Diplomate de formation, René Sadi a fait l’essentiel de sa carrière dans les salons feutrés et dans la politique
Il le sait sans doute, depuis qu’il a hérité de la direction opérationnelle du parti au pouvoir, le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), il est un homme surveillé, guetté par les prétendants à la succession du président Paul Biya qui voit en lui, un dauphin putatif. Au point que même le très sérieux journal panafricain Jeune Afrique lui a consacré un portrait de 2 pages. Nommé chargé des missions à la Présidence de la République le 30 Juin 2009, René Sadi reste dans une maison qu’il connaît parfaitement puisqu’il y a effectué toute une partie de sa carrière. Homme de palais qui n’a jamais quitté le confort douillet des palais, René Sadi est un homme discret autant que l’est son unique chef dans le parti Paul Biya.
Né en 1948 à Maroua dans l’extrême-Nord du Cameroun, René Emmanuel Sadi a fait ses études à Yoko, Bafia et Ngaoundéré au Cameroun jusqu’à la licence de droit à l’ex-Université de Yaoundé. Le fils de François Sadi, infirmier, intègre par la suite l’Institut des Relations Internationales du Cameroun (Iric). Une formation qui lui ouvre les portes de la diplomatie et le mène en Egypte où il sera respectivement Chef de service, deuxième secrétaire et premier secrétaire de l’ambassade du Cameroun au Caire. Il est par la suite, rappelé au Cameroun à la présidence de la République où il est nommé Conseiller technique puis, Conseiller diplomatique, avant de débarquer au Ministère des affaires étrangères lorsque survient le putsch manqué du 6 Avril 1984 contre Paul Biya.
Il suivra pour lui un court moment de disgrâce à laquelle n’échappe pratiquement aucun des fidèles de l’ancien régime d’Ahmadou Ahidjo. Sans doute lavé de tout soupçon concernant le putsch manqué, il est rappelé à la présidence de la République comme conseiller avant d’être promu Directeur adjoint du cabinet civil en 1985. En Décembre 2004, il gravit une nouvelle marche à la présidence de la République : René Emmanuel Sadi est nommé Secrétaire général adjoint à la présidence. Une position qui lui permet alors de faire partie des voyages officiels et officieux du Chef de l’État. Le 4 Avril 2007, Paul Biya décide de lui confier le Secrétariat général du comité central du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (Rdpc). Ce qui fait de lui, le principal animateur du parti au pouvoir. Un excellent tremplin aux yeux de beaucoup pour ne pas dire, la voie royale vers la charge suprême.
Avantages politiques comparatifs
Même si au Cameroun, décrypter les intentions du Chef de l’État relève d’un exercice presque mystique, il existe un certain nombre d’indices qui voient dans l’ascension de cette homme, le scénario écrit d’une successeur programmée au sommet de l’Etat. Parmi ces indices, René Emmanuel Sadi est issu d’un groupe ethnique minoritaire (ressortissant du Mbam et Kim de la province du Centre). Paul Biya évite, du coup, une rivalité ethnique tacite entre les ressortissants du Nord qui revendiquent l’héritage politique du premier président camerounais, Ahmadou Ahidjo et les Beti qui espérent continuer à gouverner après Paul Biya qui est un des leurs. Le président camerounais a néanmoins nommé deux Secrétaires généraux adjoints issus de ces groupes ethniques : Grégoire Owona qui est Beti et Hamadjoda Adjoudji qui est du Nord.
Cette nomination de René Sadi au Secrétariat général du parti au pouvoir aurait également été motivée par le fait que le concerné n’a jamais ouvertement nourri des ambitions présidentielles. En outre, contrairement à la majorité des barons du régime, il n’a presque jamais été épinglé par la presse camerounaise qu’on sait généreuse en scandales, pour une quelconque implication dans la corruption et autres actes mafieux. Aussi, à 60 ans, René Sadi est-il certainement à l’intersection entre l’âge de l’apprentissage des rouages de la politique et l’âge où l’on est forcément grisé par le pouvoir ou sa conquête. À défaut d’être jeune, René Sadi a un âge où il peut encore espérer faire longue route. L’un de ses atouts, c’est aussi son tempérament. Autant discret, effacé et subtil que Paul Biya lui-même, René Sadi est sans aucun doute différent des autres « dauphins » de Paul Biya qui se sont souvent illustrés par des comportements tapageurs et leur impatience à peine voilée d’accéder au pouvoir. Il est, à ce propos, identique à celui que fut Paul Biya en 1982, lorsqu’il fut désigné pour succéder à Ahmadou Ahidjo. Enfin, les 30 ans qu’il a passés dans les arcanes de la Présidence de la République pourraient s’avérer déterminantes pour la gestion du pays. Par ailleurs, en le hissant au Secrétariat général du comité central du RDPC, Paul Biya veut, sans doute, lui insuffler des aptitudes politiques qui seront nécessaires à l’homme d’État qu’il pourrait devenir.
On peut tout dire de sa nomination du 30 Juin dernier. En quittant le poste de secrétaire général adjoint de la présidence de la République pour celui de chargé des missions à la présidence de la République, certains y ont vu un début de déchéance. Mais en réalité, n’est-il pas un chargé des missions très spéciales ? Il n’a cessé d’accompagner Paul Biya dans ses déplacements. Au moment même où le chef de l’Etat semble agacé par son entourage qui ne produit pas les résultats escomptés. Ce qui peut signifier quelque chose.