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Cameroun : quand les documents « confidentiels » polluent la vie politique

Le ministre de la Justice Laurent Esso

Ces derniers temps, les documents les plus confidentiels foisonnent sur la place publique, mettant à nu toutes les dissensions qui traversent les hautes sphères de l’Etat.

Le Messager indique que la cote d’alerte a été atteinte la semaine dernière lorsque dans une correspondance estampillée «confidentiel»  adressée  par le ministre d’Etat, ministre de la justice, garde des sceaux (Minjustice) au ministre d’Etat, secrétaire général à la présidence de la République (Sgpr), tout le malaise qui traverse l’appareil étatique est à son comble. L’objet de la correspondance porte sur l’affaire ministère public  et Amougou Belinga Jean Pierre contre Mvogo Emilienne et autres.

Le Minjustice Laurent Esso, suite aux hautes reçues  par voie téléphonique le 3 juin 2022, répond au Sgpr que sa demande  de mise en liberté de l’intéressé  ne peut être examinée que par la chambre de contrôle de l’instruction  de la Cour d’appel à son audience du 6 juin 2022. Le problème n’est pas la lettre en elle-même qui se retrouve le même jour sur la place publique, mais surtout que le très discret et secret Minjustice répond à un coup de fil par une lettre.

Il y a problème, pour peu qu’on s’y intéresse au moins à deux niveaux. Le premier niveau de l’état de confiance entre les différents titulaires du pouvoir à un niveau élevé de l’Etat. En écrivant, on comprend que le Minjustice a voulu lever l’équivoque quant à sa réponse par téléphone qu’il a donné à la haute instruction présidentielle. Dans sa lettre, il indique  sans le dire que même si c’est le président  de la République  qui demande  de libérer le détenu, il y a l’obligation de respecter les lois encadrant cette procédure.

Pour le cas d’espèce, il met en exergue  les obstacles légaux qui lui enlèvent toute capacité d’obéir sur le champ à la demande présidentielle via le Sgpr. D’abord, l’ordonnance du tribunal rejetant la demande de mise en liberté est en instance d’appel et empêche de ce fait quelques initiatives de libération.

Manque de confiance et d’entente

Ensuite, parce qu’il est récusé, le même juge qui a rendu l’ordonnance ne peut poser aucun autre acte d’instruction, jusqu’à l’issue de la fin de la procédure de récusation. Le deuxième problème est qu’en répondant au Sgpr par écrit, Laurent Esso tient à évacuer toute interprétation qui pourrait être rendue ou perçue quant à sa réponse à la demande présidentielle.

D’aucuns plus cyniques et pernicieux iraient même jusqu’à évoquer l’idée de doute ou de véracité quant à la demande de Paul Biya. Qu’importe, l’essentiel est que la responsable  du Centre des impôts de la région du Centre, accusée de concussion, abus de pouvoir , corruption et autres, les hautes sphères de l’Etat s’enrhument. Toutes les précautions prises traduisent, qu’on le veuille ou pas, le manque de confiance et d’entente entre les acteurs majeurs de l’Etat camerounais.

L’autre lettre à controverse qui étale le malaise au sommet de l’Etat vient du procureur général de la Cour d’appel de Douala  dressée au commandant du groupement de la gendarmerie territoriale du Wouri portant sur l’exécution du jugement rendu le 5 août 2021, par le tribunal de première instance de Douala-Bonadjo et le mandant de justice subséquent. L’amplification de cette lettre adressée à la Présidence de la République en charge de la Défense (Mindef), au secrétaire d’Etat à la Défense chargé de la gendarmerie et autres, en dit long sur la portée de cette correspondance au sommet de l’Etat.

« Vous voudrez bien, au risque d’engager votre responsabilité pénale individuelle au sens des dispositions des articles 74, 89, 129 (inexécution de réquisition), 131, 148, (refus des services dû) et 157 (rébellion) du Code pénal, exécuter le mandat de justice  dont ci-joint copie, décerné par le tribunal de première instance de Douala-Bonadjo contre le nommé Ngo’o Cyrus (directeur du Port autonome de Douala) » lit-on dans la correspondance signée le 2 juin 2022.

Dicté et imposé

En réalité, le procureur est en train de dire au Commandant de la gendarmerie que s’il n’arrête pas Cyrus Ngo’o, sa responsabilité pénale sera engagée. Pendant que le Procureur met la pression pour qu’on arrête le directeur du port autonome de Douala (Pad), le juge Mfompa Abada Apollinaire, qui a condamné ce dernier, a écrit au président de la République, président du conseil supérieur de la magistrature, pour lui dire que le jugement de condamnation qu’il a prononcé contre le Dg du Pad lui a « dicté et imposé» par la hiérarchie.

La décision était contre son avis. En son âme et conscience, il voulait déclarer le directeur général du Pad non coupable au regard des faits et du droit. Comme on le voit, il y a une vraie pagaille au sein de la justice dans cette affaire où le juge condamne sa hiérarchie d’avoir fait des pressions sur lui pour tordre le droit.


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