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« Ces français qui torpillent la lutte contre les détournements de fonds publics au Cameroun »

Par Engelbert Essomba Bengono En réaction à la décision de la Cour suprême du Cameroun rejetant le recours en cassation…

Par Engelbert Essomba Bengono

En réaction à la décision de la Cour suprême du Cameroun rejetant le recours en cassation du Pr Titus Edzoa et de son co-accusé Michel Thierry Atangana, nous avons appris sur les ondes d’une radio officielle française passée maître dans le grossissement épique des situations et des faits que le « dossier Atangana » est désormais la « pomme de discorde » entre la France et le Cameroun. Parce que M. Hollande a signifié sa préoccupation sur les antennes de cette radio-là; parce qu’ensuite M. Hollande a demandé au Président Biya de régler ce problème qui n’aurait que trop duré, au goût des français. Parce qu’ensuite et ensuite, la lutte contre la corruption serait une vaste « opération d’épuration politique » dont l’objectif est d’éliminer tous les adversaires politiques du Président Biya. Parce qu’ensuite et enfin, l’avocate française de Me Yen Eyoum Lydienne s’est déchaînée dans une diatribe cousue de contrevérités, d’injures et d’affirmations gratuites sur le Cameroun, son Président et son régime. Une simple citoyenne française a ainsi traîné dans la boue de RFI le Président que nous avons élu en octobre 2011 pour lutter précisément sans faiblesse contre la corruption et les détournements de fonds publics. Tous les responsables français interrogés ce jour-là sont allés au-delà de ce que prévoit la convention internationale de Vienne de 1963 sur les relations consulaires. On a entendu le sénateur des français de l’étranger exprimer une opinion politique sur la décision de la Cour suprême d’un Etat souverain, après qu’il ait tenté par sa présence au procès, d’influencer les juges. On a aussi entendu le porte-parole adjoint du ministère français des affaires étrangères. Avec les actions menées par l’Elysée d’une part, et l’Ambassade de France au Cameroun d’autre part, en 2011 et 2012, nous sommes vite passés de la protection consulaire admise à celle diplomatique donc politique, alors que les décisions de la justice camerounaise sur la cause ne troublent en rien l’ordre public international. La ligne d’action de ce pays est floue. Autant l’enthousiasme consulaire a manqué au français auteur d’un crime de sang et d’un suicide à Douala, autant le zèle est nauséabond et provocateur dans les cas Michel Thierry Atangana et Yen Eyoum Lydienne.

Souveraineté judiciaire
Une certaine France officielle estime donc que la lutte pour notre souveraineté judiciaire et notre développement économique est un combat accessoire. Cette France-là estime que la liberté de ses nationaux est prioritaire et passe avant la vie de millions d’hommes et de femmes qui suent ce que des sangsues françaises sucent depuis des décennies au Cameroun. Qui veut-on convaincre que les juges camerounais sont tous des « tarés » incompétents et sans conscience ? Qui veut-on convaincre qu’on leur dicte des jugements et des arrêts dans des affaires où la violation de la législation camerounaise est fondée sur des faits et des éléments de droit suffisants, concordants et constants ? Bien au-delà du simple « oui dire ». Qu’est-ce que des étrangers viennent chercher dans les dossiers de détournements de fonds publics au Cameroun ? Souvenez-vous du belge Francis Dauvin de Six International, co-accusé d’Engo Pierre Désiré, qui n’a jamais comparu parce qu’ayant pris la fuite. Souvenez-vous également de l’anglais Kevin Walls, manager d’APM et co-accusé dans l’affaire de l’avion présidentiel. Lui aussi ne s’est jamais présenté au tribunal. Que dire des franco-camerounais ? Nous avons beau cherché dans le dictionnaire des noms propres, nulles traces des patronymes purement camerounais comme Atangana, Yen ou Eyoum. Si vous demandez à un ancien élève du lycée Sultan Ibrahim Njoya de Foumban (1974-77) qui est madame Yen Eyoum Lydienne, il vous répondra : « l’une des plus belles filles duala du lycée ». Comment a-t-on fait pour qu’un français soit responsable du COPISUR d’abord, puis nommé Chargé de mission à la Présidence de la République? Comment a-t-on fait ensuite pour qu’un français soit titularisé à un poste dans un domaine où des nationaux possèdent des compétences ? Comment a-t-on fait ensuite et enfin pour qu’une avocate « française » soit détentrice d’un mandat de porteur d’un commandement de payer ? Comment en est-on arrivé à ne pas confier ce recouvrement au Trésorier Payeur Général de Douala qui avait, en son sein, des porteurs de contraintes détenteurs de tous les pouvoirs requis et ayant prêté le serment d’usage ? Eux qui ont recouvré plus de 19 milliards de francs CFA de créances douanières pendant la même période. Quelles sont les pièces d’identité personnelles qui ont facilité ces nominations et désignations de français dans des affaires d’emblée nationales? Que disent les conventions internationales sur l’usurpation de nationalité ?

S’agissant du recouvrement forcé effectué par Me Yen Eyoum, agissant comme porteur de contraintes, elle ne pouvait prétendre qu’à 3% du montant recouvré. Le taux de 3% représente le coût du commandement et est fixé par l’article 3 de la loi française du 04/04/1926 modifiée par le décret du 08/08/1935 articles 1à3, par la loi du 06/01/1948 article 14 et par l’ordonnance du 29/12/1958 article 9. Ces dispositions ont été reprises in extenso par le législateur camerounais et sont appliquées par tous les professionnels. Tous savent aussi que les frais dus à un avocat impliqué dans ce type de procédure sont des honoraires dont le taux est fixé par la loi, sans jamais dépasser 6% du montant de la créance toutes taxes comprises. Alors, questions : pourquoi, sachant tout ce qui précède, Me Yen Eyoum aurait-elle retenu dans son compte bancaire, sauf erreur ou omission, un milliard sur les deux et demi recouvrés auprès du débiteur? Peut-elle apporter la preuve qu’elle a adressé un état de ses honoraires au Ministre des Finances qui l’a constituée? Quel était le montant de cet état d’honoraires? En indiquant les références de son compte bancaire au débiteur, n’aura-t-elle pas confirmé l’intention de détourner ? En ne virant qu’une partie de la somme reçue du débiteur, n’aura-t-elle opéré une rétention de l’argent d’autrui sans droit ? N’aura-t-elle pas opéré une rétention de l’argent de l’Etat sans droit ? Rétention abusive, rétention à son seul profit ! Or, retenir sans droit et retenir abusivement l’argent de l’Etat sont constitutifs d’un détournement de fonds publics. N’eût-il pas été plus conforme de communiquer au débiteur les références du compte de la Trésorerie Générale de Douala à la BEAC pour obtenir l’exécution du commandement de payer?

La consommation du crime de détournement de fonds publics serait donc établie. Ce fait est constant. Seuls certains, au Cameroun et en France, pensent que Me Yen Eyoum est victime d’une épuration politique organisée par le Président Biya. A qui voudrait-on faire croire que la tartufferie autour des français qui torpillent la lutte contre la corruption et les détournements est un combat politique noble? Qui veut absolument noyer des années d’efforts de lutte contre la corruption ? Nous avons entendu parler de grâce présidentielle. Nous rappelons que jusqu’ici, cette grâce présidentielle a toujours exclut de son champ d’application les personnes condamnées pour des crimes économiques. Cette grâce n’est envisagée que dans le seul intérêt de la France ; et contre les intérêts du Cameroun en lutte contre un phénomène qui a gangréné son tissu social. La grâce est une réponse politique qui va satisfaire uniquement la France et décevoir le peuple camerounais. La grâce va balayer le dernier souffle du préjugé social favorable qui vivifie encore la lutte. La grâce générale s’appelle l’amnistie. Elle relève du domaine de la loi. Pensons-y ! Le peuple nous regarde.


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