Il s’agit d’un réseau mafieux bien structuré qui s’emploie impunément à la destruction du patrimoine faunique et forestier de l’Adamaoua
La scène tout à fait insolite se déroule derrière le stade Ndoumbe Oumar de Ngaoundéré. Un camion 10 roues vient de faire son entrée dans l’une des multiples scieries qui s’y trouvent. Le véhicule immatriculé LT3592S débarque dans la scierie du jeune Mouktar avec à son bord plusieurs tonnes de bois non traité. Ce qui de tout évidence laisse des interrogations chez tous ceux qui voient passer le véhicule ainsi rempli de bois, fraîchement coupé, alors qu’à la délégation régionale de la forêt et de la faune de l’Adamaoua, on ne délivre plus de permis d’exploitation des forêts, comme nous l’apprendrons plus tard d’un responsable de la délégation.
En effet, le véhicule en question n’est pas à sa première opération, selon les témoignages des témoins quotidiens de cette scène. Le véhicule appartient à un homme d’affaires tchadien, et ça fait deux ans qu’il opère dans le Mbéré et dans le Djérém, confie sous le couvert de l’anonymat un autre témoin de la scène, qui dit connaître bien ce qui se passe dans ces ateliers. Des enquêtes menées par le reporter, nous apprendrons que le camion en question appartient à un certain Abdoul Bassi Adam, opérateur économique de nationalité tchadienne qui aurait gagné il y a deux ans un marché de fabrication de tables bancs pour des établissements d’enseignement des villes de Ndjamena, Abéché, Komé 5 et Almé Sakid au Tchad. Le marché à proprement parler aurait valu une fortune à l’opérateur, soit 245.000.000 Fcfa. Chaque semaine, ce sont deux camions (LT 3592 S, LT 5385 N) qui font l’axe Ngaoundéré-Ngaoundal et Ngaoundéré-Meiganga pour s’approvisionner en bois rares que l’Adamaoua regorge à profusion. Comment ce réseau a-t-il réussi à travailler impunément jusqu’à ce jour ? Les autorités en charge des questions des forêts et de la faune et ceux de l’environnement ne seraient-ils pas tombés au moins une fois sur ces hommes sans foi ni loi qui uvrent depuis près de deux ans ? Autant de questions et bien d’autres qui vont nous permettre de pousser encore plus loin notre enquête.
La découverte est fracassante. De nos sources, nous apprendrons que les responsables des délégations régionales des forêts et de la faune de l’Adamaoua, celles de la délégation départementale du Djérem, et ceux de la délégation régionale de l’environnement et de la protection de la nature étaient bien au courant de ce trafic. Car il y a quelques semaines, une mission de contrôle venue spécialement du ministère des eaux et des forêts a débarqué à Ngaoundéré. La mission est venue avec de fermes intentions pour avoir appris un fait de destruction du patrimoine forestier et faunique, selon les propres termes du document porté à l’intention du délégué régional des eaux et forêts de l’Adamaoua, Nyongwen Joseph. Les inspecteurs seraient bien tombés sur le réseau de trafic, à la seule différence qu’ils se sont rendus à Kontcha par Galim-Tignère.
L’enquête se serait close ici si nous n’avions encore appris plus grave. Le délégué des forêts et de la faune, Hassan Ngomse, était de toute évidence impliqué au plus haut niveau dans ce business à la tchadienne. Toujours de nos sources, Hassan Ngomse, himself, serait à la tête de ce réseau ; lui qui, il y a quelques jours a dessaisi son chef de brigade de contrôle, M. Kamga, de l’unique véhicule de terrain qui assurait la sécurité des forêts de la zone. Le véhicule immatriculé CA 4104 C a été remis à Garba Charles, chauffeur à la retraite depuis deux ans, mais qui connaît mieux le réseau et effectue avec brio les « missions » données par son patron. Ironie du sort, ce dernier a fait il y’a deux semaines un accident grave et le véhicule est dans un état piteux et quasi-irrécupérable. Une façon peut-être pour la nature de se venger d’elle-même, alors que le gouvernement camerounais s’emploie d’arrache-pieds à défendre son patrimoine forestier. A titre d’illustration, il n’y a pas un mois de cela que le ministre des enseignements secondaires était dans le septentrion pour lancer la campagne un élève-un arbre, une politique qui entre dans la logique de la campagne Sahel vert.