Le rapport de la Chambre des comptes ayant fuité sur les réseaux sociaux la semaine dernière, suscitent de nombreuses interrogations. Des membres du gouvernement mis en cause dénoncent l’absence de contradiction.
Le document présenté comme un rapport de la Chambre des comptes ayant fuité sur les réseaux sociaux a produit l’effet d’une bombe dans l’opinion publique camerounaise. Quelques experts des questions juridiques interrogés ne comprennent pas pourquoi le Tribunal criminel spécial a commencé à auditionner les différents responsables de ministères sur la base d’un rapport d’étape, et non sur la base d’un rapport final.
Les ministres épinglés dans cette affaire semblent indigner. C‘est le cas du ministre du Commerce qui est accusé « d’absence d’objectivité dans la validation de la proposition de prix faite par le Minsanté sur les tests de dépistage vendus par Mediline Medical Cameroon SA ». Des tests qui ont coûté 17 500 Fcfa l’unité à l’Etat du Cameroun. Alors qu’ils devaient revenir à 7084 Fcfa. Soit une différence de 10 415 Fcfa et une perte de 14 581 884 800 Fcfa pour le trésor public.
Une accusation que rejette le ministre du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana qui dit n’avoir pas eu droit au contradictoire. Mais son entourage souligne que le ministre avait créé une commission spéciale de validation des prix, et tarifs de référence des équipements, travaux et services destinés aux administrations publiques et parapubliques dans le cadre de la lutte contre la Covid 19. Le 1er juin 2020, la commission valide une mercuriale de 17500 FCFA / kits de 25 tests, soit 700 FCFA/ test (SD-Biosensor). Curieusement, au moment de la livraison, Mediline Médical Cameroon S.A n’a pas respecté la mercuriale. Elle a facturé le test à 17500 l’unité au lieu de 17 500 f par kit de 25 tests. Des éléments qui, selon eux, ne figurent pas dans le rapport de la chambre des comptes.
Autre aspect, le choix de l’entreprise Mediline Médical Cameroon S.A. La chambre des comptes dénonce « le quasi-monopole accordé à l’entreprise » par le ministère de la Santé pour la livraison de 3 000 000 kits de tests de dépistage à la fin décembre 2020. Mais, il n’est pas mentionné que le choix de cette entreprise fait suite à une instruction de Joseph Dion Ngute, Premier ministre, chef du gouvernement. En effet, dans une correspondance datée du 11 juin 2020, le directeur de cabinet de Dion Ngute, Balungeli Ebune informe le ministre des Finances, Louis Paul Motaze que « le chef du gouvernement lui demande de bien vouloir prendre toutes les mesures idoines nécessaires pour assurer le paiement effectif au profit du ministre de la santé publique (…) de la première tranche de la livraison des cent mille (100 000) premiers kits de dépistage rapide livrés par le contractant Mediline Medical Cameroon S.A ».
Il poursuit : « Par ailleurs, il vous prescrit de tenir la main au suivi cohérent et efficace du règlement des prestations liées à l’importation de deux millions neuf cent milles (2 900 000) tests de dépistage de la COVID 19 restant d’ici fin décembre 2020. Cette commande livrée au Cameroun au fur et à mesure au profit exclusif du ministère de la Santé publique par Mediline Medical Cameroon S.A dans le cadre d’un marché spécial régulièrement contracté ». Là encore, ces informations ne sont pas contenues dans le rapport d’étape de la chambre des comptes.
Enfin, sur la fabrication de l’hydro-chloroquine et de l’azithromycine, une opération évaluée à 657 088 524 Fcfa, qui n’a pas été réalisée, les médicaments ayant été importés de l’Inde, la chambre de la Cour des comptes estime que le ministère de la Santé « a passé une commande contraire à la proposition faite au président de la République et formalisée par un marché signé au lendemain de la mission d’évaluation de la Direction de la pharmacie, du médicament et des laboratoires (DPML)».
En réponse, au ministère de la Recherche scientifique et de l’Innovation, l’on explique : « que la dotation prévue dans le décret du Premier ministre rappelé plus haut n’a jamais été mise à la disposition du Minresi. En effet, par correspondance n° B393/SG/PR du 17/11/2020, le ministre d’Etat, Secrétaire Général de la présidence de la République a notifié au ministre Madeleine Tchuinte, les Très Hautes Instructions du chef de l’Etat, lui prescrivant de surseoir à l’activité de fabrication par l’Institut de Recherches Médicales et d’Etudes des Plantes Médicinales (IMPM) de l’hydro-chloroquine et de l’azithromycine, pour un coût total de quatre milliards de francs CFA (4.000.000.000) francs CFA. Dès lors, sur les 6.100.000.000 de francs CFA initialement budgétisés pour ce département ministériel, il devrait rester la somme de deux milliards cent millions (2.100.000.000) de francs CFA ».
Là encore, Madeleine Tchuinte n’avait pas eu droit au contradictoire au moment de l’élaboration de ce rapport d’étape de la chambre des comptes, tout comme le ministre de la Santé publique, Manaouda Malachie.