Le ministre sera présenté aux juges dans le cadre de l’affaire Albatros, des détournements des fonds destinés à l’achat de l’avion présidentiel
Le procès de Marafa Hamidou Yaya, 61 ans, et ancien ministre d’Etat en charge de l’intérieur, s’ouvre ce lundi 16 juillet 2012 à Yaoundé la capitale camerounaise, dans une atmosphère complexe pour le régime. La grande inconnue de cette ouverture de procès est celle de savoir si Marafa sera présent, et surtout qu’est-ce qu’il compte y faire comme déclaration. Aujourd’hui prévenu dans une affaire relative au détournement de l’argent public destiné à l’achat d’un avion présidentiel (Affaire Albatros), l’ancien haut responsable, détenu depuis le 16 avril 2012, a refusé jusqu’ici à plusieurs reprises, de rencontrer Pascal Magnaguemabe, le juge d’instruction en charge du dossier. Dans une des fameuses lettres qui lui sont attribuées (à Marafa ndlr), il transparait que les deux hommes seraient en conflit d’intérêts depuis que l’ancien ministre aurait repoussé une offre « d’arrangement » proposée par le magistrat instructeur. Une récusation rejetée par la justice, qui a poursuivi ses enquêtes jusqu’à ce jour. D’abord détenu à la prison centrale de Kondengui, Marafa H. Yaya a été transféré dans un lieu de détention placé au sein de secrétariat d’Etat à la défense. Pour les autorités judiciaires, pour mieux le protéger, pour les proches du ministre déchu, pour l’empêche de produire des lettres qui commençaient à déranger. « Nous avons protesté et je suis fier de dire que sa condition de détention s’est améliorée et le gouvernement camerounais a commencé à voir l’importance de respecter ses obligations conformément au droit international » a fait savoir le 14 juillet le Pr Kofele Kale, avocat de l’ex-ministre et militant du SDF, le principal parti d’opposition du pays.
L’affaire Marafa a pris une dimension particulière avec la publication des lettres qui lui ont été attribuées et pour lesquelles il n’a pas apporté de démenti jusqu’ici. Dans ces lettres, les camerounais ont pu avoir une lumière sur certaines réalités du régime pour lequel il a travaillé pendant des dizaines d’années. Marafa revendique aussi son innocence et, prenant l’opinion publique à témoin, se considère comme la victime d’une vindicte politicienne, et laisse les opinions publiques conclure qu’il n’est là que parce que certains évitent qu’il n’arrive au pouvoir. Il dénonce aussi les travers du régime Biya et critique violement la corruption de certains de ses anciens collègues ministres. Marafa a surtout révélé l’affaire lié au détournement de 32 milliards de F CFA destinés à l’indemnisation des 71 victimes du crash d’un avion de la défunte Cameroon Airlines, survenu en 1995 près de l’aéroport de Douala. De nombreuses personnalités comme le ministre Issa Tchiroma de la communication sont aujourd’hui pointées du doigt dans cette affaire. Après avoir été l’artisan de la victoire du président Biya notamment sur l’élection fortement contestée de 1992 qui avait vu la victoire arrachée au SDF, Marafa dit aujourd’hui avoir voulu à chaque fois démissionner pour marquer sa distanciation vis à vis de certaines prises de position du pouvoir. Pourtant si jusqu’ici il a soigneusement apporté des preuves de l’implication de ceux qu’il dénonce, il a rarement et même jamais, rendu publique, une lettre de demande démission au président de la république et la preuve de son rejet. L’affaire reste à suivre. Jusqu’ici, les juges de l’opération épervier ont eu du mal à réunir des éléments de preuve non discutable, pour condamner les protagonistes de l’opération épervier. Avant même la bataille judiciaire, la bataille médiatique s’est déjà longtemps installée !
