniales et post coloniales successives y avaient recours, lorsqu’il fallait faire comprendre certaines choses au peuple. Selon certains analystes politiques, si le président Biya remporte les élections présidentielles de 2004, c’est grâce aux dynamiques élites et chefs traditionnels du grand nord, qui jouissent encore d’une forte emprise sur les consciences. Je me souviens que des villageois se concertaient avec le chef sur le bulletin à choisir avant de rentrer dans des isoloirs affirme un ancien observateur des élections qui ajoute un bon exemple de scrutin libre.
Objectif présidentielles 2011
Le président de l’Assemblée nationale a réussi le tour de force, de dissocier malgré toutes les apparences la rencontre des objectifs politiques. Les chefferies traditionnelles du Cameroun sont à l’origine des micro-états. A l’époque coloniale, les puissances européennes qui se sont succédées au Cameroun s’appuieront sur celles-ci pour asseoir leur pouvoir. Le chef traditionnel devenant alors l’indispensable auxiliaire entre la population et le pouvoir colonial. A l’indépendance, Ahidjo s’appuiera sur ces chefferies pour conserver la maîtrise du territoire national, en s’assurant les loyautés des chefs traditionnels par un système clientéliste. En 1977, toutefois, un nouveau statut est adopté qui transfère certains pouvoirs administratifs aux maires. Pour Cavaye Yeguie Djibril, c’est toute l’institution de la chefferie traditionnelle au Cameroun qui a été fortement ébranlé à la fin des années 1980. Il aura fallu attendre l’arrivée à la magistrature suprême du président Paul Biya en 1982, son périple à travers les provinces d’alors du Cameroun, et surtout l’accueil qu’il aura reçu dans les lieux sacrés de nos chefferies traditionnelles pour que celles-ci recouvrent progressivement une partie de leur considération d’antan ajoutera-t-il en guise de conclusion.