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«Cameroun: Sortir du Nkuta» est un documentaire engagé de l’avocate Alice Nkom

Porte drapeau du combat des homosexuels au Cameroun, elle a accepté de répondre à nos questions. Interview. Me Alice Nkom,…

Porte drapeau du combat des homosexuels au Cameroun, elle a accepté de répondre à nos questions. Interview.

Me Alice Nkom, vous occupez le devant de la scène depuis la sortie du documentaire «Cameroun Sortir du Nkuta» un mot à propos de ce documentaire engagé
Ce documentaire porte sur les droits de l’homme et notamment ceux des minorités sexuelles que sont les homosexuels, qui risquent leur liberté et parfois leur vie au Cameroun, où ils sont la cible des maître chanteurs, des abus et violations de toutes sortes qui peuvent les conduire, toujours illégalement, en prison. Ce film de Céline METZGER retrace le combat que j’ai mené en 2006 pour obtenir la libération de 11 personnes présumées homosexuelles, arrêtées abusivement, avec une vingtaine d’autres jeunes camerounais raflées alors qu’ils prenaient tranquillement un verre dans un bar, puis, écrouées à la prison de Kondengui, à Yaoundé. Ils y passeront 11 mois, et ne sortiront qu’au terme d’un jugement qui, après en avoir relaxé deux d’entres – sur quelle base, ils n’ont fait ni plus, ni moins que les 9, puis 7 autres, avec qui ils buvaient leur bière, et qui, eux, ont été condamnés à la peine de 10 mois de prison, qui couvrait la durée de la détention provisoire. Surtout, je savais que sur les 35 personnes arrêtées dans ce bar, seules ceux, plus pauvres de chez les pauvres avaient été conduits en prison, tandis que tous les autres, qui avaient pu «tchoko» (payer des pots de vin, ndlr) ont été libérés à la gendarmerie.

Pouvez vous nous parler du combat qu vous menez?
Ayant légalisé une association pour la défense des minorités sexuelles et des droits de l’Homme en Février 2003, j’ai décidé de défendre ces pauvres victimes de l’injustice et de la violation DES DROITS DE L’HOMME et de l’état de droit. Le combat que j’ai ainsi décidé de mener est celui du respect de la règle de droit, la même pour tous, par tous; je me battrai pour une société juste, humaine, respectueuse des valeurs universelles de tolérance, de respect de la diversité, de la vie privée, de la différence, du principe de l’égalité des droits et devoirs par chacun. Sinon, comment vivre ensemble dans une société, un pays qui nous est commun, si le plus fort écrase le plus petit, sans le moindre regard d’humanité , si l’on étouffe celui qui ne pense et ne fait pas comme vous, si l’on emprisonne le malade et l’handicapé, au lieu de l’aider , si l’on opprime au lieu de libérer? Ce sont ces valeurs que je défends aussi farouchement à travers ma défense des minorités sexuelles, car sans le respect par tous de ces valeurs, notre pays devient une jungle barbare et invivable, où vont régner la violence et la misère. Or, je me bats pour voir le sourire et le bonheur sur les visages épanouis de tous les Camerounais.

Qu’est ce qui a été l’élément déclencheur pour vous car cette ordonnance existe depuis des années?
Ce qui a réveillé la répression sauvage des homosexuels depuis 2005, c’est l’homélie de l’Archevêque de Yaoundé au cours de la messe du 25 Décembre 2005 qui soutenait que les homosexuels, du fait des hautes fonctions qu’ils occupent au sein de notre administration, étaient responsables de la misère des camerounais et du chômage de nos diplômés. Il a réussi à faire oublier à ses ouailles et à des journalistes l’impact des détournements massifs de deniers publics, de la corruption, de l’absence du sens de l’état de nos dirigeants, l’irresponsabilité des pères de famille, et tous ces autres fléaux qui ont défiguré le Camerounais hier encore considéré comme le plus remarquable en Afrique, intelligent, industrieux et entreprenant, pour faire porter le fardeau à l’homosexualité des uns et des autres, supposée ou réelle, mais surtout l’homosexuel camerounais. Ce qui permet d’oublier qu’il existe, – et qu’il a toujours existé – des prêtres pédophiles, qui, comme des ogres, mangent l’équilibre psychologique des enfants qu’ils perturbent à vie, enfants qu’ils ont eu la charge d’éduquer et d’en faire des citoyens exemplaires censés résoudre les problèmes tels que le chômage ou la misère… C’est ainsi que les journalistes ont cru devoir relayer, à leur façon, ce message homophobe et assassin qui divise plus qu’il ne rassemble, qui perturbe et empoisonne inutilement une vie déjà bien triste et bien difficile et sans grand espoir pour les jeunes notamment au Cameroun. Les policiers, les gendarmes et les juges ont cru devoir faire leur part dans ce contexte dont le credo était de casser ou de bouffer de l’homosexuel, un peu comme dans un certains pays aujourd’hui, on assassine les pauvres albinos avec une éc urante barbarie! C’est une situation inacceptable et indigne pour le Cameroun, pays leader qui a vocation d’être LA référence pour toute une région par rapport aux défis du millénaire.

Parlez-nous de votre association de défense des droits des homosexuels?
Notre association «ADEFHO» a été déclarée à la Préfecture du Wouri à Douala le 3 février 2003. En l’absence du rejet du Préfet dans les deux mois qui suivaient la déclaration et conformément à la loi de 1990, ADEFHO a acquis la personnalité juridique et fonctionne dans l’objectif de défendre les droits de l’Homme et notamment ceux des minorités sexuelles. Point n’est besoin d’être homosexuel pour en être adhérent, il suffit de partager nos valeurs qui sont: l’égalité des droits et devoirs pour tous, tolérance, la même justice pour tous, le respect de l’autre quelque soient nos différences, la liberté et le droit au bonheur pour tous. Nous respectons la vie privée et faisons du strict respect de la vie privée notre religion et de ce fait, ne posons aucune question relative à l’orientation sexuelle pour adhérer à ADEFHO. Nous avons déjà aidé plus d’une trentaine de personnes en difficulté avec la justice à faire valoir leurs droits à la liberté et au respect des principes du Code de Procédure pénale et de la présomption d’innocence. Nous comptons vulgariser les dispositions du Code de Procédure relative à l’interpellation des citoyens par la police, à la garde à vue, à l’Habeas Corpus et tout ce qui permettra à tout citoyen à se défendre, contre les arrestations abusives et aux détentions arbitraires en attendant l’arrivée d’un avocat et éventuellement, le procès. Nous comptons aussi nous associer à COFENHO – Le Collectif des familles d’enfants homosexuels – pour aider les parents à comprendre et à mieux vivre avec leur enfant homosexuel car cet enfant pourrait être notre PLATON, SOCRATE ou SHAKESPEARE – tous les trois homosexuels – que nous envoyons volontiers nos enfants étudier à l’école pour devenir le magistrat, le ministre ou le Président de demain !!! Quelle mère, quel père, quel parent ne serait pas fier de donner naissance à de tels savants immortels qui ont apporté une telle contribution à l’humanité?

Me Alice Nkom
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Pourquoi pensez-vous qu’il faille dépénaliser l’homosexualité?
Je ne comprends pas qu’on puisse mettre quelqu’un en prison parce qu’il est homosexuel, parce qu’il aime tout simplement: qui commande ses sentiments? Je ne comprend pas qu’on pénalise l’amour, que des tiers s’arrogent le droit et le pouvoir de gérer les sentiments qu’éprouvent les autres, alors même qu’ils n’admettrait jamais eux-mêmes que quiconque interfère dans ce domaine quand ils sont concernés! Je ne comprends pas qu’on arrête quelqu’un et qu’on le mette en prison alors qu’il n y a pas de préjudice, pas de plaignants, au contraire, il y a quelqu’un qu’on rend heureux! Pas de victimes, pas de partie civile, pas de témoins autorisés. Les homosexuels sont des citoyens, non pas entièrement à part, mais au contraire, à part entière dont les droits au bonheur, au plaisir, à la vie privée, sont garantis à égalité avec n’importe quelle autre personne hétérosexuelle dans notre Constitution, et dans nos traités et conventions dûment signés et ratifié. Arrêter et emprisonner les homosexuels, c’est violer le principe d’égalité énoncé dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme qui fait partie intégrante de notre Constitution dont elle est le préambule.

La pénalisation de l’homosexualité pose au praticien du droit que je suis un problème: le texte qui pénalise l’homosexualité ( l’article 347 bis du Code Pénal) est une ordonnance signée par le Chef de l’Exécutif le 18 Septembre 1972. Nous avons bon espoir que la Cour Suprême va casser toutes ces décisions et mettre un terme à toutes les persécutions dont sont victimes les homosexuels au Cameroun. Or notre Constitution réserve au Législatif, c’est-à-dire la Parlement, et en vertu du principe fondateur de la séparation des pouvoirs dans toute démocratie, l’exclusivité de la détermination des crimes et délits. L’article 347 bis n’est donc pas un texte voté par le Parlement et de ce fait il est illégal et irrégulier. Il viole les dispositions prévues à l’article 26 de la Constitution du Cameroun et ne peut, de ce fait, servir de base ni à une interpellation, ni à une détention provisoire, ni, à fortiori, à une condamnation. De plus, cet article viole le principe de légalité des textes applicable en matière pénale. Il apparaît donc que les pauvres homosexuels arrêtés et condamnés sur la base d’un tel texte, l’on été illégalement et injustement.
Alice Nkom

Quels sont vos autres combats?
Je m’occupe, dans le cadre de l’association SID’ADO, de la prévention VIH/SIDA chez les Ados abandonnés à eux-mêmes dans le combat contre ce fléau, si lié à la sexualité et aux tabous de la sexualité. Je crois que si la jeunesse est l’avenir, il faut prendre des dispositions sérieuses et franches pour les accompagner sur ce chemin aux dangers multiples, mortels même, jusqu’à la découverte du vaccin, du traitement qui guérit. Certes, on s’occupe de la transmission mère-enfant, de la prise en charge des malades, mais il me semble que lorsqu’on a tant fait pour épargner le f tus et le bébé qui naît, il faut être encore plus vigilant quand vient la puberté et toutes ses tentations. Il faut armer l’enfant pour le préparer à commencer la pratique de sa sexualité en toute responsabilité. Je veille aussi à ce que les ados qui découvrent peut-être leur homosexualité à cet âge sachent qu’ils sont concernés et trouvent en nous la même écoute, le même accompagnement, le même soutien. Mes autres combats s’appellent la lutte contre la corruption dans le secteur de la justice, à travers RISJI, le Réseau international de soutien au juge intègre, la Démocratie et les femmes, WVAS- Women Voters and Sons, l’environnement, en essayant de sauver le fleuve WOURI qui se noie et se meurt (AS SAUFLEW), l’immigration clandestine, «VIT’S AU PAYS», pour ne citer que ceux-là. Je porte une attention particulière à la culture et aux acteurs de notre culture, les artistes.

Connaissant les réactions des populations et les pouvoirs publics vis-à-vis des homosexuels, doit-on crainte pour votre personne?
Le risque zéro n’existant pas dans toute activité, je me contente de respecter scrupuleusement la loi et les consignes élémentaires de sécurité.

Alice Nkom gère de nombreux combats au Cameroun
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