Par Christian Djoko, Doctorant et expert en droit de l’homme
Après plusieurs prorogations des mandats électifs (députés et maires), Paul Biya a décidé tout récemment de convoquer le corps électoral le 30 septembre 2013. En prélude à cet événement qui constitue toujours un moment particulier (pour le meilleur comme pour le pire) dans la vie d’un pays, nous allons sur une base que nous espérons régulière nous livrer à une analyse de l’environnement politique/électoral camerounais en général … En guise de propos liminaire, nous allons tenter de brosser le portrait de l’opposition camerounaise et de montrer en quoi, sa trajectoire actuelle est un précipice pour la démocratie camerounaise et les aspirations des populations à un nouveau contrat social. Le très fort exil de l’élite camerounaise, la fragilité structurelle, l’inconsistance idéologique et l’inconstance stratégique des principales forces historiques de l’opposition camerounaise entretiennent, entre autres, la situation de monopole qu’exerce aujourd’hui le RDPC sur le landerneau politique. Contentons-nous d’analyser les trois dernières causes susmentionnées.
1. La fragilité structurelle et l’inconsistance idéologique
Si on peut soutenir que l’environnement politique actuel, largement pris en otage par le népotisme et le macoutisme subtile du parti-État (RDPC), n’est pas propice à la constitution d’une opposition incisive, il n’en demeure pas moins vrai que les partis politiques ont une responsabilité importante dans l’absence de challenge électoral au Cameroun. On remarquera que, la liberté d’exercer (recrutement, formation, campagnes, etc.) dont ils disposent, est inversement proportionnelle à leur incapacité à rendre le gouvernement comptable de sa conduite des affaires publiques. Fondamentalement, l’opposition camerounaise brille par sa capacité à s’effacer de la scène politique entre deux élections et son aptitude à réapparaître à la veille des consultations électorales pour, espère-t-elle, bénéficier des largesses financières que la loi consacre au financement de la campagne électorale. Bien plus, eu égard au poussiérisme des partis politiques au Cameroun, qui apparait de prime abord comme un signe de la vitalité démocratique du pays, il est curieux de constater que plusieurs de ces partis n’ont aucun projet structuré et cohérent ; aucun siège clairement identifiable ; et encore moins un programme de formation des militants. Certains n’ont d’existence que légale. C’est ce qui fait dire à Bedjoko Mbassi : «Le Cameroun [.] donne l’exemple type d’un pays où les partis s’illustrent par un déficit d’encadrement de leurs membres et partant des électeurs. Ils donnent surtout l’image des formations dépendantes en proie à une absence de cohésion qui aurait pu constituer leur force. » (1) En réalité, on est très souvent en présence d’une opposition en proie à de nombreuses dissensions ethniques/égologiques et à de puissantes aspirations clientélistes. Inévitablement, cette situation la prédispose à jouer un rôle « d’intermittent du spectacle » servant au mieux à légitimer les processus électoraux discutables et discutés. Les dernières élections de 2004 et de 2011 permettent, à cet égard, de mesurer la même incapacité des formations politiques de l’opposition à se fédérer tant du point de vue interne qu’externe. Depuis au moins deux décennies, les lendemains de joutes électorales au Cameroun indiquent plutôt la tendance aux querelles, dissensions, atermoiements, fractionnismes et désenchantement des populations. Nul doute qu’un tel état des lieux constitue une menace grave pour la démocratie. Car, faut-il encore rappeler que ce mode de gouvernance a besoin de contrepoids pour s’enraciner ? L’État de droit exige une «force de vigilance, pouvant actionner des mécanismes tels que l’action en inconstitutionnalité d’une loi ou d’un traité. La minorité aura de la peine à faire entendre sa voix, une ambiance de monolithisme ne pourra manquer de régner dans la chambre».
2. L’inconstance stratégique des forces de l’opposition
L’autre difficulté à laquelle sont confrontés les partis politiques de l’opposition au Cameroun émane de la difficile consolidation de leurs structures idéologiques, financières, institutionnelles et sociales. Très peu de cadres croient en la capacité à conquérir les espaces politiques. Mieux encore, nombreux sont ceux-là qui considèrent la politique comme un tremplin vers la réussite socio-économique. La trajectoire du SDF, l’UNDP, l’UPC illustre à profusion ce propos. Les cadres de ces partis, dandinent constamment entre tentations centrifuges, opposition radicale et stratégie de négociation voire de participation au gouvernement. Il en résulte une fragilisation desdits partis et une érosion de leur assise populaire. Au demeurant, si on peut noter avec intérêt la relative liberté qu’ont les partis à s’organiser, soulignons cependant qu’aucune alternative politique efficiente, aucune respiration démocratique durable n’est sérieusement envisageable dans le contexte politique actuel.
A suivre……………