Malgré les revendications acerbes des chefs Sawa, l’investisseur nigérian ne compte plus quitter ce site situé juste en face de Cimencam
48 heures pour déguerpir
C’est une histoire rocambolesque et inédite. Le 10 mars 2012, les chefs Sawa se sont réunis à la salle des fêtes d’Akwa, dans le cadre de leur Assemblée générale. Présidée par Sa Majesté Din Dika Akwa, président en exercice du Ngondo. Ce conclave a fait la part belle au problème du site dans lequel Dangoté compte construire une cimenterie qui devra apporter un million de tonnes supplémentaires au Cameroun. Les chefs Sawa, dans l’ensemble, s’opposent à la construction de cette usine de ce côté-là. Car, expliquent-ils, c’est le seul endroit où ils se retrouvent chaque année, le dimanche notamment, pour clôturer les festivités de leur fête traditionnelle. Nous avons demandé l’audience au président de la République qui a autorisé le directeur du Cabinet civil avec qui nous avions eu de longs entretiens. Le ministre des Domaines est descendue pour voir de près ce problème. C’est alors que sur haute instruction du chef de l’Etat, il a été demandé à l’opérateur d’arrêter tous les travaux. Si vous vous y rendez, il y a la croix saint André posée par la Communauté urbaine de Douala, a réagi Din Dika Akwa, président en exercice de l’Assemblée traditionnelle. En réalité, le 1er mars 2012, la Communauté urbaine de Douala (Cud) a dessiné les croix de Saint André sur les planches de l’immense clôture qui ceinture ce site, donnant 48 heures à Dangoté pour quitter les lieux. La Cud qui dit obéir aux ordres du ministre des Domaines et de l’habitat, informe à Dangoté que le site qui a fait l’objet d’un contrat de bail entre le groupe nigérian et le Pad, «appartient au Ngondo». Toutes choses qui étonnent le groupe nigérian, suffisamment avancé dans le projet. «On ne peut plus faire marche-arrière». Voilà résumée la position de Dangote Cement.
Questionnements
Le cadre du groupe nigérian qui parle sous l’anonymat se pose une multitude de questionnements. Pourquoi depuis la pose de la première pierre en septembre 2011, nous n’avons pas été interpellés? Pourquoi depuis six mois qu’on travaille dans ce site, nous n’avons pas reçu la moindre lettre de revendication?, ajoute-t-il, très surpris. Si un quelconque problème était posé quelques jours après la pose de la première pierre, on pouvait trouver une solution. Maintenant, il se fait très tard. Car, les études du sol sont déjà bouclées, ajoute-t-il. On apprend aussi que la commande a déjà été passée aux fournisseurs pour la fabrication des équipements qui, d’après nos sources, ne tarderont plus à arriver au port de Douala. Les équipements se fabriquent à base des résultats des études de sol et on a tout commandé. Vous imaginez ce qu’on va perdre si on quitte ce site, précisent lesdites sources. Aucun chiffre exact n’est avancé quant au montant de cet investissement préalable, mais, on parle de la moitié de l’enveloppe globale destinée à ce projet. Donc, un peu plus de 25 milliards FCFA. La semaine du 6 au 12 mars 2012, le directeur des opérations du groupe Dangoté a rencontré le Premier ministre, au sujet de ce projet, notamment les détails préalables à régler pour son envol. Alake Olakunle a profité de l’occasion pour échanger avec Philémon Yang sur les revendications des chefs Sawa. D’après Dangoté, cette rencontre s’est plutôt bien passée. Le Premier ministre nous a rassurés que les chefs Sawa et le Directeur général du port autonome seront convoqués incessamment pour écouter les arguments des uns et autres, synthétise un cadre du groupe. Mais, le Premier ministre tient absolument à notre investissement au Cameroun, ajoute-t-il. En attendant cette réunion, qui pourra peut-être démêler l’écheveau et faire avancer les choses, la menace de déguerpissement plane toujours sur cette entreprise. Car, les croix de Saint André sont toujours visibles.
300 emplois directs menacés
Dans l’ensemble, cette querelle autour du site devant abriter la 2e cimenterie de Douala étonne plus d’un. On se souvient de la grande mobilisation qui a entourée la cérémonie de pose de la première pierre de cette cimenterie située en face de Cimencam. Ce 28 septembre 2011, en effet, trois ministres avaient effectué le déplacement. Le ministre de l’Industrie, des mines et du développement technologique, représentant personnel du Premier ministre, le ministre d’Etat en charge des Transports Bello Bouba Maïgari, le ministre du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana. Francis Faï Yengo était de la partie, en sa double casquette de gouverneur de la région du Littoral et Pca du Pad, le site ayant été présenté comme étant une propriété du Pad. Même la Cud était de cette fête. Le revirement que prend cette affaire ne peut que laisser pantois. Comment les autorités d’un tel niveau peuvent s’engager si les préalables n’ont pas été réglés? Quand on sait que Dayas Mounoumé, le Directeur général du Pad, digne fils Sawa, est habitué des festivités du Ngondo aux berges du Wouri. Pour l’instant, on ne peut que se contenter de rappeler que le projet de Dangote doit apporter un million de tonnes supplémentaires au Cameroun et créer près de 300 emplois directs. Actuellement, Cimencam, avec ses deux usines produit 1,5 million de tonnes par an. Avec sa 3e usine de Nomayos, à Yaoundé, elle produira 600.000 tonnes supplémentaires pour se hisser à 2,1 millions de tonnes par an, toujours en deçà de la demande annuelle qui s’élève à 2,5 millions de tonnes, en dehors des projets structurants qui demandent 800.000 tonnes au moins. En conclusion, le Cameroun a énormément soif du ciment. Car, la demande se situe au-delà de 4 millions de tonnes par an. L’installation de Dangoté mettra seulement fin aux importations de ciment qui ont la particularité de compliquer la tâche aux consommateurs.