Selon les responsables pédagogiques, les livres retirés violaient la déontologie
Réintroduction de deux anciens livres
Plusieurs enseignants des lycées et collèges ont pris connaissance de la note ministérielle le 04 janvier dernier, lors des réunions des personnels d’établissements scolaires relatives à la reprise des cours. Mais la note avait été signée depuis 2009. Adressée aux membres de la communauté éducative du Cameroun, elle indique le retrait et les raisons du retrait de deux uvres des classes de première et de terminale. La note précise aussi qu’«en attendant que de nouvelles uvres répondant aux exigences des programmes en vigueur soient retenues par le Conseil national d’agrément des manuels scolaires et des matériels didactiques pour le compte de l’année 2010/2011, le roman français du XIXe siècle d’une part et la poésie française du XXe siècle d’autre part, seront respectivement illustrés par «Madame Bovary» de Flaubert et par «Paroles» de J. Prévert. Une réintroduction d’ uvres déjà inscrites au programme des élèves des classes de Premières et Terminales au cours de l’année 2008/2009, qui avaient été retirées sans qu’aucune raison officielle ne soit avancée.
La déontologie comme motif
Une fois la nouvelle diffusée, la polémique n’a cessé d’enfler au sujet de cette décision du Ministre Bapes. Au ministère des enseignements secondaires, on essaye d’expliquer les raisons du retrait. Guillaume Apollinaire (…) n’a jamais écrit « Callicools » mais deux recueils différents respectivement intitulés «Calligrammes» et «Alcools», a expliqué Evelyne Mpoudi Ngolle, inspecteur national de pédagogie(INP) chargée des lettres au ministère des Enseignements secondaires, lors d’une interview radiodiffusée. Pour ce qui est de l’ uvre « Le secrétaire intime » attribué à la Française George Sand (écrivaine du XIXème siècle déjà étudiée dans les facultés des lettres des universités camerounaises), les autorités disent que celle-ci est en inadéquation avec les valeurs morales prônées par le système éducatif en vigueur au Cameroun, car «elle traite d’un sujet aux relents pornographiques», ajoute l’inspection nationale de pédagogie.
Contre et pour la compétence de l’organe en charge du choix des livres
Un argument que certains observateurs trouvent spécieux. Comment un organe consultatif comme le conseil d’agréments des manuels scolaires et des matériels didactiques qui est par ailleurs présidé par le recteur Jean Tabi Manga de l’université de Soa et surtout spécialiste des lettres, a-t-il pu se méprendre sur cette question, alors qu’il existe toute une procédure pour retenir ou retirer un livre d’un programme académique? Certains d’entre eux vont jusqu’à affirmer que la décision du ministre de retirer ces livres en pleine année scolaire est une sanction à la légèreté observée dans le choix des livres. Une légèreté qui selon eux, a fini par renforcer l’idée selon laquelle, il existerait une mafia autour de la sélection des manuels scolaires inscrits au programme scolaires. Une affirmation que contredit les faits, et démontre une affaire plus complexe que la volonté de respecter la déontologie.
Un faux argumentaire?
L’ouvrage «Callicools» ne se présente pas comme une usurpation intellectuelle. Elle est l’ uvre d’un auteur (Musset), qui a choisi de réunir des poèmes de Guillaume Apollinaire en un recueil. L’initiative qui n’a apparemment pas fait l’objet de contestation de la part des ayants droits de l’auteur, ne viole pas selon des experts de la propriété intellectuelle, l’éthique en la matière. Quant à l’ouvrage jugé pornographique, il est simplement une uvre qui met en évidence les ravages de l’amour et de la jalousie, sous le regard des faits vécus par l’auteur. Les scènes qualifiées de pornographique ne s’éloignent pas de certaines autres scènes regardées par les jeunes de cet âge (16 ans) dans les téléfilms diffusés sur diverses chaînes de télévision au Cameroun, dont la télévision nationale.
Les observateurs pensent que la décision prise a été prise à la légère par le ministre Bapes, sans réelle considération pour l’intérêt intellectuel des ouvrages objet de la polémique, et surtout sans tenir compte de l’incidence au double plan académique et financier. Des professeurs se plaignent de la non possibilité d’étudier à temps avec les élèves, les ouvrages de remplacement. Pour les parents, le souci est financier. Un bon nombre d’entre eux s’endette à la rentrée pour acquérir ces documents et ne sont pas toujours prêts à acheter un seul livre en cours d’année. Et la question est aujourd’hui posée de savoir quel est le vrai problème?
