L’improvisation et l’amateurisme, à tous les niveaux, sont profondément ancrés dans l’esprit des dirigeants. L’argent est le point focal des malentendus
Jamais dans l’histoire du football camerounais, on a connu une trêve aussi longue. La saison 2010/2011 s’est achevée le 24 juillet 2011. Plus de cinq mois après, on est toujours dans l’expectative. Initialement prévu samedi, 6 janvier, le coup d’envoi du tout premier championnat de football professionnel du Cameroun a été repoussé d’une semaine. Celui du championnat de deuxième division, d’abord fixé au samedi 14 janvier est également repoussé. Ce nouveau calendrier a été établi, au terme d’une réunion entre les dirigeants de la nouvelle Ligue de football professionnel et les responsables des clubs. C’est la quatrième fois que le début de la saison 2011/2012 est ainsi déprogrammé. Les clubs refusent de descendre dans les stades (poussiéreux) tant que le gouvernement n’aura pas décaissé la subvention des 420 millions de FCFA qu’il a promis de verser aux clubs afin de les aider en cette saison expérimentale, pour payer les salaires des joueurs (100 milles F par joueur en D1 et 50 milles F en D2). De l’avis du ministre en charge des Sports Adoum Garoua, la contribution de l’Etat se fera par trimestre en non en seule traite comme initialement prévue par son prédécesseur.
Mardi, 3 janvier 2012, c’est en grande pompe, dans un folklore bien camerounais, que la Ligue de football professionnel a lancé ses activités. La cérémonie avait pour cadre le Palais polyvalent des sports de Warda à Yaoundé. Chose curieuse, aucun membre de la Fédération camerounaise de football (Fecafoot) n’assistait à cette cérémonie. Il en est ressorti tout de même que la Ligue a établi un partenariat avec la Cameroon Radio Television. Lequel devrait déboucher sur la retransmission des matches du championnat de Mtn Elite One par la chaine de télévision publique. Les clauses de se partenariat n’ont pas été dévoilées. On serait bien curieux de savoir. Car dans le pays de Paul Biya, on était habitué à voir les clubs reverser plutôt l’argent à la Crtv pour la couverture de leurs matches. Renversant. Ailleurs, le gros des recettes des clubs émanent des télévisions.
La charrue avant le b uf
Si la saison 2011/2012 tarde à démarrer, c’est que l’argent est le point focal des malentendus. Pour le moment trois postes de recettes sont identifiés, à savoir la subvention de la Fecafoot qui s’élève à 250 millions de FCFA, la subvention du sponsor du championnat, Mtn Cameroon et la subvention de l’Etat du Cameroun. A ce jour, la Fecafoot a déjà décaissé 70 millions de FCFA. Pour ce qui est de la subvention de Mtn, la ligue a négocié et obtenu de la société de téléphonie mobile une subvention annuelle de près de 448 millions FCFA (20 millions à chaque club de Mtn Elite one et 12 millions à Mtn Elite two). Mais Pierre Semengue et ses hommes ne pourront rentrer en possession de ce pactole qu’en ce mois de janvier. Du coup, les présidents de clubs connaissent une situation embarrassante, eux qui ont vu leurs mécènes se rétracter, car sachant que les diverses subventions interviendront.

Au vu de tout ce qui précède, plusieurs interrogations demeurent. Pourquoi au pays de Roger Milla où la plupart des matches de championnat d’élite se disputent encore sur les terrains poussiéreux on est tant pressé de courir vers le professionnalisme? Sachant bien que ces enceintes appelée «stades» ne peuvent attirer ni public, ni sponsor. Avant de penser au professionnalisme, les clubs qui n’ont même pas de terrain d’entraînement ou de boîte postale, ont-ils pensé à transformer leurs associations sportives en véritable entreprises? Pourquoi veut-on mettre la charrue avant le b uf quand on n’a pas pris le temps de former les dirigeants de club dans le management sportif? Les présidents de clubs, qui très souvent confondent les caisses du club à leurs propres caisses, notamment lors des transferts des joueurs, savent-ils seulement qu’ils seront désormais face à des contrôles inopinés des agents de l’Etat? Il ne suffit pas de muer les footballeurs en fonctionnaires en leur fixant les salaires pour penser que l’on a professionnalisé le football. Il s’agit en somme de penser au préalable, à créer un environnement susceptible de faire vivre le football grâce au football.
