Kisito Ngankak, directeur du Développement des médias privés et de la publicité au ministère de la Communication du Cameroun, décrypte, pour JournalduCameroun.com, la nouveauté apportée par l’arrêté du 13 avril 2020 réorganisant les modalités d’accès à l’aide publique à la communication privée. Il fait également la mise à jour sur le projet de compte d’affectation spéciale pour les médias privés, attendu depuis 2012
[JournalduCameroun.com] Le ministre de la Communication a signé un arrêté le 13 avril 2020, qui réorganise les modalités d’accès à l’aide publique à la communication privée. Qu’est-ce qui change dans ce texte, par rapport à l’arrêté du 23 septembre 2002 qu’il abroge ?
[Kisito Ngankak] Il y avait la nécessité de recentrer le mécanisme sur le seul secteur de la presse privée, ce qui n’était pas le cas dans le précédent arrêté qui concernait les autres sous-secteurs de la communication. Le recentrage va encore plus loin parce qu’il prend en compte l’existence d’autres mécanismes d’aide, notamment à l’audiovisuel à travers le Fonds spécial de soutien à l’audiovisuel. En conséquence, il exclut du mécanisme actuel les entreprises de presse audiovisuelles. Il y a également un renforcement conséquent des modalités d’accès, en incluant par exemple la nécessité de la prise en compte de la distribution pour la presse écrite; la présence effective en kiosque; le respect, pour la presse écrite toujours, des obligations en termes de dépôt légal et de dépôt administratif. Il y a aussi une amélioration en termes de contrôle de l’utilisation, qui est formalisée désormais. Par ailleurs, l’un des reproches qui était fait au précédent mécanisme c’était de payer en numéraires, c’est désormais terminé! Tout sera fait par virement bancaire. Voilà quelques changements majeurs de ce nouveau texte, qui est guidé par un souci d’amélioration de la transparence.
Dans le nouveau texte, au niveau des représentants des entreprises de presse au sein de la commission qui étudiera les dossiers de demande, il est prévu un représentant des éditeurs de presse d’expression anglophone, un représentant des éditeurs de presse d’expression francophone, un représentant de la presse privée en ligne. Comment le choix de ces représentants se fera-t-il ?
Ils seront choisis par leurs pairs, naturellement sous l’encadrement du ministère de la Communication. Nous nous appuierons sur les organisations professionnelles existantes. Il va être difficile dans un secteur comme le vôtre [JournalduCameroun.com, NDLR] de mettre autour d’une table l’ensemble des entreprises de presse en ligne. Je précise bien “entreprise de presse en ligne”, parce qu’il ne faudrait pas que le premier blogueur venu se considère comme étant éligible à ce mécanisme parce qu’il va probablement lui être difficile de produire l’ensemble de la documentation en termes de documents fiscaux, de protection sociale des employés, etc. En tenant compte de la difficulté qu’il y aurait à mettre tout le monde autour de la table, on va s’appuyer sur les organisations professionnelles inscrites au Fichier national de la Communication. C’est-à-dire celles qui, outre leur existence au niveau des autorités administratives et de l’administration fiscale, se seront faites connaître au niveau du ministère de la Communication dans le cadre du Fichier national de la Communication. Nous allons nous appuyer sur les organisations professionnelles qui sont censées assurer la représentation des éditeurs de presse dans divers secteurs. Nous allons nous appuyer sur elles pour qu’elles puissent procéder, sous notre encadrement, à la désignation de leurs représentants.
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Avec le recentrage apporté par l’arrêté du 13 avril 2020, on peut s’attendre à une dotation plus importante pour les bénéficiaires. Qu’est-ce qui est prévu pour 2020 ?
Nous sommes autour de 240 millions de F CFA toutes taxes comprises pour 2020. Etant donné que c’est un système qui consiste en la répartition aux bénéficiaires, il y aura potentiellement moins de demandeurs, potentiellement moins de bénéficiaires et on peut donc s’attendre à ce que les enveloppes des uns et des autres soient plus substantielles.
Au niveau de la nécessité d’être constituée en véritable entreprise de presse pour le demandeur, avec une protection sociale pour les collaborateurs, le respect des obligations fiscales entre autres, comment est-ce suivi ? L’un des reproches souvent fait au Mincom c’est de soutenir des médias qui ne respectent pas un certain nombre de conditions.
Dans notre position de chef de secrétariat technique, nous faisons un travail qui est technique. Nous avons toujours travaillé dans le sens de la transparence et de la prise en compte des critères. Nous avons toujours travaillé comme cela et c’est ce qui va se poursuivre. Il faut comprendre, à travers la mise en place de ce nouveau texte, qu’il apporte une modification fondamentale, celle d’aller vers davantage de transparence. Nous avons enregistré un certain nombre de critiques constructives par le passé, qui ont été prises en compte dans l’élaboration de ce nouveau texte. Nous essayons de faire du mieux possible pour que ceux qui obtiennent l’aide soient ceux qui la méritent.
Lors des Etats généraux de la communication de 2012, une doléance avait été émise sur la mise en place d’un compte d’affectation spéciale pour le développement des médias, avec une dotation plus importante, plus d’1 milliard de FCFA. L’entrée en vigueur reste attendue. Est-ce toujours d’actualité ?
Bien sûr! C’est une réflexion permanente. Il faut considérer ce nouveau mécanisme comme une étape vers la mise en place d’une structure d’appui du gouvernement à la presse, plus forte en termes de quantité et plus robuste en termes de mécanisme d’octroi. C’est donc une étape. L’enjeu c’est bien celui de la taille de l’enveloppe mise à disposition de la presse par les pouvoirs publics. Cela doit s’accompagner d’un certain nombre de critères liés à l’organisation du mécanisme d’appui à la presse. Les dispositions du nouveau texte participent de la solution à l’une des questions qui est celle de l’amélioration de la rigidification des critères. Après, il restera la taille de l’enveloppe, qui n’est pas totalement dépendante du ministère de la Communication mais qui relève des disponibilités financières de l’Etat en général. La réflexion sur le mécanisme, qui peut s’appeler compte d’affectation ou autre, n’est pas abandonnée. Elle se poursuit. Ce nouveau texte est un pas vers cet objectif qui est partagé par les opérateurs, le ministère et le ministre de la Communication en particulier.