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Cameroun: Le Pr. Laurent-Charles BOYOMO dans «Le chaudron des sorciers qui tiennent le crayon long»

Le livre peint les travers d'une société dans laquelle les citoyens ont écarté la norme et normalisé l'écart La scène…

Le livre peint les travers d’une société dans laquelle les citoyens ont écarté la norme et normalisé l’écart

La scène se déroule principalement à Petit-Ville avec son lot de folklore : des hommes politiques éternels, une police tracassière avec de grands soldats fortement basanés aux visages striés de balafres qui rappellent l’ethnie Sara du Nord Cameroun. Devenue bête-noire des habitants de Petit-Ville, cette police cogne sans frein les honnêtes citoyens avant de leur poser la moindre question. Les vieilles factoreries coloniales surprises dans leur délabrement par le tourbillon des indépendances tout comme leurs propriétaires avec des noms pour le moins interpellateurs comme Kléopas, Exploidopoulos, Profitapoulos, Rançonnamidès ou encore Kleptomanias font aussi parti du folklore de Petit-Ville.

Hormis Petit-Ville, les scènes se déroulent aussi dans des endroits dont les noms sont plus proches de la réalité que de la fiction. On a par exemple des noms tels que Bidjoka, Ndibi, Bafou (dont les habitants ne payent jamais leurs impôts) ou encore la Briqueterie et Ongola qui rappellent la capitale politique camerounaise. Une capitale presque coupée de l’inter land du fait de la piètre qualité des voies de communication. A titre d’illustration, un insolite voyageur qui enfourche son vélo à partir de Petit-Ville arrive souvent à Ongola bien avant les cars de transport grotesques dans lesquels « on cale ses fesses contre celles du voisin ». Mais qu’à cela ne tienne, la horde de citadins de Petit-Ville se saigne toujours pour avoir droit à un espace où caser son postérieur ou ses deux pieds dans ces taxi brousse qui ont l’habitude de transporter « des cargaisons de nègres ».

Désormais affranchi par l’indépendance, le petit peuple de Petit-Ville finit par réaliser que les espoirs qu’il avait engraissés s’étaient crevés comme une vessie de chèvre au soleil. Pour ces habitants de Petit-Ville, la vie n’est réduite qu’à une succession de plats de garis salis par la poussière du voisin, le tout arrosé du bon arki de chez nous ou du kpata, l’essentiel étant de savoir toujours débusquer la termitière parmi les tas de caca. Car dit-on souvent, l’homme du pays de nos ancêtres est comme le sisongho : ni l’incendie, ni le soleil ne peut en décliner toute la génération et il y en aura toujours jusqu’à la fin des temps.

Lorsque les bons de caisse ou les virements arrivaient enfin à Petit-Ville surtout aux approches des vingt cinq du mois, on pouvait voir déferler la horde de courtisanes, qui pour percevoir le bon de fesses, qui pour percevoir l’impayé du plat de couscous ou encore le dérisoire cadeau d’anniversaire. C’était aussi là, une manière pour le petit peuple de Petit-Ville de survivre en faisant le tour des services administratifs. Et l’auteur de dire que L’indépendance nous a apporté la colonisation tout comme la colonisation jadis nous apporta l’indépendance. Finalement, notre assemblée est devenue une meute de loups affamés de pouvoir et d’argent, quand ce n’est pas une cohorte de moutons approuvant à l’avance ce que dit l’exécutif.
Heureusement ou malheureusement, les sand sand boys qui sont des jeunes à la recherche de leur pitance se sont érigés en avant-garde dans le combat qui devrait permettre la destruction des privilèges exorbitants que se sont octroyés les administrateurs des indépendances, ces sorciers qui tiennent le crayon long. Face à cette injustice sociale et à toutes ces inégalités, les sand sand boys sont devenus une véritable terreur pour ces nouveaux riches, ces leaders qui n’ont pour seul souci que de virer toujours plus de fonds publics dans leurs comptes secrets en Occident, jusqu’au jour où le Putsch intervient pour mettre un terme à cette situation. C’est le renversement de la situation. Les jeunes deviennent des sortes de professeurs de politique parce qu’ils tiennent eux aussi le crayon long. Ils sont devenus les nouveaux sorciers, ceux qui ont le book dans la tête.

L’ouvrage intitulé Le chaudron des sorciers qui tiennent le crayon long est un roman à caractère satirique de 221 pages paru aux Presses de l’Université Catholique d’Afrique Centrale à Yaoundé en Août 2010. Il compte sept actes que sont Le Putsh, Père inconnu, Sand Sand boys, La disparition, Les tractations, L’assassinat et la visite.


Journalducameroun.com)/n

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