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Cameroun: Voila comment les élus ont tué le peuple

Edmond Ngagoum, Libre-penseur Depuis deux jours, l'actualité nationale du Cameroun s'est cristallisée autour d'un projet de loi qui a été…

Edmond Ngagoum, Libre-penseur

Depuis deux jours, l’actualité nationale du Cameroun s’est cristallisée autour d’un projet de loi qui a été déposé sur la table des députés par le président de la République, et qui punit de mort tous ceux qui seraient reconnus coupable de «trouble à l’ordre public». Les uns et les autres ont embrassé l’article 2 de cette loi en omettant de nous rappeler les prescriptions liminaires (article 1 et annexes), ce qui est regrettable et compréhensible en même temps puisque notre Assemblée est connue dans ce genre de basse man uvre. Tout ce qui précède et/ou succède à cet article dans cette loi, est vain et inutile, tant il nous fait reculer dans les orphelines avancées démocratiques dans notre pays. Que personne ne s’étonne de voir notre démarche s’inscrire dans l’axe de l’affirmation plutôt que dans l’hypothèse, trois arguments nous permettent de tenir un tel positionnement.

D’abord la nature même de celle-ci. Les partis d’opposition et une société civile soutiennent que ladite loi vient de la présidence de la République, ce qui en fait un projet de loi. Or, le projet, comme le terme l’indique est l’émanation d’une réflexion mûre et réfléchie, et n’est soumis à aucune contrainte extérieure. Le projet de loi se distingue ainsi d’une proposition de loi qui émane des députés, puisque la proposition hypothétique est sujette à la contradiction. Sur cette base, par le simple fait de sa naissance, cette loi a déjà été votée. Sinon, nous défions quiconque de nous désigner un projet de loi qui fut un jour rejeté par l’Assemblée Nationale du Cameroun.

Ensuite, la qualité de l’Assemblée Nationale du Cameroun est un véritable problème pour les libertés publiques dans notre pays. En effet, la composition proportionnelle de notre assemblée légitime l’unilatéralisme insolent du RDPC d’abord, des hommes ensuite, et des vieux enfin. Les membres du RDPC sont tous au service d’un homme (Paul Biya) avant d’appartenir à une formation politique(RDPC) dont ils ignorent quelque fois l’idéologie et le projet de société (encore qu’il en ait un). Nos élus se souviennent rarement qu’ils tiennent leur légitimité des populations, sauf si l’omission est faite exprès et de ce fait, porteuse d’un sous-entendu et d’un message précis. Et donc pour y revenir, la présence tonitruante du président Biya en amont de cette loi lui donne un substrat coercitif puissant auquel ne se soustrait aucun membre élu du RDPC et de ses partis partenaires.

Enfin, le silence résigné/coupable/complice des élites populaires et des partis d’opposition. Depuis le début de ce grabuge politico-médiatique, un seul parti politique (MRC) a osé se positionner sur cette délicate question. Les autres leaders écumeront les plateaux des débats télévisés ce week end pour dire leur courroux dans le pur français des suivistes et lâches qui accusent éternellement le parti au pouvoir. Personne ne bronchera autrement que verbalement et timidement: logique d’une opposition vassalisé et clientéliste qui vit à la solde de(u) Paul Biya (RDPC).

Fort de ce terrain fertile, la loi que notre assemblée s’apprête à voter est une atteinte intentionnelle à la liberté fondamentale des citoyens camerounais. Par son ambigüité et sa non-précision, cette loi est élastique, extensible au gré des personnes, des situations et des magistrats. C’est une loi verticale qui ne s’appliquera pas équitablement pour tous : que les spécialistes démentent le contraire !

Et sur ses mobiles initiaux, la récente situation au Burkina Fasso et les menaces à peine voilées de François Hollande à l’endroit des démocraties d’une certaines époque ne sont pas anodines. Et pourtant, Paul Biya sait que le Camerounais est distrait par l’urgent besoin de survie dans un système ou tout est concentré entre les mains d’un groupuscule.

De ce fait, il n’a rien à craindre pour sa personne et/ou son pouvoir, aussi longtemps qu’il restera aux affaires. D’autant plus qu’il n’existe dans notre pays que peu de leaders charismatiques susceptibles de provoquer/entretenir/conduire une manifestation populaire. En donnant leur vote pour cette loi, chaque député aura à son niveau tué de milliers de Camerounais, leurs rêves pour leurs pays et les chances pour notre troisième République de naître dans un débat décisif vif et décisif. A moins qu’ils oublient tous, que l’humain par essence est résistant et le Camerounais ingénieux. La débrouillardise et la jonglerie qui ont été institutionnalisées dans notre pays vont se retourner contre ceux qui redoutent la jouissance des libertés. «On a dit que../» «J’ai entendu que./» «Les gens racontent que.» avant toute déclaration fait de celle-ci une information publique et protège le relayeur contre toute poursuite judiciaire, puisque le «ON» seul en est l’auteur.


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