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Cameroun : Des enseignants en grève à Yaoundé

Ils font un sit-in devant le ministère des Finances depuis ce 27 mars. Leurs leaders ont été appelés à négocier…

Ils font un sit-in devant le ministère des Finances depuis ce 27 mars. Leurs leaders ont été appelés à négocier

Le rond-point du Premier ministère, dans le centre-ville de Yaoundé, est embouteillé. C’est la conséquence du sit-in qui a  lieu devant le ministère des Finances. Les passants, à pied ou en voiture, y jettent un œil inquisiteur. Les plus curieux se sont arrêtés pour observer en spectateurs, la manifestation du collectif des « enseignants indignés ». Gendarmes et policiers observent eux aussi.

Les enseignants ont occupé l’escalier qui mène à l’entrée principale du ministère des Finances. Ce 27 mars, ils protestent contre les conditions qui leur sont imposées depuis leur sortie des écoles normales. Certains ont quitté les bancs depuis 2012 et attendent toujours d’être pris en charge ou de percevoir leurs salaires et rappels.

Pour la circonstance, ils ont revêtu les toges (chaque école a une couleur particulière) pour rappeler le jour où ils ont officiellement embrassé leur vocation et se sont mis à disposition de l’Etat pour servir où besoin serait. On remarque alors, les diplômés de l’Ecole normale supérieure  (Ens) de Yaoundé, celle de Maroua ; de l’Ecole normale supérieure de l’enseignement technique (Enset) de Douala, mais aussi celle de Bambili.

Les rayons de soleil qui dardent sur les visages reluisants de sueur n’auront pas raison sur leur détermination. Ils ne partiront que lorsque leur dû sera payé. Il est environ 11h. Les leaders du mouvement ne sont pas là. Ils ont été approchés plus tôt par les autorités du ministère des Finances pour entamer les négociations. En effet, le lieu du sit-in n’a pas été choisi au hasard. En répondant au préavis de grève des enseignants, le ministre des Enseignements secondaires avait précisé avoir transmis leurs préoccupations au ministre des Finances pour un traitement plus diligent de leurs dossiers. Les manifestants attendent donc des mesures beaucoup plus concrètes.

Fatigués, essoufflés, endettés

« Les parents sont fatigués, essoufflés, étranglés, endettés. On ne peut pas continuer comme ça. Nous travaillons sans aucune ressource. Comment voulez-vous que la société nous demande de bien faire notre travail ? Si j’appelle mon chef d’établissement pour lui dire que je ne peux pas donner cours parce que je n’ai pas d’argent pour me soigner, pensez-vous qu’il pourra m’en tenir rigueur ? Hors, ce sont nos enfants qui en paient le prix fort », s’insurge Sylviana Manefo. Vêtue de sa toge de couleur bordeaux, la jeune femme décrit son calvaire sur un ton calme. Mais, l’indignée laisse tout de même paraître sa frustration quand elle raconte son parcours.

L’enseignante de français-anglais en service au Ces bilingue d’Awae (à la périphérie  de Yaoundé) est sortie de l’école de formation en 2013. Depuis, elle n’a ni été prise en charge ni perçu un salaire, encore moins un rappel. « Pourtant, certains camarades de promotion ont réussi à régulariser leur situation. Ils ont accepté de verser les 20% du rappel imposés par des fonctionnaires du ministère des Finances. Après quatre ans de galère, comment ne pas céder à la corruption à laquelle nous sommes forcés ? Nous voulons que ça cesse », tranche l’enseignante.

Situation similaire pour Georges Michael Tchoupa. L’enseignant de mathématiques, lui, a échappé à l’asphyxie à Biboa, village situé dans le département de la Haute-Sanaga où il a été affecté à sa sortie de l’Ens de Yaoundé. Les dépenses liées au transport étant élevées, il ne lui restait que très peu pour vivre. « Mais jusqu’à quand mes parents allaient pouvoir supporter cette charge. Jusqu’à quand doivent-ils continuer à supporter cette situation ? », s’interroge cet autre indigné.

Georges Michael Tchoupa a été affecté au lycée de Ngoa-Ekellé à Yaoundé en 2015. Pour autant, sa condition ne s’est pas améliorée. Il reste sans prise en charge ni salaire depuis lors. « Ma situation ne me permet pas de me marier ou d’avoir des enfants, parce que j’ai déjà du mal à me nourrir moi-même. Chacun d’entre nous a son histoire. Donc personne ne partira d’ici tant que nous ne serons pas payés », conclue l’enseignant.

Ils seraient plus 20.000 enseignants concernés par l’attente de prise en charge ou du paiement de leur salaire et rappel.

 

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