Les experts redoutent que le gouvernement soit contraint de rentrer dans un nouveau cycle d’endettement préjudiciable pour le développement
Une équation très difficile
Début décembre dernier, l’assemblée nationale camerounaise a adopté un budget 2010 ambitieux et pour la cinquième fois consécutive, en hausse. Particularité cette année, le gouvernement a prévu un déficit de base de 405 milliards de francs CFA. Une partie de ce déficit (205 milliards) est prévue pour être financée grâce aux partenaires économiques du Cameroun. Le problème reste aujourd’hui intact sur le reste des 200 milliards. La solution de la loi des finances pour l’année 2010, a été de donner accord à l’Etat de lancer un emprunt obligataire sous la forme d’émission de bons du trésor, à hauteur de cette somme. La loi des finances va plus loin en donnant la possibilité au président de la République de revoir à la hausse les montants dont le pays a besoin pour combler son déficit budgétaire.
Les banques locales peu motivées
Pour certains observateurs l’option de gestion du déficit budgétaire choisi par l’Etat est un écran de fumée, qui replongera le Cameroun dans un nouveau cycle d’endettement. Ils font savoir que la solution d’émission des bons du trésor ne peut être valablement efficace que dans le cadre d’un marché financier dynamique et fort, ce qui n’est pas encore le cas pour le Cameroun. De même l’épargne des ménages ne peut pas être sollicitée de façon pertinente, en raison de son insuffisance. Reste la solution des établissements financiers (Banques et Etablissements de Micro Finance). Mais là aussi un souci est mis en évidence, l’Etat camerounais n’offre pas suffisamment de garanties. Ainsi bien qu’elles soient sur liquides les Banques et EMF camerounaises n’ont pas montré un grand enthousiasme face à cette opportunité. L’année 2009 et le début de l’année en cours ont été marqués par des scandales financiers qui ont dévoilé le mauvais arbitrage dont l’Etat peut faire preuve. Face à cette éventualité et compte tenu de la persistance du gouvernement à maintenir son budget, la solution d’un nouvel endettement auprès du Fonds Monétaire International (FMI) apparaît de plus en plus probable.
Le FMI comme solution probable
L’option n’a pas encore officiellement endossée par le gouvernement, mais selon certaines sources proches du ministère des finances, les experts du gouvernement affirment ne pas voir d’autres alternatives pour le Cameroun que d’avoir recours aux nouvelles solutions proposées par l’institution de Bretons Woods. Une position qui semble s’aligner sur la vision du chef de l’Etat camerounais. «Nous avons également entretenu un dialogue suivi avec nos interlocuteurs multilatéraux et bilatéraux. (.) Avec le FMI et la Banque Mondiale dont le rôle, je le répète, sera capital pour la relance économique dans notre pays», a déclaré Paul Biya lors de son dernier discours devant le corps diplomatique le 6 janvier 2010 dernier. En septembre 2009 dernier le FMI a rendu public un rapport faisant état de la capacité du Cameroun à supporter de nouvelles dettes. Un rapport qui avait conduit au déblocage de 144 milliards de CFA.
Les experts critiquent l’option d’emprunt
Ils sont nombreux à penser que le déficit du budget 2010 est plus virtuel qu’effectif. Sur une période de près de dix ans, le budget de fonctionnement ne cesse de croître, alors même que de leurs avis, les grands projets sur lesquels travaille le gouvernement tardent à produire les effets promis. Le Cameroun est très loin de réaliser les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) d’ici la date butoir de 2015. A leurs yeux, il est contradictoire que face à la baisse annoncée des recettes pétrolières, l’Etat ait recours à un endettement pour financer un fonctionnement improductif. Sur les 269 milliards de hausse de budget cette année, seulement 80 milliards sont réservés à l’investissement. Le reste couvre le fonctionnement (166 milliards) et les autres services de dépense (23 milliards). D’autres experts font remarquer que des rapports officiels du gouvernement, la part d’excédent budgétaire cumulé sur les cinq dernières années s’élève à près de 512 milliards de francs CFA, conséquence de la hausse des cours des matières premières. Ce montant est largement supérieur au plafonnement de 205 milliards dont le Cameroun peut se prévaloir au niveau de la Banque des Etats d’Afrique Centrale (BEAC). Ils pensent qu’il serait plus simple pour l’Etat d’y avoir recours pour financer son développement, plutôt que de recourir au FMI. «Après dix ans d’ajustement structurel et de sacrifices, les autorités camerounaises semblent n’avoir tiré aucune leçon du passé, rien que pour l’année 2009, le gouvernement a engagé financièrement le Cameroun à hauteur de plus de 800 milliards de FCFA. Le remboursement sera très difficile» a affirmé un expert en économie publique international sous couvert d’anonymat.
